Clinton-Trump : la peste ou le choléra

Pour beaucoup d’Américains, l’élection à la présidence américaine le 8 novembre prochain revient à choisir entre la peste et le choléra. Certains n’iront tout simplement pas voter, considérant qu’aucun des deux candidats, ni Hillary Clinton, ni Donald Trump, n’a véritablement l’étoffe pour enfiler le costume.

Certes, la presse, tant américaine qu’européenne, a déjà choisi Hillary Clinton, candidate de l’Etablissement, pro-européenne, gardienne des traités comme rempart à Donald Trump, taxé tantôt de populiste, tantôt de fou dont on craint qu’il puisse « pousser sur le bouton nucléaire » par simple lubie.

D’emblée, signalons que, même si Mme Clinton a à nouveau utilisé cet épouvantail, la chaîne de commandement pour provoquer un cataclysme nucléaire est un peu plus compliquée que dans « Docteur Folamour » de Stanley Kubrick.

Pour les déçus de Barack Obama, la perspective de quatre (voire huit) années supplémentaires de gestion démocrate relativement comparable n’est pas de bon augure.

Le bilan d’Obama, en effet, est pour le moins mitigé. On peut mettre à son actif le sauvetage de General Motors au travers d’une gestion passable de la crise financière de 2008, l’élimination d’Oussama Ben Laden et la mise en place d’un embryon de couverture santé qui a déjà séduit 15 millions d’exclus (mais qui en a fâché des millions d’autres en raison de primes d’assurance en hausse). Le retrait des troupes américaines d’Irak, salué tant aux USA qu’en Europe, est pourtant, partiellement, la cause de la déstabilisation de la région et de la naissance de l’Etat islamique. En outre, pour ceux qui ont applaudi la décision du jury de Stockholm d’attribuer le prix Nobel de la paix à M. Obama, on sait maintenant qu’il a ordonné de nombreuses exécutions illégales. Quant à améliorer la condition du peuple noir, les émeutes incessantes depuis deux ans soulignent l’échec d’un président duquel les Afro-américains attendaient trop.

Hillary Clinton qui a a été la Secrétaire d’Etat d’Obama assume ce bilan. Et même si certains éditorialistes libéraux (centre-gauche) sont pressés de saluer « la première femme présidente des Etats-Unis », la légèreté d’Hillary Clinton dans l’utilisation de sa boîte email aurait dû la délégitimer comme présidente. Elle a éliminé plusieurs emails « privés » sans qu’on sache ce qu’ils contenaient réellement. Ses valses hésitations ont renforcé son image de dissimulatrice. Il semble démontré qu’elle a reçu à plusieurs reprises les questions des journalistes avant les débats. Même si, dans toute cette affaire, Wikileaks joue un double jeu (Quel est l’objectif réel du très ambigu Julian Assange ? Souhaite-t-il la victoire de Trump, plus susceptible de déstabiliser les Etats-Unis qu’il abhorre ?).

Comparé aux Thénardiers (les parents adoptifs de Cosette dans Les Misérables de Victor Hugo), le couple Clinton a accumulé pas mal de casseroles. La fortune de Bill, dépasse les 100 millions de dollars mais est même évaluée à 275 millions de dollars par le tabloïd People With Money. Une fortune alimentée notamment par des conférences facturées à prix d’or, des placements boursiers juteux et même des parfums. La Fondation Clinton a été soutenue par des « visiteurs du soir » du temps du mandat d’Hillary au secrétariat d’Etat. Selon Le Point (30 octobre 2016), l’Arabie saoudite a versé entre 10 et 25 millions à la Fondation Clinton et le fils du Roi Salmane prétendait en juin que son pays a financé 30% de la campagne d’Hillary. Cela crispe l’Amérique laborieuse que Clinton prétend servir.

La sexualité pour le moins hors-norme de Bill a choqué beaucoup d’Américains et d’Américaines qui ont pu remarquer que l’abnégation d’Hillary devant les infidélités de son mari s’explique aujourd’hui par sa volonté de pouvoir : « Clinton », davantage que « Rodham », est un tremplin pour l’accession à la Maison-Blanche.

En face, Donald Trump a tout de l’énergumène. Ses apparitions relèvent du cirque politique permanent. Il a insulté une bonne partie de l’Amérique, en particulier les 50 millions d’Hispaniques. Son machisme éhonté l’a coupé d’une partie de l’électorat féminin. De par un ego surdimensionné, il a trouvé superfétatoire de se préparer aux débats télévisés, se contentant de qualifier de « désastre » l’essentiel des politiques menées avant lui. L’ObamaCare, la Poste, le système fiscal mais aussi les aéroports américains sont ainsi un « désastre ».

Il semble dire ce qu’il pense dans un monde politique aseptisé où règne, comme en Europe, un politiquement correct soigneusement balisé par les leaders d’opinion mais en réalité c’est du mentir-vrai. Tout est à l’emporte-pièce.

Il affiche ses réussites de self-entrepreneur mais omet soigneusement de parler de ses faillites nombreuses, notamment ses casinos. Magnat de l’immobilier, il y a peu de chances qu’il n’ait aucune responsabilité dans la crise des subprimes.

Ses options à l’International relèvent de l’aventure comme lorsqu’il estime que la Corée du Sud doit se débrouiller toute seule car elle dépend du pré carré chinois. Son admiration pour la « démocrature » russe et son despote éclairé, Vladimir Poutine, interpelle.

Les scrupules ne l’étouffent jamais comme lorsqu’il se justifie de n’avoir pas payé ses impôts parce qu’il est « trop malin ».

Certes, il peut séduire une Amérique profonde qui se méfie des « ploutocrates » de Washington et qui estime qu’il incarne un vrai changement. De notre côté de l’Atlantique, on commet systématiquement l’erreur de calquer une grille de lecture très européenne sur des hommes politiques outre-Atlantique. Plus Trump est attaqué, plus il peaufine son image de redresseur de tort.

Mais au final, le choix des Américains en cette année 2016 est cornélien. Il y a longtemps que « l’offre » n’avait plus été si pauvre et les débats si médiocres…

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