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Chine: comprendre la crise autour du dissident Chen Guangcheng

En une semaine, le sort du militant des droits civiques a connu de multiples rebondissements: « évasion » de son domicile, accueil à l’ambassade des Etats-Unis à Pékin, annonces contradictoires sur son désir de rester en Chine puis de partir en exil… Tentatives d’explications.

L’affaire de l’avocat aveugle Chen Guangcheng, qui s’est enfui le 22 avril de sa maison où il était en résidence surveillée et a trouvé refuge à l’ambassade des Etats-Unis a provoqué une crise dans les relations entre Washington et Pékin, sur fond de « dialogue stratégique et économique » sino-américain. L’annonce de son probable départ prochain vers les Etats-Unis devrait mettre un terme à une crise à multiples rebondissements.

En quoi Chen Guangcheng dérange-t-il les autorités chinoises?

Le célèbre militant des droits civiques chinois ne remettait pas en cause le régime ni le Parti communiste, jusqu’à présent. C’est au contraire en s’appuyant sur les lois en vigueur qu’il contestait les abus commis contre le système. Ainsi, depuis l’ambassade américaine où il avait trouvé refuge la semaine dernière, le militant demandait à Wen Jiabao « de punir la corruption conformément à la loi », après avoir évoqué les cas de « responsables locaux du gouvernement » et de la police dans son district. Son appel a été mis en ligne sur Internet. Mais sa notoriété incommodait le régime qui, après l’avoir emprisonné plusieurs années pour « atteinte délibérée à la propriété » et « trouble à l’ordre public », le tenait, en dehors de toute charge légale, en assignation à résidence.

Pourquoi a-t-il changé d’avis?

Dans un premier temps, bien que bénéficiant de la protection de l’ambassade des Etats-Unis, le dissident a fait savoir qu’il préférait rester en Chine. Un communiqué de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton expliquait que « M. Chen est parvenu à une série d’ententes avec le gouvernement chinois concernant son avenir, dont la possibilité de poursuivre des études supérieures dans un environnement sûr ». Chen a alors quitté « de son plein gré » l’ambassade, selon Pékin. Ses proches, eux, évoquent des menaces…

Après avoir quitté l’ambassade, avoir été admis à l’hôpital de Chaoyang à Pékin, et avoir retrouvé sa femme et ses deux enfants, il semble que Chen ait été surpris de la tournure des événements: « On ne m’a pas donné toutes les informations pour prendre la bonne décision. On m’avait promis que des officiels américains resteraient avec moi à l’hôpital. Or dès que je suis arrivé ici, je me suis retrouvé tout seul. Je suis très déçu par les Américains, j’ai un peu l’impression qu’on m’a menti », a expliqué le militant a CNN. Il a alors déclaré qu’il ne se sentait pas en sécurité » et qu’il voulait « quitter la Chine ».

Quelles sont ses craintes?

Depuis l’ambassade américaine, Chen demandait « la garantie de la sécurité des membres de (sa) famille », pour lesquels il redoutait des représailles maintenant qu’il était « libre ». « Si quelque chose de mal arrive à ma famille, je ne cesserai de demander que les responsables rendent des comptes », prévenait l’avocat.
C’est sans doute par inquiétude pour sa famille que le dissident a changé d’avis, estiment les journaux. Aurait-il reçu la visite de ces gros bras qui le harcelaient quand il était assigné de fait à résidence à son domicile?

Quelle est la position américaine?

L’accord qui a conduit Chen à quitter l’ambassade américaine est intervenu à la veille de l’ouverture du « dialogue stratégique et économique » sino-américain et alors que la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton venait d’arriver à Pékin pour ces discussions annuelles de haut niveau. Les Etats-Unis comptaient profiter de cette réunion pour aborder les grands dossiers internationaux: Syrie, programmes nucléaires iranien et nord-coréen et conflit entre les deux Soudans, sujets sur lesquels Pékin est un interlocuteur de poids.

L’affaire représente une épine dans le pied de l’administration Obama qui est attendue au tournant, en pleine campagne électorale, par ses adversaires républicains prêts à dénoncer sa faiblesse dans la défense de la liberté et des droits de l’Homme.

Quelle issue à cette crise?

Le militant des droits civiques Chen Guangcheng devrait obtenir rapidement un passeport et un visa américains pour gagner les Etats-Unis avec sa famille, mettant un terme à la crise ouverte lorsqu’il s’était réfugié à l’ambassade des Etats-Unis. Afin de ménager une sortie de crise honorable à la Chine, le communiqué américain n’avance pas de date pour le départ du dissident, et ne mentionne aucune assurance ferme donnée par Pékin.
Malgré les protestations de Pékin, qui a exigé des excuses des Etats-Unis pour avoir accueilli le militant dans leur ambassade, les autorités chinoises préfèrent probablement voir partir Chen en exil. « Elles se débarrasseraient ainsi d’un fauteur de trouble potentiel. Son impact en Chine serait réduit », expliquait jeudi à L’Express Bob Fu, fondateur de China Aid, une association basée aux Etats-Unis militant pour les libertés en Chine.

LeVif.be avec L’Express

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