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Ce qu’il faut savoir sur le procès de Jérôme Kerviel

L’ancien trader, lourdement condamné en 2010 pour une perte record à la Société Générale, revient devant la justice ce lundi. Nouvel avocat, nouvelle stratégie… Qu’est-ce qui a changé? LeVif.be fait le point.

Kerviel a changé d’avocat…

Nouvelle procédure, nouvelle défense. En première instance, l’ancien trader de la Société générale était défendu par le célèbre Me Olivier Metzner. À l’issue du procès, Kerviel avait été condamné à 3 ans de prison ferme et à verser 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts… Un jugement accueilli comme une défaite personnelle par le conseil.

Pour le procès en appel, Kerviel a redistribué les cartes. Sa défense est désormais assurée par le médiatique Me David Koubbi. Le conseil s’est forgé une réputation d’homme coriace grâce aux dossiers de Tristane Banon – l’autre affaire DSK – et du Dr Stéphane Delajoux. Mais l’avocat parisien est un touche-à-tout: romancier, il est également le créateur du site Tokup et produit les Gérards de la politique. Un atout pour Kerviel? Peut-être, mais attention à ne pas jouer la carte de la surcommunication, estime Patricia Chapelotte, ancienne conseillère en communication de l’ex-trader de la SoGé, auteure de L’Art de communiquer pendant les grands procès.

… et de conseiller en communication

Après deux ans de collaboration, Jérôme Kerviel et sa conseillère en communication ont mis un terme à leur contrat à l’issu du procès. À l’origine de cette séparation, un différend sur la stratégie à adopter, et notamment la parution du livre de Kerviel, L’Engrenage, mémoires d’un trader, explique Patricia Chapelotte. « Cette surcommunication avait été très mal vécue par les magistrats », explique-t-elle à L’Express. À sa connaissance, elle n’a pas été remplacée au sein de la team de l’ex-trader de la SG. « Jérome Kerviel est aujourd’hui mieux armé. Il a retenu les leçons de ses erreurs passées, analyse-t-elle. Le procès en appel risque d’être moins suivi, Kerviel ne sera donc pas soumis à la même pression médiatique. »

Kerviel a déposé plainte contre la SG…

En 2010, Jérôme Kerviel faisait parler de lui en publiant L’Engrenage, mémoires d’un trader. Dans cet ouvrage, l’ex-employé de la Société générale assumait la responsabilité de la fraude mais affirmait que sa hiérarchie était au courant et le laissait faire tant qu’il gagnait de l’argent. Si à l’audience, le livre trônait sur les tables des avocats et les genoux des journalistes, il aurait un effet contre-productif pour Kerviel.

Cette fois-ci, à l’aube de son procès en appel, l’ex-trader n’a pas publié de livre. Mais il a porté plainte contre la Société générale pour « escroquerie au jugement ». Son avocat accuse la SoGé d’avoir trompé le tribunal correctionnel de Paris en ne l’informant pas du fait que la banque avait récupéré, dès février 2008, grâce à un dispositif fiscal, 1,7 milliard d’euros sur les 4,9 milliards qu’elle estime avoir perdus à cause de Jérôme Kerviel. Selon Me Koubbi et certains experts-comptables, la banque n’aurait pas dû bénéficier de cette déduction, puisque ses systèmes de contrôle s’étaient avérés défaillants dans cette affaire.

… deux fois

Une semaine plus tard, l’ex-trader dépose une nouvelle plainte contre la banque au logo rouge et noir pour « faux et usage de faux ». Son avocat accuse la Société générale d’avoir « coupé » et « trafiqué » un scellé. Il s’agit des « enregistrements sauvages réalisés à l’insu de Jérôme Kerviel, qui avait été convoqué dans les locaux de la Société générale et enregistré illicitement à son insu pour obtenir des aveux de sa part, entre le 19 et le 20 janvier 2008 », détaille le conseil. Et d’ajouter que sur 12h de présence dans les locaux, 6h de conversation ne figurent pas sur les bandes.
Immédiatement, la SG réplique et dépose plainte à son tour pour « dénonciation calomnieuse ». Pour vérifier la véracité des déclarations de Jérôme Kerviel, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire confiée à la brigade financière.

Le procès de la SG aura-t-il lieu?

La condamnation de Kerviel à 5 ans de prison, dont 3 ferme, et à verser 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts, a fait couler beaucoup d’encre. Cette somme est considérée par beaucoup comme « déraisonnable » et « excessive ». À l’époque, même la Société générale avait pâti de ce chiffre et dû renoncer, en partie, à la réparation du préjudice subi. La responsabilité de la SoGé sera-t-elle davantage examinée en appel?

Un témoignage inédit, révélé par L’Express, remet en cause la défense de la banque. Selon un ancien de la Société générale, la thèse de l’homme seul « ne tient pas une seconde ». « La banque a laissé faire Jérôme Kerviel tant qu’elle jugeait que la situation lui était favorable, analyse-t-il, puis elle a profité des pertes attribuées à Kerviel dans le cadre du débouclage pour faire passer ses pertes liées aux subprimes. La SoGé a utilisé Kerviel pour ne pas avoir à assumer le fait d’être la première banque à être touchée par la crise des subprimes ».

Par Julie Saulnier, L’Express

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