Günther Oettinger, commissaire européen à l'économie numérique. © Reuters

Chinois « bridés », Wallons « communistes »… Tollé après les propos d’un commissaire européen

La diffusion d’un discours du commissaire européen à l’économie numérique Günther Oettinger, dans lequel il parle notamment des « bridés » et du mariage homosexuel « imposé », a suscité un tollé samedi en Allemagne, son pays d’origine, et la réaction outrée d’une association antiraciste française ainsi que du ministre-président wallon Paul Magnette, pour des propos considérés comme injurieux envers la Wallonie.

M. Oettinger « devrait d’urgence repenser sa vision du monde », a estimé la secrétaire générale du Parti social-démocrate (SPD), Katarina Barley, interrogée par le magazine ‘Der Spiegel’. « Quelqu’un qui répand ouvertement les opinions racistes et homophobes se disqualifie pour les plus hautes fonctions politiques », a-t-elle ajouté.

L’association française SOS Racisme a abondé dans ce sens et appelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et la chancelière allemande Angela Merkel à « prendre les sanctions adéquates face à ce comportement indigne d’un membre de la Commission ».

Invité par la fédération de chefs d’entreprises AGA à Hambourg (nord) mercredi soir, M. Oettinger a tenu un discours enregistré par un participant, vidéo reprise samedi par le site du ‘Spiegel’.

Le commissaire européen à l’Economie numérique, qui doit prendre prochainement du galon en accédant au portefeuille du Budget au sein de l’exécutif européen, y égratigne les Chinois, les femmes, le mariage homosexuel ou encore l’ancien chancelier SPD Gerhard Schröder.

Il raconte ainsi avoir reçu des ministres chinois, tous « peignés de gauche à droite avec du cirage noir ». L’auteur de l’enregistrement affirme avoir commencé à filmer après que M. Oettinger eut prévenu du risque de voir les « escrocs » et les « bridés » profiter de l’incapacité de l’Europe à conclure des accords de libre-échange.

L’attaché économique et commercial pour la Wallonie et Bruxelles à Hambourg, Frank Compernolle, qui était présent au gala, a affirmé que M. Oettinger avait, en évoquant le blocage sur la finalisation de l’accord commercial UE-Canada (CETA), déclaré en substance à propos de la Wallonie « une micro-Région gérée par des communistes qui bloque toute l’Europe, ce n’est pas acceptable ».

Interrogé par le journal ‘Die Welt’, M. Oettinger s’est défendu. « Il s’agissait d’une expression familière qui ne se voulait en aucun cas un manque de respect vis-à-vis de la Chine », a-t-il affirmé.

Dans le même discours, il décrit Horst Seehofer, président du parti conservateur bavarois CSU, parti allié aux chrétiens-démocrates de la CDU de la chancelière Angela Merkel et dont M. Oettinger est membre, comme un « populiste light ».

Connu pour son franc parler, M. Oettinger évoque aussi « le mariage homosexuel imposé » comme un ensemble de sujets en discussion en Allemagne, où le mariage homosexuel n’existe pas encore.

« Je n’ai rien contre le mariage entre personnes du même sexe », a affirmé M. Oettinger dimanche à la radio publique SWR. « Mais pendant qu’ils parlent et se disputent à ce sujet, il n’y a pas de place pour d’autres questions, critiques, sur la façon de maintenir l’Allemagne et l’Europe en tête dans un monde qui bouge », a-t-il ajouté.

Dans son discours à Hambourg, M. Oettinger a souligné que l’Allemagne et d’autres pays de l’UE permettaient aux entreprises chinoises d’acheter des firmes européennes, leur savoir-faire et leur propriété intellectuelle, tandis que la Chine en revanche n’autorisait pas les Européens à investir aussi librement chez elle. « Les mêmes règles devraient s’appliquer à la Chine et à l’Europe. Nous devrions ouvrir nos marchés les uns aux autres à la même échelle », a-t-il déclaré au journal Die Welt.

Il a affirmé au journal que l’enregistrement avait sorti des phrases hors de leur contexte et qu’il avait « reçu de nombreuses réactions positives » à son discours.

« Un commissaire européen doit pouvoir défendre avec crédibilité les valeurs européennes de non discrimination au lieu de répandre des préjugés racistes et homophobes », a réagi le porte-parole de la Fédération des gays et lesbiennes d’Allemagne (LSVD), Stefanie Schmidt, dans un communiqué en exigeant des excuses.

Le ministre-président wallon, Paul Magnette, s’est lui aussi insurgé des propos tenus par M. Oettinger auprès du journal ‘Le Soir’ et de l’agence Belga, par le biais de son porte-parole, Frederic Masquelin. « Si tout ce qui est rapporté s’avère vrai, il s’agit de propos scandaleux qui témoignent d’un mépris total vis-à-vis de notre Région, de ses élus, de ses citoyens et de la société civile qui s’est mobilisée. Cet élan démocratique wallon devrait être encouragé plutôt qu’être traité avec mépris ou par l’injure. J’espère que la Commission européenne ne va pas laisser passer de tels propos », a-t-il dit.

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