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Chemin des Dames: il y a 100 ans, le fiasco de l’offensive Nivelle

Le 16 avril 1917, l’armée française, sous les ordres du général Robert Nivelle, lançait en Picardie l’offensive du Chemin des Dames, qui vira au fiasco déclenchant de nombreuses mutineries.

François Hollande présidera dimanche ce centenaire à Cerny-en-Laonnois (Aisne), une première pour un chef d’État.

Après la victoire-symbole de Verdun l’année précédente, où les armées du Kronprinz avaient vainement tenté « de saigner l’armée française », les Alliés français et anglais décident de reprendre la guerre de mouvement, 32 mois après le début du conflit, pour enfoncer le front allemand sur l’Aisne.

A partir du 16 mars 1917, les Allemands se replient volontairement sur la ligne Hindenburg, entre Arras et Soissons, raccourcissant leur front de plusieurs dizaines de km et redéployant leurs divisions.

En pleine nuit, le 16 avril, dans le froid et même la neige, Nivelle engage un million d’hommes, des milliers de canons et les tout premiers chars de combat, sur l’axe du Chemin des Dames, une petite route de crête entre les rivières Aisne et Ailette, empruntée jadis par les « Dames de France » (les filles du roi Louis XV). Quelques mois avant, il avait promis de renoncer « si la rupture n’était pas obtenue en 48 heures ».

Mais, dans cette zone aux chemins défoncés par les trous d’obus, ses troupes progressent difficilement et, très vite, c’est l’échec. Remarquablement fortifiés, les Allemands brisent les vagues d’assaut françaises. En une semaine, 40.000 poilus français, dont beaucoup de tirailleurs sénégalais, sont tués. Nivelle maintient néanmoins son plan.

Jusqu’à début mai, les gains se comptent en quelques centaines de mètres et les pertes en dizaines de milliers d’hommes. On estimera à environ 100.000 le nombre de morts côté français en quelques semaines.

Le 15 mai, le général Philippe Pétain remplace Nivelle, limogé et qui n’a pas respecté son engagement. Le vainqueur de Verdun décide l’arrêt des grandes offensives jusqu’à l’arrivée sur le front des forces américaines et d’un plus grand nombre de chars de combat.

« Les sentiers de la gloire « 

Mais il doit d’abord gérer les mutineries au sein notamment de l’armée de Nivelle. Furieux, amers, dégoutés, des poilus jugent les attaques mal conduites, déplorent le manque de permissions, une nourriture déplorable, ainsi que le ras-le-bol d’un conflit interminable.

Entre 30.000 et 40.000 hommes participent à ces mouvements de rage qui surviennent souvent à l’arrière, au sein de troupes au repos venant de risquer leur vie pour des avancées quasi-nulles et contraintes pourtant de vite remonter au front.

« La chanson de Craonne », interdite par le commandement militaire qui la censure, garde le souvenir des soldats qui n’en peuvent plus : « Adieu la vie/adieu l’amour/Adieu toutes les femmes/(…) C’est à Craonne, sur le plateau/qu’on doit laisser sa peau/car nous sommes tous condamnés/C’est nous les sacrifiés! « 

Pétain va s’efforcer de restaurer le moral des poilus. Il multiplie les tournées des popotes et les inspections. Les permissions seront plus régulières, l’ordinaire plus soigné, les cantonnements améliorés et les retours vers l’arrière mieux organisés.

La répression des mutineries, qui tient une place importante dans la mémoire collective des Français, a été illustrée par le film de Stanley Kubrick « Les sentiers de la gloire » (sorti en 1957 mais diffusé en France en 1975), l’histoire de trois soldats fusillés pour l’exemple après l’échec d’une offensive contre une position allemande imprenable.

Au bout du compte, cette répression a pourtant été assez limitée. L’historien Guy Pedroncini, auteur de l’ouvrage « Les mutineries de 1917 », évalue à 629 les condamnations à mort prononcées entre le 16 avril 1917 et le 31 janvier 1918, dont 75 furent suivies d’une exécution.

Sur les 554 condamnations à mort concernant les mutins du Chemin des Dames, 49 furent effectives, le président de la République Raymond Poincaré graciant la plupart des condamnés.

En 1998, à Craonne (Aisne), haut-lieu des mutineries du Chemin des Dames, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin réhabilita pour la première fois ces mutins, jugeant qu’ils devaient « réintégrer aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ».

Les mutineries de 1917, passées presque inaperçues des contemporains, n’ont éveillé l’intérêt des historiens qu’à partir des années 30.

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