Cécile Jodogne reçue par le roi des Mossi © Olivier Rogeau

Cécile Jodogne reçue par le roi des Mossis au Burkina Faso

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Surprise pour Cécile Jodogne, la secrétaire d’État bruxelloise au Commerce extérieur, en visite à Ouagadougou avec des investisseurs belges : elle a été reçue en audience non seulement par le président burkinabè, mais aussi par le roi des Mossis, la plus haute autorité morale du pays.

C’est un matin pas comme les autres pour Cécile Jodogne, en visite officielle au Burkina Faso du 26 au 28 octobre : la secrétaire d’État en charge du Commerce extérieur de la Région bruxelloise est reçue, à Ouagadougou, à la fois par le roi des Mossis, l’ethnie majoritaire du pays (plus de 50 % de la population), et par le président burkinabè. Le rendez-vous avec Roch Marc Christian Kaboré, à la tête de l’Etat depuis fin décembre 2015, lui-même issu de l’ethnie mossie, était prévu au programme. Mais l’invitation du 37e Mogho Naba, héritier de l’empire mossi (fondé à la fin du XIIe siècle), est une surprise.

Si le palais présidentiel est plus imposant et plus sécurisé que le palais royal, c’est le souverain et le décorum qui l’entoure qui ont surtout impressionné les visiteurs belges. Le roi des Mossis trône au fond de la salle d’audience, toque colorée sur la tête, entouré de sculptures en bois : des serviteurs, des lions et un baobab sur les feuilles duquel sont inscrits en blanc les mots « paix », « harmonie », « amour », « justice », « respect », « réconciliation »… Avant l’audience accordée à la délégation belge, les membres de son « gouvernement » et plusieurs dizaines de dignitaires de la cour sont venus le saluer. Le Mogho Naba ne s’adresse pas directement à ses sujets ou à ses visiteurs (qui s’agenouillent devant lui et l’appellent « majesté »). Les échanges se font par l’intermédiaire de son porte-parole, qui a souhaité une pleine réussite à la mission économique belge conduite par la secrétaire d’État.

Petit homme souriant, Baongo II, roi des Mossis depuis le décès de son père en 1982, n’est pas un chef traditionnel parmi d’autres. S’il n’a pas de réels pouvoirs, c’est une autorité morale respectée, que les dirigeants du pays ne peuvent ignorer. En novembre 2014, peu après l’insurrection populaire qui a provoqué la chute du régime de Blaise Compaoré, le lieutenant-colonel Zida, nouvel homme fort du Faso, lui a promis qu’il remettrait le pouvoir à un civil. En septembre 2015, le roi a joué un rôle dans la résolution de la crise politique après le coup d’État d’éléments du Régiment de sécurité présidentielle. Les militaires de tous bords l’ont consulté. Dans une certaine mesure, on pourrait comparer son rôle de « facilitateur » à celui du roi des Belges (tel Albert II pendant la crise politique de 2010-2011). Les admirateurs du Mogho Naba le considèrent même comme un « pacificateur ». Mais des voix plus critiques jugent que son action a surtout servi les intérêts des caciques de l’ancien régime.

D’un palais à l’autre

Après le roi, le président. Roch Marc Christian Kaboré reçoit la délégation belge dans sa résidence officielle de Kosyam, inaugurée en 2006 sous le régime de Blaise Compaoré. Très isolé, le palais est situé au bout du boulevard Muammar-Kaddafi, dans le quartier Ouaga 2000, en périphérie sud de la capitale, bien loin des bruits et du trafic du centre-ville. Les marbres et les chaises dorées de la salle d’audience lui donnent un petit côté « Versailles tropical ». Il se dit pourtant que le président apprécie la simplicité. Personnage rond et affable, reconnu pour ses qualités humaines, il se déplace presque sans escorte pour se rendre à la messe tous les dimanches. L’homme a soulevé une vague d’espoir quand il a été élu en novembre 2015 à la tête du pays. Mais la vague est retombée. Les Burkinabè ne perçoivent pas encore de changement significatif dans leur quotidien et commencent à s’impatienter. « Roch Marc Christian Kaboré consacre énormément de temps à consulter les uns et les autres avant de prendre une décision, confie le responsable d’une ONG locale. Et parfois, il ne décide pas. »

Le gouvernement est, certes, parvenu à obtenir près de 30 milliards d’euros chez les bailleurs de fonds et dans le secteur privé afin de financer les projets du Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020. Il en a été beaucoup question lors de la discussion entre Cécile Jodogne et le président Kabore. Mais les défis restent immenses dans l’ancienne colonie française, l’un des pays les moins développés du monde, devenu, en outre, une cible prioritaire pour les djihadistes. Car les forces de sécurité burkinabè sont sorties affaiblies de la transition. Précarré du mouvement Ansarul Islam, le nord du Burkina Faso est une zone de non-droit, comme certaines régions du Mali voisin. Ouagadougou a été frappé par les terroristes le 15 janvier 2016 et le 13 août dernier.

La mission économique bruxelloise au Burkina Faso retient toutefois les atouts économiques du pays : une croissance macroéconomique de près de 6 % par an, une inflation autour de 2 %, un déficit budgétaire maîtrisé. L’exportation de biens de la Belgique vers le Burkina Faso concerne surtout des machines et appareils, des produits chimiques (médicaments et vaccins) et du matériel de transport. Les importations depuis le Burkina Faso sont principalement des produits d’origine végétale : mangues, noix de cajou. « La mission actuelle vise à faire repartir à la hausse les exportations belges, indique Cécile Jodogne. Elle compte 43 participants, soit 29 entreprises et organisations, dont 26 bruxelloises. Un record pour une mission économique belge au Burkina Faso. »

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