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Corée du Nord: l' »avancée significative » sur le nucléaire

La Corée du Nord a accepté, mercredi, un moratoire sur les essais nucléaires en échange d’une aide alimentaire des États-Unis. Pour Valérie Niquet, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique, il s’agit d’une avancée décisive. Mais la prudence reste de mise.

La Corée du Nord a accepté, le 29 février, un moratoire sur les essais nucléaires, ainsi que sur les activités d’enrichissement d’uranium et les tirs de missiles à longue portée en échange d’une aide alimentaire des Etats-Unis. Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique, explique ce que signifie cette décision.

L’accord entre Washington et Pyongyang sur la suspension des activités nucléaires a surpris. Pourquoi intervient-il maintenant ?

Ce n’est pas aussi surprenant qu’on pourrait le penser. C’est en fait l’aboutissement de deux séries de négociations bilatérales entre les États-Unis et la Corée du Nord qui avaient eu lieu cet automne, avant la mort de Kim Jong-il. La bonne nouvelle est que, malgré la succession intervenue avec l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, la direction nord-coréenne n’a pas saisi cette occasion pour rompre les négociations. Elle semble au contraire vouloir donner des signaux assez positifs. Il faudra voir comment les choses sont mises en place, mais il s’agit d’une avancée significative.

La secrétaire d’État des États-Unis, Hillary Clinton, parle d’un  » pas modeste dans la bonne direction « . Comment expliquer cette prudence ?

La Corée du Nord, depuis de très nombreuses années, nous a habitué à un jeu de chantages qui consiste à obtenir l’ouverture de négociations en recourant à la menace nucléaire, avant de rompre ces pourparlers une fois ses demandes satisfaites. Il faut donc attendre de voir s’il s’agit d’un vrai basculement ou si on est toujours dans cette stratégie de chantage et de manipulation. L’aspect très positif est que Pyongyang a accepté le retour des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) chassés en 2009. À eux, désormais, de vérifier la mise en oeuvre de cette suspension du programme nucléaire militaire.

Le régime nord-coréen cherche-t-il à mettre un terme à son isolement ?

La Corée du Nord est aujourd’hui très soutenue par la Chine, mais certains dirigeants, au sommet de l’État nord-coréen, aimeraient peut-être sortir de ce tête-à-tête exclusif et forcé avec un voisin chinois très exigeant en termes d’investissements économiques notamment, et qui se comporte un peu en terrain conquis à Pyongyang. Cette relation exclusive transforme la Corée du Nord en une sorte d’appendice de Pékin et lui ôte toute marge de manoeuvre. Il faudra voir comment évoluent les évènements, mais un scénario sur le modèle de la Birmanie n’est pas exclu. À Rangoon, le régime complètement coupé du monde extérieur et dont le principal, sinon le seul partenaire étaient la Chine s’est retourné et a cherché, par des concessions, à se donner une marge de manoeuvre. On peut imaginer que ce modèle a suscité un certain intérêt à Pyongyang. La limite est, bien évidemment, que si la Corée du Nord ne respecte pas son pacte, tout s’arrêtera.

Les négociations entre les émissaires américain et nord-coréen ont pourtant eu lieu, en fin de semaine dernière, à Pékin. Quel est intérêt pour la Chine ?

La Chine aimerait retrouver son rôle central au sein du « dialogue à six » (États-Unis, Russie, Chine, Japon et les deux Corées). Celui-ci a été suspendu et pourrait éventuellement reprendre. Beaucoup considèrent que le rôle de Pékin a été finalement peu utile dans la mesure où sa priorité était, avant tout, la survie du régime de Pyongyang. La Corée du Nord est en effet perçue comme une sorte de pays tampon et client de plus en plus dépendant de la Chine.

La contrepartie de cette suspension du programme nucléaire nord-coréen est l’envoi par les États-Unis de 165 000 tonnes d’aide alimentaire. La situation économique et alimentaire de la Corée du Nord a-t-elle été un facteur déterminant ?

Le régime nord-coréen est sans doute assez peu sûr de lui dans cette période de transition. Il est de plus en plus repoussé dans ses retranchements économiques. Par ailleurs, la célébration du centenaire du fondateur de la République populaire démocratique de Corée, Kim Il-sung va bientôt avoir lieu [le 15 avril prochain]. Dans ces conditions, le régime cherche sans doute à obtenir l’aide qui lui permettra de se donner une image positive auprès de la population.

Les États-Unis cherchent à éviter une attaque israélienne en Iran. La décision de la Corée du Nord peut-elle avoir une influence sur cette question ?

Les dossiers du nucléaire iranien et du nucléaire nord-coréen sont liés. En tentant d’obtenir un accord avec la Corée du Nord en échange d’une aide, les États-Unis cherchent sans doute à donner un signal à l’Iran. La différence est que la situation économique de l’Iran, notamment la présence d’importantes réserves de pétrole, ainsi que des partenariats économiques avec de grands acteurs économiques comme la Chine, font que Téhéran n’est pas dans la situation très difficile de Pyongyang qui n’a plus aucune voie de sortie. En revanche, il existe un lien très important en termes de prolifération avec la Corée du Nord qui a entretenu des relations étroites avec l’Iran et la Syrie dans le domaine du nucléaire, malgré des moyens limités. Faire tomber la Corée du Nord dans la chaîne de prolifération est une étape très importante dans la lutte globale contre la prolifération nucléaire.

Gokan Gunes

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