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Colombie : qui sont ces passeurs de drogue ?

Le Vif

Couche à la cocaïne, poudre cachée dans du café ou dans du déodorant: les passeurs de drogues ne manquent pas d’idée pour passer inaperçus à El Dorado, le plus important aéroport de Colombie. Il est vrai que ce pays est le premier producteur mondial de cocaïne. Reportage.

Comme tant d’autres pris en flagrant délit de trafic de drogue à leur départ de Colombie, un professeur d’art néerlandais a terminé son voyage à l’aéroport de Bogota, après la saisie de cocaïne dans son bagage à main. « Vous voyez la substance blanche dans cet orifice au fond de votre valise? Nous allons l’analyser », avertit un policier qui a intercepté l’enseignant au poste de sécurité n°6 de l’aéroport international d’El Dorado, le plus important de Colombie, premier producteur mondial de cocaïne. Les bras croisés sur son torse mince, le voyageur néerlandais hoche simplement la tête. La poudre dissimulée dans le double fond de son bagage subit alors le « narco test » au moyen d’un produit chimique de couleur rose. « S’il vire au bleu ciel au contact de cette substance blanche, c’est un résultat préliminaire positif au chlorhydrate de cocaïne. Suis-je clair? », lance l’officier en l’invitant à s’approcher et à regarder un échantillon virer de couleur. « Ay, caramba! », lâche l’enseignant avec un fort accent. Avant d’être menotté, il plaide l’innocence, assure que la valise lui a été donnée par « un ami d’un ami » parce que la sienne était trop petite. Au total trois kilos de cocaïne, qu’il entendait transporter jusqu’à Lisbonne, ont été saisis par les agents spécialisés dans la détection des passeurs de drogue parmi les 7,8 millions de passagers annuels du terminal international, selon des chiffres officiels.

Couche à la cocaïne

« Le profilage est déterminant. Il permet de détecter les modes de trafic: ingestion, adhésion au corps ou double fond » de bagage, a expliqué à l’AFP le sous-lieutenant Jordan Diaz, l’un des 60 agents anti-drogue qui passent au crible quelque 250 passagers de 35 vols quotidiens. Certains voyageurs se font remarquer par leur nervosité, leur démarche pressée, des mains qui tremblent en remettant leur passeport ou à des souliers flambant neufs. Les « destinations critiques » sont l’Espagne, les Pays-Bas, le Mexique et le Canada.

Colombie : qui sont ces passeurs de drogue ?
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Environ quatre cas comme le professeur néerlandais sont interpellés chaque semaine. Ce sont en majorité des hommes, âgés de 25 à 35 ans. Certains cachent la drogue dans des paquets de café, les semelles de leurs chaussures, du déodorant, voire un autocuiseur, ou imprégnée dans du linge parfumé au camphre pour dérouter les chiens. Une fois repérées, les « mules » –qui avalent des capsules de drogue ou se les introduisent dans le vagin ou l’anus, et risquent une mort en 15 secondes si elles éclatent– doivent passer un scanner, seul moyen de découvrir les stupéfiants dissimulés dans les parties intimes. « Comme la loi colombienne interdit l’inspection des zones génitales, certains mettent une couche et y cachent la drogue (…) On les découvre parce qu’ils marchent bizarrement », ajoute le sous-lieutenant Diaz.

Chiens joueurs

Dans la zone des bagages, un labrador remue frénétiquement la queue devant deux valises en partance pour Madrid. « Crazy » est une des quatre chiens détecteurs. « Ce ne sont pas des toxicomanes. Ils sont entrainés de manière à associer la découverte de la drogue à un jeu », précise le policier.

Cet officier entend empêcher autant que possible que les stupéfiants parviennent jusqu’aux lieux de vente. Mais la tâche est immense, car le trafic est rentable. « Un kilo de cocaïne vaut environ 1.500 dollars en Colombie, 35.000 au Mexique et jusqu’à 60.000 en Europe », dit-il.

Depuis le début de l’année, 384 personnes, dont 129 étrangers, ont été arrêtées pour trafic de drogue dans les différents aéroports du pays, tandis que 1.381 kilos de chlorhydrate de cocaïne, 51,3 kilos d’héroïne et 200 kilos de marijuana saisis. Le weekend dernier, le général Ricardo Restrepo, chef du service anti-narcotique, a qualifié d' »historique » la saisie de 134 tonnes de cocaïne depuis début 2015. Toutefois, selon un rapport récent de l’ONU, la production continue d’augmenter avec un total de 442 tonnes de cocaïne, en 2014, soit 52% de plus que l’année précédente.

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