© REUTERS/Finbarr O'Reilly

Côte d’Ivoire : Ouattara butte sur l’insécurité à Abidjan

Des tirs à l’arme lourde ont été entendus ce mercredi à Abidjan. Le clan Ouattara a pointé ce mardi « l’activisme persistant de quelques poches de résistance » pro-Gbagbo. La sécurité reste donc la priorité numéro 1 du nouveau gouvernement.

« La sécurité s’est notoirement améliorée (…) Les policiers sont de retour à l’Ecole de police, [ils] sont mobilisés, prêts à travailler », a assuré ce mardi le Premier ministre Guillaume Soro, à l’issue du premier conseil du gouvernement hors du Golf Hotel. « Je demande à toute l’administration de se mettre au travail », a-t-il ajouté.

Dans le détail, le nouveau régime présidé par Alassane Ouattara a pris une série de premières mesures pour concrétiser sa volonté de réconciliation du peuple ivoirien. Ce lundi, le gouvernement a levé le couvre-feu instauré depuis le 31 mars à Abidjan. Mercredi, il a fait raser un des symboles du pouvoir de Laurent Gbagbo dans le quartier du Plateau, la « Sorbonne », où officiaient ses idéologues, considéré comme un marché informel, un temple du piratage (de CD et DVD) et un lieu de prostitution. « C’était une question de salubrité et de sécurité », a affirmé à l’AFP un responsable du quartier, « il fallait rendre le Plateau propre ». Avant l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril, ce quartier a été le théâtre de combats pendant plus de dix jours.

Autre mesure: le gouvernement a décidé ce mardi la fermeture des deux universités publiques d’Abidjan, l’une à Cocody, et l’autre à Abobo Adjamé, pour « raisons de sécurité ». Selon les autorités ivoiriennes, les cités universitaires étaient devenues « des caches d’armes et des refuges de miliciens et de mercenaires à la solde du président sortant Laurent Gbagbo ». Le secrétaire général de la fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), Mian Augustin, avait appelé vendredi dernier les étudiants, qui « détiennent illégalement des armes à feu » à les déposer.

Dernier effort de normalisation: les FRCI et les gendarmes d’Abidjan se sont joints ce mercredi à la force Licorne pour effectuer des patrouilles dans la capitale économique, notamment à Cocody, au Plateau, et à la caserne d’Agban. « Nous sommes là pour les soutenir et les aider à assurer la sécurité de la capitale », a commenté le capitaine Grossin, commandant d’unité au sein des forces françaises. A l’issue de cette première journée, les retours étaient positifs, selon le ministère français de la Défense, et « les missions conjointes vont trouver leur rythme de croisière dans la semaine. »

Cependant, des difficultés apparaissent déjà dans la coordination de toutes ces forces de sécurité présentes sur le terrain. Alors que Ouattara a demandé la collaboration sans délai des FRCI et des FDS pro-Gbagbo, désormais ralliées au régime, les chefs de ces forces peinent à s’entendre. Selon le journal indépendant L’Inter, les points d’achoppement seraient la destruction par les FRCI des biens appartenant aux gendarmes et aux policiers d’Abidjan, et les nombreuses victimes décomptées dans les deux camps. « En conséquence, le patron de la gendarmerie a proposé au général Michel Gueu, chef de cabinet militaire du Premier ministre Soro, le retrait pur et simple des FRCI », note le journal.

La violence reste quotidienne à Yopougon

Dans un communiqué publié ce mardi, le gouvernement a pointé « l’activisme persistant de quelques poches de résistance de miliciens et mercenaires, notamment dans certains secteurs de la commune de Yopougon [pro-Gbagbo, ndlr], et ce en dépit des appels pressants à déposer les armes lancés » par le pouvoir. Depuis la reprise en main du clan Ouattara, des coups de feu sont entendus jour et nuit dans ce quartier. Encore ce mercredi, des habitants rapportent avoir entendu des tirs nourris d’armes lourdes et des explosions, notamment dans le quartier Koweit de Yopougon. Selon un résident, les combats, qui ont connu un pic le 15 avril, opposeraient des miliciens aux FRCI du gouvernement Ouattara.

Dans plusieurs quotidiens ivoiriens, et notamment le Nouveau Réveil [pro-Bédié], des scènes de pillages de maisons et de vols de véhicules sont observés à Yopougon. « Nous sommes fatigués, nous n’arrivons pas à sortir pour aller au travail. Comment comprendre que les FRCI ont réussi à pacifier les autres communes du district d’Abidjan et que Yopougon résiste toujours. Ou bien, le Président de la République nous a-t-il oubliés? », s’interroge un habitant de ce quartier, dans le journal pro-Ouattara Le Patriote.

D’après ce journal encore, ces miliciens « disent ne plus se reconnaître en Magui le Tocard, bien connu à Yopougon, qui a récemment appelé ses camarades à cesser les violences. » SoirInfo, pro-Ouattara aussi, a interrogé l’un de ces miliciens, qui se nomme « Samuel Doe (SD) ». « Au dire de ce sergent-chef des FDS [Forces de Défense et de Sécurité, proGbagbo, ndlr], le GPP [Groupe des Patriotes pour la Paix, qu’il dirige, ndlr] ne déposera pas les armes tant que l’ex président Laurent Gbagbo sera hors du palais. »

A l’issue de cet entretien, « SD » indique que son mouvement, fort selon lui de 20 000 hommes à travers tout le pays, entretient d’étroites relations avec le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit IB, « qui serait son véritable pourvoyeur en armes et en hommes. » Une information qu’a tout de suite démenti l’intéressé, justifiant qu’il demeure sous les ordres d’Alassane Ouattara, même s’il a réclamé récemment une reconnaissance de l’implication de ses forces dans la chute du régime Gbagbo.

Reste que le quartier se vide de ses habitants, qui rejoignent le quartier de Treichville, plus sûr, comme le montre cette vidéo enregistrée par un collaborateur de la chaîne France 24. « Ce n’est pas un échec. Si nous avons débarrassé les villes de Toulepleu, Guiglo et Duékoué de mercenaires et miliciens, ce n’est pas une commune qui va nous inquiéter », rassure finalement un élément des FRCI, interrogé par le quotidien Le Patriote. Les tirs entendus ce mercredi matin, à Yopougon, seraient dus à une offensive ultime des FRCI lancée contre ces miliciens.

Pauline Tissot, L’Express.fr

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