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Chine: Chen Guangcheng, l’avocat qui dérange Pékin

Le militant des droits civiques Chen Guangcheng, qui a réussi à fuir de son domicile où il était confiné par les autorités est l’un des pionniers du mouvement des « avocats aux pieds nus ». Il « se trouve à l’ambassade » des Etats-Unis, mais ne demande pas l’asile politique, selon le dissident Hu Jia.

Chen Guangcheng, qui s’est enfui de son domicile où il était confiné par les autorités, « se trouve à l’ambassade » des Etats-Unis. c’est le dissident, Hu Jia, qui a rencontré son ami Chen après son « évasion » qui l’a confirmé ce lundi. Le juriste aveugle s’est évadé, le 22 avril, de sa maison très surveillée de l’est de la Chine, dans des circonstances encore non élucidées, mais apparemment grâce à un réseau de complices. Hu Jia a ainsi confirmé les rumeurs insistantes sur le fait que l’avocat autodidacte aveugle se trouvait désormais sous protection américaine. Portrait de ce défenseur des droits civiques qui incommode les autorités chinoises.

« Avocat aux pieds nus »

Chen Guangcheng est le symbole des militants qui depuis des années payent cher leur dénonciation des injustices dans les campagnes en Chine et leur combat pour le respect des lois.
Devenu aveugle à la suite d’une maladie infantile, Chen a grandi dans la province du Shandong, dans l’est de la Chine, bercé par les histoires classiques chinoises des héros courageux se dressant face aux fonctionnaires locaux despotes. Selon son frère Chen Guangfu, ces récits, lus par son père, ont inspiré Chen dans sa quête de justice. Un engagement qui a valu à ce juriste autodidacte âgé aujourd’hui de 40 ans d’être, comme d’autres défenseurs des droits civiques, désigné sous le terme d' »avocat aux pieds nus ». Ce surnom tire son origine des « yijiao yisheng » (médecins aux pieds nus), les paysans de l’époque maoïste qui se voyaient chargés de soigner dans les villages après une formation de base.

Au début des années 1990, Chen Guangcheng se rend à Pékin pour protester contre les discriminations dont font l’objet les handicapés à Linyi, le district où il habite, malgré les lois qui sont censées les protéger. Avec succès. En 2005, il mène la croisade contre des pratiques abusives de stérilisation de milliers de femmes et d’avortements tardifs et forcés dans son district.
Le gouvernement central lui donne en partie raison, en condamnant ces pratiques et en annonçant des sanctions, mais Chen est peu à peu soumis au harcèlement des autorités locales.

Assigné à résidence

Chen est interpellé en septembre 2005 dans son village de Dongshigu où il est assigné à résidence avant d’être incarcéré six mois plus tard. En août 2006, il est condamné à quatre ans et trois mois de prison, pour « atteinte délibérée à la propriété » et « trouble à l’ordre public », après une manifestation de soutien devant son domicile. Des accusations dénoncées par ses proches comme des prétextes pour l’envoyer derrière les barreaux. En raison de « graves violations des procédures légales » en première instance, il est rejugé, mais le tribunal confirme la sentence en décembre 2006. « Je suis toujours engagé dans une campagne pour les droits (…). Ma détermination est intacte. Je n’abandonnerai pas », a dit, peu après, M. Chen dans une déclaration diffusée par Radio Free Asia.

En 2006, l’hebdomadaire américain Time avait placé Chen Guangcheng dans sa liste des « 100 personnalités qui façonnent notre monde ». L’année d’après, son épouse, Yuan Weijing, a été empêchée par la police de se rendre aux Philippines pour recevoir un prix au nom de son mari emprisonné. Depuis son assignation à résidence, un nombre croissant de Chinois, parfois venus de très loin, ont tenté de rendre visite à Chen Guangcheng.

Harcélement incessant

Alors qu’officiellement, rien n’interdit d’aller et venir librement dans le bourg de 400 habitants où réside Chen Guangcheng, des gros bras harcèlement les proches du militant des droits civiques. En 2011, Chen aurait été passé à tabac après avoir dénoncé dans une vidéo clandestine les conditions carcérales de son assignation à résidence, a affirmé l’association Chinese Human Rights Defenders (CHRD). Dans cette vidéo, il fustigeait « les méthodes de voyous » exercées à son encontre, notamment la surveillance 24 heures sur 24 de sa maison par une soixantaine de vigiles. Dans ce message, Chen se plaint des brutalités physiques et du harcèlement des nervis du régime dont il a été victime ainsi que sa famille depuis le début de son assignation officieuse à résidence.

Les autorités « préoccupées » de « savoir comment il avait réussi à s’échapper »

La situation va être complexe à gérer pour la diplomatie Américaine puisque Chen « ne demande pas l’asile politique » aux Etats-Unis, selon le dissident Hu Jia. Hu Jia a lui été arrêté samedi par la sécurité d’Etat chinoise après la publication sur l’internet d’une photo de lui et Chen, puis relâché dimanche après-midi au bout de 24 heures exactement, a-t-il expliqué. « Ils étaient très préoccupés au sujet de la situation de Chen Guangcheng », a dit Hu Jia, « ils voulaient tout particulièrement savoir comment il avait réussi à s’échapper et qui étaient ceux qui l’avaient amené à Pékin ».

LeVif.be avec L’Express

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