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Corée du Nord : mais à quoi joue Kim Jong-un?

Plusieurs événements inhabituels dans le pays le plus fermé au monde font l’objet de nombreuses spéculations depuis quelques semaines. Quelles sont les intentions du nouveau dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un ?

Une mystérieuse femme apparaissant aux côtés de Kim Jong-un, un chef des armées relevé de ses fonctions, un spectacle organisé mettant en scène des personnages de Disney… Depuis quelques semaines, le pays le plus fermé du monde multiplie coups de théâtre, annonces inhabituelles et « excentricités ».

Mickey Mouse accompagné de Minnie, Winnie l’ourson, Blanche Neige, Dumbo, ou encore la Belle accompagnée, naturellement, de la Bête. La scène pourrait paraître banale dans un studio Disney. Sauf qu’elle se passe à Pyongyang, en Corée du Nord. Le public applaudit. Dans ses rangs, un invité de taille : Kim Jong-un, le leader nord-coréen en personne.

Ce spectacle est inhabituel, quasi-surréaliste dans un pays n’utilisant pas en général de personnages venus des Etats-Unis, son ennemi. Selon l’agence de presse d’État KCNA, la présentation fait partie d’un « plan grandiose visant à apporter cette année un tournant sensible à la littérature et à l’art ». Une explication peu convaincante, surtout lorsqu’on se souvient de l’épisode où Kim Jong-nam, le frère de Kim Jong Un, a été banni de la succession en 2001, sous prétexte d’avoir voulu se rendre au Disneyland de Tokyo.

L’anecdote prête à rire, mais les studios hollywoodiens Walt Disney, eux, accusent le coup. Ils ont d’ailleurs protesté le 10 juillet, accusant la Corée du Nord de n’avoir demandé aucune autorisation à la société pour l’utilisation de ces personnages.

De mini-jupes qui font jaser

Autre détail intrigant, sur les images diffusées par la télévision d’Etat – la seule à exister dans ce pays qui est une des dictatures les plus féroces du monde – les jeunes musiciennes portent des robes noires assez courtes sur scène, ce qui constitue, là aussi, une première.

Ce nouveau « phénomène » intéresse sérieusement les observateurs de la Corée du Nord : « Depuis quelques semaines, des femmes en mini-jupe et en talons hauts sont apparues dans les rues de Pyongyang », observe le New York Times . Un changement étonnant puisque, comme l’explique le quotidien, la mode nord-coréenne est plutôt à l’uniforme de travail strict et aux robes traditionnelles dans le pays. Ce bouleversement vestimentaire serait-il synonyme d’une volonté de Pyongyang de s’ouvrir à l’Occident ?

Nouveau fait troublant, une mystérieuse femme âgée d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années apparaît depuis quelques temps régulièrement aux côtés du nouveau jeune dirigeant. Etonnant, car les épouses des précédents dirigeants n’apparaissaient que très rarement en public.

Une femme apparaît…

Sur les quelques rares images diffusées, on a pu l’apercevoir lors d’un hommage à Kim Il-sung, grand-père du dirigeant actuel et fondateur de la Corée du Nord. Cette même personne, les cheveux courts et vêtue d’un ensemble noir, était assise à côté de Jong-un lors d’un concert donné par l’orchestre national le 6 juillet dernier, selon les photos de la presse officielle. Elle a également été filmée en compagnie de Kim-Jong-un, sobrement vêtue d’une robe jaune à pois et d’une veste blanche alors qu’ils visitaient un jardin d’enfants.

Mais qui est-elle ? Les plus folles hypothèses fusent. Une chanteuse célèbre en Corée du Nord, amante de Kim Jong-un pour certains journaux sud-coréens, une compagne, une soeur, ou encore la fille d’une des maîtresses de l’ancien dirigeant ? Pyongyang ménage le suspense.

Au-delà de ce faisceau de détails troublants, les experts tentent de décrypter les intentions de Kim Jong-un et deviner s’il veut suivre les traces de son père et de son grand-père, ou commencer à s’ouvrir, comme le lui conseille la Chine, son seul allié de poids.

… un chef des armées s’efface

A ce titre, l’annonce soudaine du départ de Ri Yong-ho, chef des armées et proche du défunt Kim Jong-il, a profondément intrigué l’Occident et suscité de nombreuses interrogations. Officiellement, Ri Yong-ho a été relevé de ses fonctions « pour raisons de santé ».
Pour les analystes, Kim Jong-un cherche à brider le pouvoir des militaires, devenus trop puissants à ses yeux sous la politique du songun (« l’armée d’abord ») poursuivie par son père jusqu’en 2010. D’autant que Pyongyang congédie rarement pour des raisons de santé les hauts dignitaires du régime, dont beaucoup sont très âgés. Analyse qui semble se confirmer ce mercredi : Kim Jong-un est nommé « Maréchal » et consolide ainsi son emprise sur les militaires.

Un nouveau vice-maréchal de l’Armée Populaire Coréenne a également été nommé ce mardi. Il s’agit de Hyon Yong-chol, un personnage énigmatique, issu, pense-t-on, d’une famille qui a combattu les forces occupantes japonaises au début des années 40, aux côtés de Kim Jong-il.

Les analystes interrogés par le New York Times restent divisés sur les véritables intentions du nouveau dirigeant. Kim Jong-un s’est forgé un style de gouvernance à part entière, « plus proche du peuple, moins menaçant que son père Kim Jong-il ». Mais le quotidien américain rappelle que l’héritier communiste « ne veut pas s’éloigner de la politique menée par son prédécesseur ». La Corée du Nord reste encore un pays isolé avec une économie centralisée et surtout déterminé à poursuivre sa politique du chantage au nucléaire.

Sophie Malherbe, L’Express.fr

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