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Comment les services secrets punissent leurs « traîtres »

Le Vif

Lourdes peines de prison, enlèvement, exécution: le sort réservé aux agents doubles et autres « traîtres » varie en fonction de la nature des régimes bafoués et de leur besoin de faire des « exemples ».

« Dans les pays autoritaires ou totalitaires, c’est la manière forte: on essaie de rappeler les agents considérés comme des traîtres et on les exécute. C’est arrivé à des centaines d’agents soviétiques », fait valoir l’historien français Rémi Kauffer, spécialiste du monde du renseignement et auteur du livre « Les maîtres de l’espionnage » (éditions Perrin, 2017).

Parmi eux, Oleg Penkovsky. Ce colonel du renseignement militaire soviétique, qui a fourni de précieuses informations aux Occidentaux sur l’arsenal soviétique pendant la crise des missiles de Cuba, est arrêté en 1962, jugé puis exécuté.

« D’après la rumeur qui circule au sein du KGB, il aurait été brûlé vivant dans un four et on ne manque pas de le signaler aux jeunes recrues », raconte Rémi Kauffer, pour qui « la dureté des méthodes est fonction de la nécessité de maintenir une cohésion dans le pays et ses services « .

Autre exemple plus récent: Vladimir Vetrov alias « Farewell ». Cette célèbre taupe du KGB a livré à la France au début des années 80 des milliers de documents sur l’espionnage soviétique et les noms de près de 500 espions ou agents du KGB en Occident. Démasqué, il est fusillé en 1985.

« Du côté des régimes démocratiques, c’est beaucoup moins virulent, il y a une forme d’auto-limitation. On a une opinion publique à gérer », explique Rémi Kauffer. Dans les affaires rendues publiques, les « taupes » sont le plus souvent jugées et sévèrement condamnées.

C’est le cas de l’Américain Aldrich Ames. Agent de la CIA pendant plus de 30 ans, il a commencé à transmettre des informations à l’Union soviétique dans les années 80. Sa trahison aurait coûté la vie à une douzaine d’agents doubles travaillant pour les Américains. Il est condamné en 1994 à la prison à vie.

Secret d’Etat

D’autres « taupes » auront plus de chance.

Membre du groupe d’agents doubles « Les cinq de Cambridge », le Britannique Anthony Blunt, démasqué dans les années 1960, avoue tout au MI5. Mais ce grand historien de l’art est conseiller de la reine… Sa carrière d’espion double reste un secret d’Etat.

« Dans un pays de l’Est, il aurait eu un accident de voiture. Or là, on appuie sur le couvercle jusqu’en 1979, date à laquelle le scandale éclate. Blunt est alors identifié comme un traître. Mais il mourra dans son lit », note l’historien français.

« Aujourd’hui, en règle générale, quand un transfuge est identifié un mandat d’arrêt pèse sur sa tête, si jamais on arrive à le prendre il est jugé et doit purger une peine », fait valoir Alain Rodier, du Centre français de recherche sur le renseignement.

Selon cet ancien officier supérieur des services de renseignement extérieurs français, « la liquidation d’un transfuge, hormis dans le cas de quelques dictatures comme la Corée du Nord, n’est plus à l’ordre du jour à l’heure actuelle ».

Le récent cas de Sergueï Skripal, retrouvé empoisonné dimanche en Grande-Bretagne, sème néanmoins le doute. Cet ex-agent double russe avait été condamné en 2006 à treize ans de prison pour avoir fourni du renseignement aux Britanniques, avant de bénéficier en 2010 d’un échange d’espions entre Moscou, Londres et Washington. De lourds soupçons pèsent désormais sur la Russie, qui clame son innocence.

Certains pays ne cachent pas leur détermination à l’égard de ceux qu’elle considère comme des traîtres, comme l’illustre l’affaire Mordehaï Vanunu.

L’ex-technicien atomiste, qui avait révélé des secrets sur le programme nucléaire de l’Etat hébreu, a été enlevé à Rome en 1986 par les services de renseignement israéliens, où il avait été attiré par une agente israélienne simulant une relation sentimentale. Transféré puis jugé en Israël, il est resté plus de 10 ans en isolement total.

Depuis sa libération en 2004, il lui est interdit de s’entretenir avec des journalistes étrangers.

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