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Comment bien décrypter un sondage

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Avant une élection ou un référendum, les résultats de nombreux sondages sont publiés et relayés par les médias. Si les conclusions peuvent paraitre évidentes, il convient de bien en analyser les paramètres pour mieux les comprendre.

A l’approche de l’élection présidentielle en France, chaque jour apporte son lot de sondages. « Mélenchon double Fillon », « Le Pen assurée du second tour », « vers un duel A contre B »,… peut-on lire. Mais se fier uniquement à ces titres serait une erreur. Si les sondages sont loin d’être une prédiction précise, ils peuvent donner une indication, une tendance de l’opinion publique à un moment précis… à condition de les lire correctement et directement à la source.

La source et la méthodologie

Le premier réflexe à adopter est de voir d’où vient le sondage et comment il a été conçu. S’il a été publié par un institut de sondage (Ipsos ou Dedicated, par exemple) ou s’il a été effectué sur le site d’un média (ex : « le sondage du jour »). Le second est moins officiel, moins fiable et se base uniquement sur le lectorat du média. Il est également utile de prendre en compte la date du sondage, et de la remettre dans son contexte (ex : avant ou après un débat, avant ou après les révélations par la presse d’une affaire comme celles de François Fillon et de Marine Le Pen,…).

Le panel a aussi son importance. Alors que les sondages en ligne touchent un public plutôt aléatoire, les instituts de sondages ont quant à eux une véritable méthodologie (nombre de sondés, âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle,…). Ces différents paramètres, en plus d’assurer la pluralité du panel, permettent également d’analyser les résultats obtenus plus finement, afin d’en dégager des tendances. La taille idéale d’un panel se situe aux alentours de 1000 sondés ou plus. En dessous de 500, le résultat risque d’être beaucoup trop imprécis.

Si le sondage que vous avez en main ne précise pas sa méthodologie, son panel,… il est difficile de le considérer comme fiable.

La question et les réponses potentielles

Autre paramètre à analyser attentivement : la question et les réponses proposées. La manière dont une question est posée peut influencer le résultat. Les mots utilisés ont également leur importance. La réflexion du sondé sera différente si vous lui demandez « Pour quel candidat souhaitez-vous voter » ou « Quel candidat serait le meilleur Président pour la France ».

Dans le cas d’un référendum, la question finale, hors sondages, est d’ailleurs primordiale. Avant le vote sur le Brexit par exemple, la formulation de la question a été discutée. Elle devrait être initialement : « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’UE ? », ce à quoi les Britanniques auraient été amenés à répondre « oui » ou « non ». Mais la question se doit d’être « aussi claire que possible ». Elle a donc été remplacée, après la consultation d’experts, par celle-ci : « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? » (avec comme option de réponse « Leave » (quitter) ou « Remain » (reste)).

Il en va de même pour les sondages, où la question est primordiale et où sa formulation peut influencer le résultat.

La marge d’erreur

C’est un point central du sondage, bien souvent négligé ou mentionné à la hâte. La marge d’erreur, ou marge d’incertitude, est pourtant une donnée en soi, et qui donne toute la nuance nécessaire aux résultats. Plus la marge d’erreur est importante, moins le résultat du sondage est fiable. Imaginons les candidats A et B. Selon le sondage, l’un est crédité de 52%, l’autre de 48%. Si la marge d’erreur est de 3%, le résultat final peut en être totalement inversé (A obtiendrait entre 49% et 55% ; B entre 45% et 51%).

Le récent Baromètre RTBF-La Libre sur les intentions de vote des Belges confiait, par exemple, la deuxième place au PTB en Wallonie, « de justesse ». Loin de nier l’évidente progression du parti, ce classement est à relativiser. Si on regarde les chiffres de plus près, le sondage donne 20,5% d’intentions de vote au PTB et 20,3% au PS. Or, « la marge d’erreur maximale est de ± 3,2 % sur l’échantillon de Wallonie », nous informe la fiche technique de la RTBF. Cela veut dire que, en poussant le concept de marge d’erreur à l’extrême, le PTB pourrait se faire (re)dépasser par le PS, ou au contraire prendre son envol et creuser l’écart.

Comparer les sondages

Lorsqu’on relaie un sondage, on a souvent tendance à le comparer aux précédents. Cela ne peut être constructif que si les paramètres du sondage sont similaires. Un bon exemple est le « PrésiTrack » (Sondage OpinionWay / ORPI pour Les Echos et Radio Classique) publié quotidiennement sur Les Echos. La promesse : « suivez au jour le jour les intentions de vote de la présidentielle 2017 et l’évolution des tendances électorales ». Le sondage est réalisé par le même institut, posant les mêmes questions au même panel avec la même méthodologie. C’est le moyen le plus efficace pour comparer des résultats (le site propose en outre de revoir les résultats précédents, semaine après semaine).

En revanche, comparer des sondages faits à partir de questions différentes, avec un panel différent ou par un institut de sondage différent n’a pas grand intérêt. Dans tous les cas, un sondage ne donne qu’une tendance de l’opinion à un moment précis et donne un rapport de force, une indication, plutôt qu’une prévision.

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