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Cinq ans après le Drame du Rana Plaza, de lents changements dans la distribution textile

Cinq ans après le drame du Rana Plaza, qui a mis en lumière l’exploitation des ouvriers du textile au Bangladesh, certaines grandes enseignes ont pris conscience de leur responsabilité sociale mais la condition de ces employés reste précaire.

Le 24 avril 2013, dans la banlieue de Dacca, plus de 1.130 personnes mouraient dans l’effondrement d’un atelier de confection dans lequel ils travaillaient, et plus de 2.000 étaient blessées. Ce drame avait mis en lumière la face sombre de la sous-traitance des grandes marques occidentales de mode, inhérente à une économie mondialisée.

Or pour le collectif Ethique pour l’étiquette, membre du réseau européen Clean Clothes Campaign, « ce modèle global (…) fondé sur une minimisation des coûts de production, une mise en concurrence des travailleurs à travers le monde et (…) une recherche +court-termiste+ du profit » perdure.

La planète entière avait également découvert les conditions de travail des ouvriers d’un pays pauvre, deuxième pays exportateur de textile au monde, dont à peine quelques centaines des 4.500 usines répondent aux normes de sécurité.

« Réputation » et traçabilité

Parmi les enseignes ayant des fournisseurs hébergés par le Rana Plaza figuraient plusieurs grandes marques de « fast fashion », peu chères et aux collections constamment renouvelées. Elles ont depuis multiplié les initiatives pour se « racheter » aux yeux de leurs clients.

Primark a ainsi créé « un programme d’indemnisation à long terme pour les ouvriers (ou leurs ayants droit) de New Wave Bottoms », l’un de ses fournisseurs, situé au Rana Plaza.

« Parmi les 14 millions de dollars versés par Primark juste après la catastrophe, 11 millions ont été consacrés aux indemnisations à long terme de 672 personnes », précise l’enseigne irlandaise.

Si H&M assure pour sa part n’avoir « jamais travaillé » avec les ateliers du Rana Plaza, selon sa chargée de communication Julie-Marlène Pélissier, l’enseigne suédoise se dit soucieuse d’aller vers « plus de progrès social et environnemental » dans l’un de ses pays fournisseurs.

Ainsi, parmi ses objectifs 2018, figurent la « mise en place de comités de représentants du personnel librement élus et l’amélioration des systèmes de gestion des rémunérations pour les fournisseurs représentant 50% de (son) volume d’achat ».

Pour Céline Choain, spécialiste du secteur textile au sein du cabinet Kea Partners, « cet événement a certes servi de catalyseur pour les enseignes », qui ont pris conscience qu’au-delà de l’enjeu pour leur « réputation », elles devaient considérer leur responsabilité dans la chaîne de production et la traçabilité comme des enjeux stratégiques, mais le bilan reste mitigé.

Au niveau de la sécurité des infrastructures, les progrès sont indéniables, explique-t-elle à l’AFP: 68% des 1.700 usines contrôlées dans le cadre de « l’Accord sur la sécurité » mis en place sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui doit être reconduit jusqu’en 2021, ont corrigé 75% des anomalies constatées.

En ce qui concerne un salaire minimum, les conditions de travail ou les discriminations hommes/femmes, c’est en revanche encore loin d’être réglé, selon Mme Choain.

#whomademyclothes

Heureusement, plusieurs « leviers » d’accélération sont en place.

Tout d’abord au niveau des gouvernements des pays d’origine des enseignes.

La France a ainsi voté en février 2017 une loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales, les contraignant à respecter les droits humains fondamentaux d’un bout à l’autre de leur chaîne de production.

Mais « cette loi reste uniquement française, elle n’a pas mené à une directive européenne et ne concerne que 150 entreprises », regrette Mme Choain.

Les consommateurs sont par ailleurs de plus en plus concernés par la façon dont sont fabriqués leurs vêtements.

Ainsi, l’an dernier, à travers la campagne sur les réseaux sociaux #whomademyclothes (qui a fabriqué mes vêtements, NDLR), 1.200 grandes marques « ont été interpellées par les consommateurs et certaines ont été poussées à se justifier en postant des photos de leurs ouvriers au travail », souligne Mme Choain.

Enfin, les enseignes elles-mêmes comprennent « que cette notion de responsabilité constitue un des éléments de leur +business model+ », selon l’experte. Certaines en ont d’ailleurs fait leur credo, telles Patagonia ou Ekyog. « Toutes leurs parties prenantes – les consommateurs, les salariés, comme les actionnaires – souhaitent désormais qu’elles bougent les lignes. »

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