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Cinq « bonnes » raisons de discuter avec Poutine sur la Syrie

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La donne a changé en Syrie. L’urgence du défi posé par l’Etat islamique rend une coopération avec la Russie de plus en plus inévitable.

Les lignes bougent sur le dossier syrien. Entre un Vladimir Poutine qui appelle à la mise en place d’une vaste coalition internationale et un Barack Obama qui y souscrit tout en excluant de remettre Bachar al-Assad au coeur du jeu diplomatique, on est tout de même passé d’une logique de méfiance à une dynamique de coopération. Dans cette perspective, les Occidentaux, même si ça leur en coûte, ont au moins cinq « bonnes » raisons de discuter avec le maître du Kremlin.

L’histoire. Par ses liens anciens avec la Syrie, Etat laïc sous la « dynastie » Assad qui abrite une de ses bases navales à Tartous, la Russie est incontournable dans le règlement du conflit en Syrie.

La régionalisation du conflit. Plus encore que celle d’Irak, la guerre en Syrie est devenue un enjeu régional. La Russie, l’Iran et le Hezbollah chiite libanais ont apporté au régime de Damas un soutien sans lequel Bachar al-Assad aurait sans doute connu le même sort que les autres cibles, déboulonnées, des « printemps arabes », le tunisien Ben Ali, l’égyptien Moubarak, le libyen Kadhafi et le yéménite Saleh. Rivaux en Syrie, les Russes, les Américains et leurs partenaires respectifs se sont retrouvés alliés conjoncturels en Irak devant l’avancée de l’Etat islamique vers Bagdad. Le groupe terroriste islamiste ayant étendu sa zone d’influence à l’est de la Syrie, il n’est pas incongru de penser que la prolongation de cette alliance répondrait a une légitime recherche d’efficacité. Après tout, les Occidentaux n’ont pas hésité à s’allier dans ce combat à des partenaires régionaux aussi controversés que la Turquie, l’Arabie saoudite ou le Qatar.

L’ennemi commun. L’évolution du conflit depuis la révolte populaire de 2011 a assurément fait émerger un ennemi nouveau, l’Etat islamique, qui n’a pas cherché à masquer les menaces qu’il fait peser sur toute la région, zone particulièrement sensible de cohabitation entre islam sunnite et islam chiite. Ennemi principal, prioritaire, premier ? Les développements du conflit (crimes contre l’humanité, crimes de guerre, destruction du patrimoine universel mondial) ont relégué au second plan, qu’on le veuille ou non, le combat contre la dictature de Bachar al-Assad. La Russie a, du reste, un intérêt particulier à engager ses forces contre les djihadistes islamistes actifs en Syrie et en Irak. Beaucoup de Tchétchènes ont rejoint leurs rangs. Et elle a des raisons de craindre un effet retour.

L’approbation internationale. L’ampleur du défi posé par l’Etat islamique, la gravité et la complexité du conflit syrien requièrent une réponse qui ait l’assentiment des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela passe par une négociation avec la Russie et la Chine, deux pays échaudés par l’aventure libyenne où ils ont légitimement pu se sentir bernés par l’interprétation extensive par les Occidentaux d’un feu vert onusien à une action à l’origine limitée pour la protection de la population libyenne.

Le sort de Bachar al-Assad. Si les Occidentaux ont raison de rechigner à considérer à nouveau Bachar al-Assad comme un interlocuteur légitime après les violences dont il s’est rendu responsable à l’encontre de son peuple, ils savent tout autant que son sort sera aussi scellé par Moscou : maintien au pouvoir, renversement ou remplacement par une personnalité garante de l’intégrité de la minorité alaouite dans la Syrie nouvelle. En discutant avec Moscou, les Occidentaux s’offrent la possibilité de peser sur la nature et la rapidité de la décision.

L’apaisement relatif de la confrontation entre Ouest-Est en Ukraine, la problématique des réfugiés, la violence non endiguée de l’Etat islamique… La donne a changé dans le conflit syrien. Même si elle ne répond pas à l’idéal du droit international notamment au vu de la très controversée « expertise » russe dans la lutte anti-islamiste dans le Caucase, une coopération avec la Russie serait opportune dans le contexte particulier de la menace inédite de l’Etat islamique.

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