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Côte d’Ivoire : deux présidents pour un seul pays

Alors que Laurent Gbagbo a été investi président samedi après-midi, Ouattara, reconnu « président élu » par la communauté internationale a prêté serment « par courrier ». Des gouvernements sont également en passe d’être formés.

Les résultats sont tombés, deux fois. Le serment pour la magistrature suprême a été prêté, par deux présidents. Alors que Laurent Gbagbo a été investi ce samedi après-midi président de la Côte d’Ivoire, son opposant Allassane Ouattara a prêté serment « en qualité de président de la République de Côte d’Ivoire » par un courrier au Conseil constitutionnel.

Une situation ubuesque qui n’est que le dernier épisode d’une élection longue et très contestée. Le Conseil constitutionnel a invalidé vendredi les résultats de la commission électorale donnant Alassane Ouattara en tête. Avant de proclamer le président candidat Laurent Gbagbo gagnant.

Depuis, les instances internationales multiplient les déclarations offrant leur soutien à Ouattara. Le secrétaire général de l’ONU a ainsi « félicité » l’opposant pour sa victoire ». Depuis l’Inde, Nicolas Sarkozy n’a pas dit autre chose: « Il y a un président élu en Côte d’Ivoire. L’ensemble de la communauté internationale et les Nations Unies l’ont reconnu. Ce président c’est Alassane Ouattara. » Bruxelles, enfin, a fait savoir qu’elle reconnaissait aussi Ouattara comme « président élu ».

Le Premier ministre ivoirien lui-même reconnaissait Ouattara. Guillaume Soro a annoncé qu’il allait lui remettre la démission de son gouvernement. « Nous reconnaissons que M. Alassane Ouattara est le vainqueur de cette élection, a déclaré devant la presse à Abidjan Guillaume Soro. J’ai décidé d’aller lui rendre la démission de mon gouvernement et ma démission en tant que Premier ministre. ». Il a jugé « injuste et inacceptable » la décision du Conseil constitutionnel de proclamer Laurent Gbagbo vainqueur en invalidant les résultats de la commission électorale qui donnaient son rival en tête.

Après avoir prêté serment, Ouattara a bien reçu la démission de Soro, et l’a reconduit à son poste. Deux pouvoirs tentent désormais de prouver leur légitimité en parallèle.

Les violences dans la nuit de vendredi à samedi qui ont fait au moins deux morts n’augurent rien de bon. Samedi, au cours de la matinée des centaines de jeunes en colère sont sortis, dans les quartiers populaires pour protester contre la proclamation de la victoire du président sortant.

Et deux gouvernements

Laurent Gbagbo a nommé dimanche soir l’universitaire Gilbert Marie N’gbo Aké au poste de Premier ministre. Alors que Le nouveau gouvernement du Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a été formé à la demande d’Alassane Ouattara.

M. Aké « est nommé Premier ministre, chef du gouvernement », selon un décret présidentiel lu à la télévision publique. Cet économiste considéré comme proche de M. Gbagbo est président de la principale université d’Abidjan, dans le quartier chic de Cocody.

Sa nomination survient le jour même d’une visite de l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki dépêché par l’Union africaine (UA), et quelques heures après la présentation du gouvernement dirigé par Guillaume Soro à la demande de M. Ouattara.

Chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) et Premier ministre de M. Gbagbo après avoir conclu avec lui en 2007 l’accord de paix de Ouagadougou, M. Soro a reconnu la victoire de M. Ouattara à la présidentielle du 28 novembre.

Treize ministres composent ce gouvernement de Ouattara, dont la composition a été fixée dans un décret lu par le porte-parole Sindou Meïté. Premier ministre et chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), M. Soro détient aussi le portefeuille de la Défense.

Les autres ministères sont confiés à des membres du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), coalition d’opposition qui avait soutenu M. Ouattara avant le second tour de la présidentielle le 28 novembre.

Gbagbo doit partir, la partition du pays pas envisageable

Le président sortant de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo doit « quitter le pouvoir », a déclaré lundi Guillaume Soro, Premier ministre d’Alassane Ouattara qui revendique la victoire comme le sortant, jugeant inenvisageable une « partition » du pays, dans un entretien accordé à la radio Europe 1.

« Nous avons demandé au médiateur envoyé par l’Union africaine qu’il demande à Laurent Gbagbo de partir, de laisser le pouvoir et de faire une transmission pacifique à Alassane Dramane Ouattara. Il faut que l’alternance soit », a déclaré M. Soro, ancien chef de gouvernement de M. Gbagbo reconduit dans ses fonctions par M. Ouattara.

« Il n’est pas question d’arriver à une partition de la Côte d’Ivoire », a prévenu M. Soro, chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles, qui a contrôlé tout le nord du pays après le coup d’Etat manqué de
2002 contre Laurent Gbagbo.

L’émissaire de l’Union africaine Thabo Mbeki poursuit sa médiation

L’ex-président sud-africain Thabo Mbeki, envoyé par l’Union africaine(UA) à Abidjan, devait poursuivre sa médiation lundi en quête d’une solution. « La visite continue. Il a encore des personnes à voir et devrait partir vers 12-13H00 (locales et GMT) », a indiqué cette source.

M. Mbeki, déjà médiateur dans la crise ivoirienne de 2004 à 2006, a rencontré dimanche, au premier jour de sa visite, MM. Gbagbo et Ouattara ainsi que le représentant de l’ONU dans le pays Youn-jin Choi et « quelques membres » de la Commission électorale indépendante (CEI), a-t-on précisé.

Sa tâche est particulièrement difficile alors que, le jour même de son arrivée, M. Ouattara, soutenu par la communauté internationale, a nommé son gouvernement et M. Gbagbo son Premier ministre.

Dix paras belges envoyés

Le gouvernement a envoyé ce week-end dix membres des « Forces spéciales » belges en Côte d’Ivoire pour la protection de l’ambassadeur et de son personnel diplomatique, a indiqué lundi le quotidien Het Nieuwsblad. Du côté du cabinet du ministre de la Défense, Pieter De Crem, on confirme que dix militaires « ont été envoyés dans la région d’Afrique occidentale par précaution ».

« Par précaution », notre pays a dès lors décidé d’envoyer dix para-commandos. Il s’agit d’une équipe de sécurité, spécialisée dans la protection d’ambassade et de personnel diplomatique. Sa tâche est de veiller à ce que l’ambassade puisse continuer à faire son travail.

L’envoi de militaires relève d’une demande du ministère des Affaires étrangères, lequel est responsable de la sécurité de son personnel.

La Belgique déconseille les voyages « non-essentiels »

Le SPF Affaires étrangères met en garde contre « un risque accru d’insécurité » et conseille de « reporter tous les voyages non-essentiels pendant cette période » de troubles potentiels. « Des manifestations et des attroupements de personnes sont à éviter par ceux qui décident quand même de venir en Côte d’Ivoire », souligne son site internet. Les recommandations de sécurité sont mises à jour régulièrement.

Ce scénario politique fait craindre des violences à la kenyane, où les partisans de Mwai Kibaki et Raila Odinga s’étaient violemment affrontés après la présidentielle de décembre 2007. Ces violences ont fait environ 1.500 morts et 300.000 déplacés.

Brussels Airlines suspend ses vols jusqu’à lundi

La compagnie aérienne belge Brussels Airlines a décidé de suspendre ses vols de et vers Abidjan jusqu’à lundi, en raison de la fermeture de l’espace aérien ivoirien jusqu’à dimanche soir. La compagnie reprendra ses vols lundi.

Elle propose aux passagers qui auraient dû prendre l’avion de ou vers la Côte d’Ivoire de réserver gratuitement une place sur un autre vol ou de se faire rembourser.

Les frontières rouvertes lundi

Les frontières ivoiriennes, fermées depuis jeudi rouvriront lundi, a annoncé dimanche soir l’état-major de l’armée régulière sur la télévision publique. Dans un communiqué, l’armée « informe les opérateurs économiques et l’ensemble des populations vivant sur le territoire national de la levée de la fermeture des frontières du pays le lundi 6 décembre 2010 à 06H00 (locales et GMT) ».

« Les frontières terrestres, les aéroports, les pistes d’envol et les ports sont à nouveau ouverts à la circulation des personnes et des biens » mais les mesures de sécurité y seront « renforcées », ajoute l’état-major.

Le Vif.be, avec Belga et L’Express.fr

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