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Corée du Nord: que signifie le mystérieux limogeage du numéro 2 du régime?

Le Vif

La mise à l’écart, réelle ou supposée, de Jang Song-taek, l’oncle de Kim Jong-un, souligne l’opposition entre réformateurs et durs au sein du régime. L’analyse de notre correspondant.

L’annonce, le 3 décembre, par les services secrets sud-coréens d’une possible mise à l’écart de Jang Song-taek -numéro deux du régime, artisan des réformes économiques et surtout oncle du leader Kim Jong-un- et de l’exécution fin novembre de deux de ses proches, a fait l’effet d’une bombe.

Les spéculations vont bon train sur les bouleversements réels ou supposés en cours à Pyongyang. L’annonce, le 3 décembre, par les services secrets sud-coréens (NIS, National Intelligence Service) d’une possible mise à l’écart de Jang Song-taek -numéro deux du régime, artisan des réformes économiques et surtout oncle du leader Kim Jong-un- et de l’exécution fin novembre de deux de ses proches, a fait l’effet d’une bombe.

Les déclarations du 4 décembre du ministre de l’unification Ryoo Khil-jae en ont limité la déflagration. Jang Song-taek n’aurait a pas été personnellement affecté par l’exécution de ses proches, a précisé le ministre, tout comme son épouse Kim Kyong-hui, fille du fondateur du pays Kim Il-sung (1912-1994).

Difficile de dire ce qu’est devenu Jang Song-taek. Certaines sources nord-coréennes évoquent une assignation à résidence. Moins en vue depuis le début de l’année 2013, estime Ryoo Khil-jae, il aurait perdu certaines de ses attributions.

Rien ne dit que ce n’est pas pour en obtenir d’autres. Le 17 décembre correspondra au deuxième anniversaire de la mort de Kim Jong-il (1941-2011), père du leader actuel. Selon certaines sources, Kim Jong-un pourrait préparer des nominations, notamment à la tête de l’assemblée populaire suprême. Le président de cet organe devient de facto le chef de l’état nord-coréen.

Ce ne serait pas le premier mouvement initié par le troisième membre de la dynastie des Kim. Il a déjà procédé à d’importants changements dans son entourage, n’hésitant pas à se séparer de personnalités l’ayant aidé à asseoir son pouvoir. Ri Yong-ho, ancien chef d’état-major, en a fait les frais en juillet 2012. L’armée et le Parti du travail ont vu leurs cadres rajeunis.

Rumeurs sur des exécutions de danseuses et de l’ex-petite amie du leader

« Il y a beaucoup d’incertitudes, constate Koichi Nakano, de l’université japonaise Sophia. Les mouvements observés interviennent dans un contexte de rumeurs sur des exécutions notamment de danseuses et de l’ex-petite amie du leader. Début novembre, le très nationaliste quotidien sud-coréen Chosun signalait l’exécution de 80 personnes, semble-t-il pour différents motifs comme le visionnage de films du Sud ou la possession de bibles.

« Les changements au sommet pourraient indiquer que la transition à la tête de la Corée du Nord reste inachevée, ajoute le Pr Nakano. Le pouvoir pourrait s’exercer plus collectivement que sous les dirigeants précédents, ce qui ouvre des opportunités tout en suscitant des inquiétudes ». Jang Song-taek a déjà subi des disgrâces à la fin des années 80 et au début des années 2000. Il est le grand ordonnateur des réformes économiques de Kim Jong-un.

Opposition entre réformateurs et durs au sein du régime

A ce sujet, les experts et le NIS s’accordent pour souligner l’opposition entre réformateurs et durs au sein du régime. L’oncle de Kim Jong-un aurait pour rival Choe Ryong-hae, chef du bureau politique de l’armée populaire. Autrefois très proches, les deux hommes ont vu leurs liens se distendre au moment de l’essai nucléaire de février 2013 et du tir de fusée, considéré comme un essai de missile, de mai. Jang prônait la modération. Choe représentait une ligne dure et l’aurait emporté. Avec l’appui notamment de Kim Won-hong, patron de la sécurité de l’Etat, il aurait commandité les exécutions pour corruption des proches de Jang.

Serait-ce le signe d’une reprise en main par l’armée, au premier plan du temps de Kim Jong-il ? Difficile à dire. Depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en décembre 2011, le Parti du travail a peu à peu renforcé son pouvoir et semble en avoir la maîtrise.

De notre correspondant en Asie, Philippe Mesmer

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