Gérald Papy

Comment arrêter Poutine?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Vladimir Poutine a la mauvaise foi et l’aplomb des potentats. Malgré l’évidence (images satellite, prisonniers de guerre, mères russes éplorées…), le maître du Kremlin persiste à nier la présence de ses soldats dans l’est de l’Ukraine. Il avait opposé pareil démenti à l’accusation, en mars dernier, d’immixtion en Crimée ukrainienne avant de reconnaître… en avril le rôle des troupes russes dans le rattachement de la péninsule à la fédération.

Le président russe se comporte aujourd’hui sur la scène internationale en voyou et ruine tous les efforts accomplis par la Russie depuis 1998 – et son accession au G8 – pour être pleinement actrice de cette « diplomatie de connivence » qu’autorise la participation aux cercles fermés des grandes puissances. C’est pourtant au nom de la grandeur de la Russie que Vladimir Poutine mène sa diplomatie belliqueuse. Pourquoi cette agressivité, source de discrédit international? Après les attentats du 11-Septembre, nous disent les politologues russes, Poutine a proposé aux Américains une union sacrée contre le terrorisme islamiste en échange de la sauvegarde des intérêts russes dans les anciennes républiques soviétiques d’Europe et d’Asie centrale. Le deal aurait été bafoué dans les grandes profondeurs…

L’Occident n’est en effet pas exempt d’erreurs dans ses relations avec la Russie post-soviétique. L’Union européenne aurait dû associer Moscou à son projet de partenariat oriental (politique de rapprochement avec les pays d’Europe de l’Est non-membres). Elle aurait dû garantir la double identité de l’Ukraine, pro-européenne et pro-russe, au lieu d’apparaître la phagocyter dans un accord d’association. Elle aurait dû réagir plus fermement à l’interdiction de la langue russe, une des premières décisions du nouveau gouvernement pro-européen de Kiev (finalement abrogée). Les desseins de Poutine en auraient-ils été réfrénés? Pas sûr…

La passivité face à Poutine n’est pas une option, au risque d’ouvrir la voie à un nouveau désordre mondial.

Si le doute prévaut sur les véritables intentions du président russe, c’est que les Européens expérimentent depuis plusieurs années sa malignité, qui semble toujours le gratifier du « coup d’avance ». Vladimir Poutine n’a cessé d’entretenir le séparatisme de la Transnistrie (région prorusse de Moldavie). Il a contribué aux sécessions de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie (à la faveur du conflit géorgien de 2008 né d’une provocation du président Saakachvili). Il a rétabli la domination russe sur la Crimée, revendication non dépourvue il est vrai de fondement historique. Et, franchissant là une ligne rouge inacceptable, il appelle aujourd’hui à l’édification d’une Novorossia dans l’est de l’Ukraine. Où s’arrêtera ce Vladimir Poutine que certains, en Europe, osent parer des vertus du « dernier rempart de l’Occident chrétien » alors qu’il en viole chaque jour les valeurs fondamentales de démocratie?

Pour l’historienne Françoise Thom, l’ancien agent du KGB « joue sur les divisions entre Européens, sur le manque de coordination entre Washington et Bruxelles » mais aussi « sur le tropisme incurablement prorusse de certains pays ». La dépendance de ceux-ci à l’égard de cette nouvelle économie explique que sanctionner la Russie nécessite légitimement plus de prudence que de punir le Zimbabwe. Elle ne doit pas pour autant conduire à la paralysie. C’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, garant de la stabilité mondiale, piétine la souveraineté d’un autre Etat, démocratie en construction. C’est pourquoi la passivité face à Vladimir Poutine n’est pas une option au risque, sinon d’ouvrir la voie à un nouveau désordre mondial aux répercussions incalculables.

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