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Centrafrique: cinq choses à savoir sur le coup d’Etat

Le Vif

Les rebelles centrafricains de la coalition Séléka ont pris Bangui dimanche matin, après une offensive éclair mettant en fuite le président François Bozizé, au pouvoir depuis dix ans.

Il a perdu le pouvoir comme il l’avait pris: par les armes, dans un pays gangrené par l’instabilité et la corruption. le point sur la chute de François Bozizé en Centrafrique.

Pourquoi le pouvoir de François Bozizé était-il fragile?

François Bozizé, qui a trouvé refuge au Cameroun après la prise de la capitale centrafricaine par les rebelles, dimanche, est arrivé au pouvoir en 2003 par un coup d’Etat, une voie sûre pour arriver au pouvoir en République centrafricaine: quand ce fils de gendarme s’est présenté à la présidentielle de 1993, remportée par Ange-Félix Patassé (les seules élections libres dans ce pays), Il n’avait recueilli qu’un peu plus de 1% des voix.

Une fois aux commandes du pays, il s’est fait élire dans des conditions contestées en 2005 et surtout en 2011: l’opposition avait appelé au boycott, accusant le pouvoir de fraude pendant le 1er tour du scrutin. Sa fragilité s’explique aussi par le manque de soutien des forces armées, que le président, de crainte d’un coup d’Etat, s’était efforcé d’affaiblir. L’ arrivée au pouvoir de Bozizé avait été facilitée par l’ami de toujours, le Tchad, dont l’armée lui a fourni sa garde rapprochée et l’a ensuite aidé à se débarrasser de rébellions du nord fin 2010 avant qu’il ne soit finalement lâché fin 2012 par le président Idriss Déby. Mais il semble que le voisin se soit lassé de soutenir ce dirigeant incontrôlable.

Décembre 2012, percée éclair de la rébellion

Bozizé avait signé différents accords de paix avec les différentes rébellions entre 2007 et 2012, qui prévoyaient notamment la réinsertion des ex-rebelles; il avait également promis le « dialogue politique », et réuni à la table des négociations pouvoir, société civile, opposition et rébellion. Mais, son régime, miné par la corruption profitant surtout à son clan, n’a jamais tenu ses engagements.

Le coup de force de ces derniers jours intervient trois mois après la percée spectaculaire de la rébellion en décembre dernier. Le mouvement s’était alors rapidement emparé de la majeure partie du pays. Le dirigeant centrafricain n’avait dû son salut qu’à une médiation africaine et à l’envoi de troupes tchadiennes. En tentant de ruser pour garder le pouvoir et les privilèges des siens, il a signé sa perte.

Sauvé … puis lâché par ses pairs

L’accord de sortie de crise signé à Libreville le 11 janvier prévoyait en effet un cessez-le-feu et une transition d’un an avec un gouvernement d’union nationale dirigé par l’opposition. François Bozizé était maintenu à son poste de président, mais il devait céder une partie de ses prérogatives. Il devait s’engager à organiser des élections libres et transparentes dans les trois ans. En février, le président a nommé un gouvernement d’union conduit par le Premier ministre issu de l’opposition Nicolas Tiangaye. Le poste de la Défense était attribué aux rebelles du Séléka. Mais François Bozizé n’a cessé de retarder la mise en application du plan de Libreville, notamment sur la libération des prisonniers politiques et l’intégration des rebelles dans l’armée.

Qui sont les rebelles du Séléka?

Le Séléka (alliance en Sango, langue nationale centrafricaine), regroupe des membres d’anciens groupes rebelles qui avaient toutes adhéré à l’accord global de paix de Libreville en 2008. Son épine dorsale est l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), une des premières rébellions du pays active dans le nord du pays, et dans une moindre mesure, la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP). La Convention patriotique pour le salut wa kodro (CPSK) et l’Union des forces républicaines (UFR) ainsi que d’autres groupuscules ou factions d’autres groupes, ont également adhéré au Séléka. Les effectifs des rebelles ont grossi au fur et à mesure de leur avancée sur le terrain. Le Séléka a aussi pu compter sur le mécontentement d’anciens alliés de Bozizé à qui celui-ci a fait des promesses non-tenues.

D’autres mouvements armés étrangers, notamment venus du Darfour et du Tchad, pourraient avoir apporté leur soutien à cette rébellion, selon le chercheur Roland Marchal interrogé par France 24.
En décembre, Le Séléka exigeait « le respect » de différents accords de paix signés entre 2007 et 2011, qui prévoyaient notamment l’insertion des anciens combattants rebelles. Au fur et à mesure de l’avancée sur le terrain, la rébellion a revu ses exigences à la hausse pour finalement réclamer le départ de Bozizé. Les gens du Nord veulent notamment l’amélioration des conditions de vie dans cette région du pays souvent ignorée par l’administration centrale.

Que va faire la rébellion?

Le chef de la rébellion, Michel Djotodia, qui s’est autoproclamé président, a assuré à Radio France Internationale (RFI) que le Premier ministre du gouvernement d’union nationale Nicolas Tiangaye, figure de l’opposition à Bozizé, serait être maintenu à son poste. Des élections « libres et transparentes » devraient être organisées d’ici trois ans ». « Nous resterons toujours dans l’esprit de Libreville », a-t-il proclamé. Le Séléka parviendra-t-il à rester uni alors que le renversement de Bozizé a été dénoncé par l’ONU ainsi que par l’Union africaine? Aura-t-il la sagesse de partager le pouvoir avec toutes les forces de l’opposition?

« Si la Séléka est intelligente, explique Roland Marchal sur FranceTVinfo, elle essayera de constituer une telle coalition, incluant donc toutes les grandes sensibilités politiques: ce qu’elle perdra en pouvoir immédiat, elle le gagnera en reconnaissance internationale, ce qui est un élément essentiel de sa survie. »

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