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Chrétiens d’Orient : le génocide oublié

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Il y a cent ans, des centaines de milliers d’Assyriens périrent aux côtés des Arméniens lors du premier génocide du XXe siècle. Ils peinent à voir leur souffrance reconnue.

Professeur honoraire de l’Université catholique de Lyon, Joseph Yacoub a publié Qui s’en souviendra ? 1915 : le génocide assyro-chaldéo-syriaque (éd. du Cerf, 301 p.). Cent ans après la réplique assyrienne du génocide arménien, l’auteur note d’inquiétantes ressemblances avec les développements actuels en Syrie et en Irak.

Le Vif/L’Express : Pourquoi le génocide assyro-chaldéen a-t-il moins de visibilité que le génocide arménien ?

Joseph Yacoub : La question assyro-chaldéenne, y compris le génocide, a bénéficié d’une grande visibilité de 1915 à 1925. Ensuite, l’absence de leaders et d’une élite suffisamment formée a nui à ce mouvement. D’autant que les communautés assyro-chaldéennes, dispersées dans différents pays, se sont retrouvées sous la juridiction d’Etats touchés par la vague du nationalisme arabe, notamment en Syrie et en Irak, ce qui a réduit leur possibilité d’expression politique et nationale. Mais aujourd’hui, la tendance est plutôt à l’optimisme concernant la reconnaissance du génocide.

Le gouvernement Jeunes Turcs évoque le djihad pour lancer la répression. Cette notion a-t-elle la même signification qu’aujourd’hui ?

Le statut des chrétiens d’Orient sous l’empire ottoman, et même avant, a toujours été précaire. Les chrétiens sont tolérés, sujets de temps à autre à persécution. L’attitude à leur égard est tributaire du contexte interne et de la politique internationale. Chaque fois que l’empire est en position de faiblesse, cette tolérance est en péril. L’empire ottoman déclare le djihad contre les « infidèles » le 29 novembre 1914, un mois après la déclaration de guerre. Cet appel balaye du coup ce statut précaire. Du jour au lendemain, les populations assyro-chaldéennes-syriaques en subissent les conséquences. C’est pourquoi les chrétiens d’Orient insistent tant aujourd’hui sur la notion d’une citoyenneté pleine et entière parce qu’elle mettrait sur pied d’égalité les populations musulmanes, chrétiennes, juives….. sans distinction, ni discrimination.

L’existence-même des chrétiens d’Orient est-elle menacée ?

Il y a une réelle menace, d’où l’importance de rester vigilant. Au Liban, j’ai rencontré en décembre 2014 des Assyriens venant de Syrie où ils s’étaient réfugiés en raison des violences en Irak. Ils cherchent à se rendre en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe. Malgré les appels des églises, des associations et des partis politiques à rester, ceux-là ont perdu toute confiance. Cela signifie-t-il la fin des chrétiens en Orient ? Je ne le pense pas, même si les événements rappellent beaucoup 1915. Prenez l’exemple du Liban, dont Jean Paul II disait : « Plus qu’un pays, c’est un message. » Même si la situation y est de plus en plus difficile pour les chrétiens, leur présence reste importante. Il y a un « esprit libanais » qui traverse toutes les communautés : une volonté de continuer à vivre ensemble en dépit des difficultés.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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