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Chine: « le prince rouge » Bo Xilai condamné à la prison à vie

Bo Xilai, l’ex-dirigeant chinois à l’origine du plus vaste scandale politico-criminel qu’ait connu le régime depuis la fin de la révolution culturelle, a été condamné dimanche à la prison à vie.

Bo Xilai, l’ex-dirigeant chinois à l’origine du plus vaste scandale politico-criminel qu’ait connu le régime depuis la fin de la révolution culturelle, a été condamné dimanche à la prison à vie. « La cour prononce une peine de prison à vie avec privation permanente des droits politiques », indique l’énoncé du jugement rendu public sur Sina Weibo, un équivalent chinois de Twitter, par le tribunal de Jinan, la capitale de la province du Shandong (est), où son procès délocalisé s’était tenu le mois dernier.

Bo Xilai a été condamné pour corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir, notamment dans l’affaire de l’assassinat par son épouse Gu Kailai de l’homme d’affaires britannique Neil Heywood, qu’il est accusé d’avoir voulu étouffer.

La cour « condamne Bo à 15 ans d’emprisonnement pour détournement de fonds et à 7 ans pour abus de pouvoir », détaille encore la sentence, ajoutant que « tous ses biens sont confisqués », notamment la villa de Cannes, sur la côte d’Azur française, acquise illégalement, selon le verdict, grâce à Neil Heywood et à l’architecte et homme d’affaires français Patrick Devillers, cités dans l’énoncé. Selon le jugement, Bo Xilai est coupable d’avoir touché pour 20,4 millions de yuan (2,5 millions d’euros) de pots-de-vin.

Ce verdict -particulièrement sévère- tire un trait définitif sur la carrière du plus haut responsable politique -il était membre jusqu’à l’an dernier du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC)- traduit en justice depuis la condamnation en 1998 de l’ex-maire de Pékin, Chen Xitong, et celle du maire de Shanghai, Chen Liangyu, en 2008, tous deux pour corruption.

La chute d’un « prince rouge »

Bo Xilai n’a pas fait savoir à la cour s’il comptait faire appel, a indiqué lors d’une conférence de presse le porte-parole du tribunal, Liu Yanjie. Ambitieux et charismatique, un temps perçu comme un rival de l’actuel président Xi Jinping, l’ancien ministre du Commerce avait pris la tête en 2007 de l’immense métropole de Chongqing (sud-ouest) dont il est parvenu à faire un pôle économique majeur.

Il s’était singularisé en y orchestrant une campagne de réhabilitation des valeurs maoïstes les plus « rétro », parallèlement à une répression violente sous prétexte de lutte contre les « mafias », qui s’est soldée par près de 5.000 emprisonnements, dont beaucoup d’entrepreneurs privés.

Sa chute l’an dernier, véritable coup de théâtre, avait été provoquée par la défection de son bras droit, le chef de la police de Chongqing, Wang Lijun. Brouillé avec son patron, ce « superpolicier » avait demandé, en vain, l’asile politique au consulat américain de Chengdu, la capitale du Sichuan. Il avait alors révélé, entre autres, que l’homme d’affaires britannique avait été assassiné par l’épouse de Bo Xilai, Gu Kailai. Cette brillante avocate, qui aurait agi pour des motifs financiers et pour « protéger » le fils du couple, a été condamnée l’an dernier à la perpétuité.

Pour Bo Xilai, c’était la fin. Populaire dans son fief de Chongqing et dans les secteurs nostalgiques du maoïsme, ce « prince rouge », fils d’une des figures de la révolution communiste, l’est moins dans les hautes sphères du régime: sa personnalité flamboyante et son populisme y sont perçus comme une menace pour une direction « collégiale » qui marche au consensus depuis la disparition de Deng Xiaoping en 1997, dernière figure historique du communisme chinois.

Son attitude lui a valu « une sentence plus lourde »

Bo Xilai fera une dernière apparition à l’assemblée en mars l’an dernier –il balaiera devant la presse les rumeurs de sa chute imminente– avant de disparaître entre les mains de la police interne du PC chinois, détenu au secret. Mais le choc est immense au sein du parti et dans l’opinion. Il faudra attendre plus d’un an pour que Bo Xilai, dépouillé entre temps de tous ses titres, fasse sa réapparition, cette fois devant ses juges en août dernier à Jinan.

Surprise, à la barre, Bo Xilai n’est pas l’humble « repenti » habituel des procès chinois. Il confirme son fort tempérament en tenant tête à ses juges et ses accusateurs, nie en bloc la quasi-totalité des faits de corruption reprochés, traite sa femme de « folle » et de « menteuse » –elle témoigne contre lui dans une vidéo– et Wang Lijun, son ex-bras droit, de personnage « vil ».

« Son attitude de défi et son refus d’admettre sa culpabilité, considérés comme une mauvaise attitude, lui ont valu une sentence plus lourde », a commenté Joseph Cheng, spécialiste de la politique chinoise à la City University de Hong Kong. Surprise encore, le procès s’éternise: cinq jours d’affilée, loin des 24 à 48 heures habituelles. En outre, la justice, toujours sous contrôle étroit du Parti, innove en « tweetant » les débats, suivis par des millions d’internautes.

Depuis le début de l’affaire, la seule version disponible des faits est la version officielle. On apprendra néanmoins de la bouche de Bo Xilai que le superpolicier Wang Lijun était épris de son épouse meurtrière. Ou que leur fils Bo Guagua, caricature de « jeunesse dorée » chinoise, menait grande vie à travers le monde. Le verdict de dimanche clôt le scandale, mais, pour l’image de la nomenklatura chinoise, déjà très dégradée dans l’opinion, les dégâts subsistent.

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