La pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs a pu ainsi être facilement et rapidement comblée grâce à l'arrivée de migrants. © REUTERS

Comment les réfugiés ont boosté l’économie suédoise

Le Vif

L’arrivée de réfugiés est controversée dans de nombreux pays européens. La Suède vit pourtant, en partie, grâce à eux un phénomène assez interpellant: son économie a enregistré une croissance remarquée de 4,1% sur l’année 2015. Explications.

Alors que la « Jungle » de Calais est en pleine évacuation, cette information va un peu bousculer les préjugés à l’égard des migrants. En Suède, le pays de l’UE qui a accueilli le plus grand nombre de migrants par habitant en 2014 et 2015, l’économie connaît un véritable boost, et, en partie, grâce à leur arrivée massive.

Selon la Banque Mondiale, le pays scandinave a enregistré une croissance annuelle de 4,1%, soit 3,5 fois supérieure à la celle de la Belgique (1,2%). Il s’agit de la croissance la plus importante depuis 5 ans, comparable à celle d’un pays d’Asie, selon l’analyse de Bloomberg.

Comment les économistes expliquent-ils cela ? La Suède a dû investir dans l’accueil des réfugiés, que ce soit dans leurs logements – depuis 2006, le record de constructions de nouveaux logements a été battu – leurs soins de base ainsi que dans de nouvelles écoles. Cette dynamique migratoire explique, en partie, la stimulation de l’économie du pays. Les propriétaires d’hôtels, les détaillants, les commerçants ont ainsi profité de l’accueil de plus de 160 000 réfugiés originaires de Syrie, d’Iraq ou d’Afghanistan (sur une population de 9,5 millions d’habitants).

Politique monétaire accomodante

Outre les créations d’emplois non délocalisables créés sur les chantiers de construction d’immeubles, d’écoles et de nouvelles routes, les migrants eux-mêmes ont stimulé l’économie suédoise. En consommant, ils ont généré de la TVA. Ils ont aussi trouvé de l’emploi, à des postes souvent délaissés par les autochtones. La pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs a pu ainsi être comblée.

Cependant, les réfugiés ne sont pas les seuls à l’origine de ce « miracle de l’économie suédoise ». Il est aussi important de mentionner que la Banque Centrale suédoise a lancé en 2015 une politique monétaire accommodante et réduit le taux directeur à un niveau historiquement bas en dessous de zéro (-0,5%) pour stimuler le crédit et les nouveaux logements. Elle a aussi veillé à maintenir une parité faible de la couronne suédoise, ce qui a stimulé les exportations, précise Bloomberg.

Sur The Independent, le chercheur anglais Jonathan Portes du National Institute of Economic déclare, suite au débat houleux sur la question migratoire en Grande-Bretagne, qu’une hausse des travailleurs peut bel et bien stimuler l’économie. « Ce que l’expérience nous montre c’est que l’afflux de réfugiés n’est pas sur le court-terme un fardeau pour l’Etat mais plutôt un moteur pour la croissance. » Il précise:« Sur le long-terme, le gouvernement suédois devra néanmoins mener une politique d’intégration afin de permettre l’insertion de ces nouveaux arrivants. »

Volte-face

Le journal Libération, de son côté, démonte cette explication qui ne se base sur aucune déclaration chiffrée du gouvernement suédois. Le quotidien cite Anders Ekholm, un expert de l’Institut d’études prospectives: « Quand la population augmente, il y a une augmentation du PIB. » Mais ces effets se voient sur « le long terme », précise-t-il. Anders Ekholm ajoute que « le secteur de la construction est toujours en manque de main d’oeuvre » et qu’il est faux de dire qu’il a largement recruté parmi les nouveaux arrivants. En outre, la construction de nouveaux logements est en hausse depuis 2012, pas depuis le dernier flux d’arrivée des migrants, soutient Libération. 45 000 nouveaux logements ont toutefois été construits en 2015, soit 10 000 de plus qu’en 2014, un record depuis plus de 10 ans, avance BFM.

Selon les chiffres de l’office suédois des migrations, mis en avant par le quotidien français, sur les 163 000 demandeurs d’asile arrivés en 2015, moins de 27 000 ont obtenu un permis de travail et à peine 500 ont trouvé un emploi. Il se révèle donc difficile pour les demandeurs d’asile de trouver un travail stable peu après leur arrivée. Et concernant les étrangers ayant obtenu un permis de résidence, il faut attendre en moyenne huit ans pour que leur taux d’emploi atteigne 50% précise encore Libération.

Depuis la publication de ces statistiques au printemps dernier, la Suède a fait volte-face dans sa politique d’accueil des migrants. Sa croissance en 2016 commence à ralentir.

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