Ce que Tony Blair dit dans ses Mémoires
L’ancien Premier ministre britannique publie ses Mémoires ce mercredi. La presse britannique en livre la substantifique moelle. Extraits.
L’amour-haine avec Gordon Brown
On savait déjà, grâce aux Mémoires de Lord Mandelson, que Tony Blair jugeait Gordon Brown « fou, mauvais et dangereux ». Rien de surprenant donc dans l’attaque en règle contre son successeur au 10 Downing Street que l’on retrouve sous la plume de Tony Blair, dans ses Mémoires publiées ce mercredi au Royaume-Uni.
Leurs relations se seraient dégradées dès 1992, raconte le Guardian . Pendant des années, Tony Blair a du gérer le « problème Gordon » ou encore la « malédiction Gordon »: « A chaque fois que j’ai pensé à le remplacer dans mon équipe, j’en ai toujours conclu qu’il était le meilleur pour le job ». Mais « le laisser dehors, lui lâcher la bride, aurait été bien plus dangereux ». « Etait-il difficile, parfois exaspérant? Oui. Mais il était aussi fort, compétent et brillant, et je n’ai jamais cessé de respecter ces qualités ». Il dit l’avoir toujours respecté… mais avoir renoncé à prendre ses appels, lit-on dans une sélection de la BBC.
Et quand ce fut au tour de Gordon Brown, chancelier de l’Echiquier, de venir occuper le poste de Prime minister en 2007, Tony Blair « savait que cela ne marcherait pas » avec un homme dont il résume le caractère d’une formule assassine: « Calcul politique, oui. Sentiments politiques, non. Intelligence d’analyse, absolument. Intelligence émotionnelle, aucune ».
Le New Labour est-il mort? « J’adore le parti travailliste »… Le souci, semble dire Tony Blair, c’est qu’il « dérive ». Il se dit persuadé que Le Labour a perdu en 2010 parce qu’il a cessé d’être le « New Labour », accusant le gouvernement de Gordon Brown d’avoir pris un tournant keynésien, privilégiant la croissance au détriment de la réduction du déficit. Cette inflexion a contribué à la victoire des Conservateurs menés par David Cameron aux élections de mai, selon Blair.
« Le Labour (travailliste) a gagné quand il était le ‘New Labour’, il a perdu quand il a cessé de l’être. Le danger pour le Labour est maintenant de dériver, encore plus loin vers la gauche. Si nous le faisons, nous perdrons encore plus largement la prochaine fois » en 2015, avertit Blair. Une tendance qui, dans la guerre fratricide des Miliband pour diriger le parti, à pencher pour David plutôt que pour Ed.
Tony Blair, « un rebelle » dans l’âme C’est aussi l’heure de l’introspection pour Tony Blair… « C’est vrai que ma tête peut parfois pencher du côté conservateur, spécialement sur l’économie ou la sécurité; mais mon coeur bat toujours du côté des progressistes, et mon âme est, et sera toujours, celle d’un rebelle ».
Un rebelle qui ne disait pas non à l’alcool… « Un whisky sec ou un gin tonic avant le dîner, quelques verres de vin ou même une demi bouteille au dîner. Donc rien d’excessivement excessif. J’avais une limite. Mais j’étais conscient que c’était devenu une béquille ».
Dans les moments de « faiblesse », sa femme Cherie était son « rocher », un terme déjà employé par le président américain Barack Obama, au sujet de sa femme Michelle. L’homme se poursuit: « Elle était déterminée quand j’étais tenté de faillir, féroce quand il s’agissait de défendre sa famille ».
Irak: non, il ne regrette rien
« Je n’ai pas vu le cauchemar irakien arriver », dit-il. Mais il n’éprouve aucun regret et ne doute pas du bienfondé de l’action militaire entreprise en 2003 pour déloger Saddam Hussein.
« Je ne puis satisfaire le désir de beaucoup, y compris de certains de mes soutiens, qui voudraient m’entendre dire que c’était une erreur commise de bonne foi ». Déjà en janvier, il défendait déjà sa décision d’engager le Royaume-Uni dans cette guerre « sans le moindre regret » devant une commission d’enquête sur l’Irak.
Sur les victimes du conflit, il ajoute : « Ils sont morts, et moi, celui qui prenait les décisions dans les circonstances qui ont mené à leur mort, je suis vivant ». « Etre indifférent à cela serait être inhumain, émotionnellement dérangé ».
George W. Bush, « l’idéaliste » Quant au président américain, George W. Bush, qu’il a suivi dans cette voie, il était « bizarrement, un véritable idéaliste ». Tony Blair enfonce le clou: « On m’a demandé récemment de nommer les dirigeants politiques les plus intègres qu’il m’ait été donné de rencontrer. George n’est pas loin du sommet de cette liste. Et ce n’est pas une plaisanterie. Il avait un sens authentique de l’intégrité, et plus de courage politique que tous les autres leaders que j’ai rencontrés ».
Reste à savoir si George W. Bush, dans ses Mémoires à paraître en novembre, lui renverra l’ascenseur des amabilités.
Marie Simon
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