Ces magistrats qui défient des régimes autoritaires

Le Vif

Quelques cas emblématiques de magistrats qui, comme l’ex-procureure vénézuélienne Luisa Ortega, se sont dressés contre des régimes autoritaires dans le monde.

– Pologne: la Cour suprême en ligne de mire –

La présidente de la Cour suprême polonaise Malgorzata Gersdorf s’élève contre des réformes judiciaires de la majorité conservatrice, contestées par des manifestations massives et qui pourraient déclencher des sanctions de l’Union européenne.

Fin 2015, elle estime qu’une loi sur le Tribunal constitutionnel « s’ingère dans (son) indépendance » et vise à « entraver, voire empêcher » son fonctionnement.

En janvier 2017, elle appelle des juges à défendre l’Etat de droit en danger. En mars, des parlementaires du parti majoritaire Droit et Justice (PiS) demandent au Tribunal constitutionnel de vérifier la régularité de sa désignation en 2014.

En juillet, nouvelle offensive du PiS avec une proposition de loi pour soumettre la Cour suprême à l’exécutif, prévoyant la mise à la retraite des juges, sauf ceux que le gouvernement voudrait conserver.

Pour Mme Gersdorf, cette réforme transformerait la Cour en « tribunal auprès du ministre de la Justice ».

Le projet achoppe le 24 juillet sur un véto du président Andrzej Duda. Si le PiS veut poursuivre ses réformes, le président n’a pas dévoilé ses projets.

– Turquie: plus de 4.000 magistrats radiés –

Depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, le gouvernement turc a lancé des purges d’une ampleur inédite, avec le limogeage ou la suspension de plus de 140.000 personnes dont plus de 4.000 juges, procureurs et autre membres du ministère de la Justice.

Aydin Sefa Akay, l’un des magistrats du Mécanisme pour les tribunaux internationaux des Nations unies (MTPI), a été condamné en mai en à sept ans et demi de prison pour appartenance à la mouvance du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi la tentative de putsch.

Le juge, qui nie farouchement les accusations, a été condamné en raison de la présence sur son téléphone de l’application de messagerie cryptée Bylock, utilisée selon les autorités par les putschistes. Il est libre en attendant l’appel, interdit de sortie du territoire.

En 2014, le gouvernement avait déjà procédé à des milliers de mutations de magistrats après l’éclatement d’un scandale de corruption éclaboussant le régime du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier a accusé le prédicateur Gülen d’être à l’origine des accusations et d’avoir comploté pour provoquer sa chute.

– Egypte: des juges contre la fraude –

En 2005-2006, un groupe de juges égyptiens défie le président Hosni Moubarak, rejetant un projet de loi qui porte atteinte selon eux à l’indépendance de la justice. Parmi eux figuraient Hicham al-Bastawissi, Ahmed Mekki et Mahmoud Mekki.

En avril 2006, Mahmoud Mekki et Hicham al-Bastawissi passent devant un conseil de discipline pour avoir demandé une enquête sur des fraudes électorales présumées. Des manifestations de soutien sont violemment réprimées.

Après la chute de Moubarak, al-Bastawissi se présente à la présidentielle de 2012, remportée par l’islamiste Mohamed Morsi. Mahmoud Mekki deviendra vice-président et son frère Ahmed Mekki ministre de la Justice.

Les trois juges quittent la vie politique après l’éviction de Morsi par l’armée en 2013. Plusieurs dizaines de magistrats accusés d’appartenir aux Frères musulmans ou d’être des sympathisants sont mis à la retraite.

– Tunisie: un juge interpelle Ben Ali –

En 2001, le président du Conseil supérieur de la magistrature tunisien, Mokhtar Yahyaoui, est suspendu de ses fonctions pour s’être insurgé contre « l’absence totale d’indépendance » de la magistrature, dans une lettre ouverte au dictateur Zine El Abidine Ben Ali. Il dénonce le « harcèlement » et les « intimidations » vis-à-vis des juges, un rare acte d’insoumission dans la dictature de l’époque.

En 2002, il est agressé par des policiers en civil, après avoir lancé une campagne pour lever une mesure d’isolement total frappant 23 détenus d’opinion. Il est décédé en 2015.

– Grèce: le « petit juge » de « Z » –

Le « petit juge » grec Christos Sartzetakis a mené avec obstination une enquête sur la mort de Grigoris Lambrakis, leader charismatique de la gauche au parlement, écrasé en 1963 par un commando d’extrême droite. L’enquête sur ce décès, camouflé d’abord en banal accident, le mène jusqu’aux marches du pouvoir, dévoilant le rôle du gouvernement ainsi que l’implication de l’armée et de la police.

Cette histoire est relatée dans le livre « Z » paru en 1967, adapté au cinéma en 1973 par Costa-Gavras. Jean-Louis Trintignant y incarne le juge et Yves Montand la victime.

Après la dictature des colonels, Christos Sartzetakis a été président de la Grèce 1985 à 1990. Agé de 88 ans, il est toujours en vie.

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