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Catastrophe au Bangladesh : le propriétaire de l’immeuble a été arrêté

Le Vif

Les autorités du Bangladesh ont annoncé l’arrestation du propriétaire d’un immeuble de huit étages qui s’est effondré près de Dacca mercredi, provoquant la mort de centaines d’ouvriers du textile, et où le dernier survivant a péri dimanche dans un incendie.

La catastrophe survenue au Rana Plaza, à Savar, dans la banlieue de la capitale, a fait au moins 381 morts, un millier de blessés graves, parmi lesquels de nombreuses personnes que l’on a dû amputer pour pouvoir les sortir des décombres, et un nombre inconnu de disparus, bloqués sous les gravats. La majorité des victimes étaient des femmes.

Dimanche, un feu s’est produit dans les ruines du bâtiment, qui abritait des ateliers de confection travaillant pour le compte de grandes firmes occidentales. « Nous étions en train de couper une poutre pour sortir une femme qui était, croyons-nous, le dernier survivant. Nous sommes arrivés à éteindre l’incendie, mais lorsque nous sommes revenus, nous avons vu qu’elle était morte », a déclaré le chef des pompiers, Ahmed Ali.

« C’était une femme courageuse et elle a lutté jusqu’au bout. Nous avons travaillé pendant 10 à 11 heures aujourd’hui pour essayer de la tirer de là vivante. Nous avons relevé le défi mais nous avons perdu. Cela nous a brisé le coeur à tous. Tout le monde a été ému », a-t-il ajouté. La télévision, qui suivait le sauvetage en direct, a montré les pompiers en train de pleurer après la mort de cette femme, qui, bien que très affaiblie, avait pu se manifester en criant de dessous les décombres dimanche matin.

« Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, elle nous a suppliés de ne pas l’abandonner. Nous lui avons donné de l’eau, de l’oxygène, des sels minéraux et de la nourriture. Elle a pu s’alimenter et tenir le coup », a expliqué un secouriste volontaire. Son prénom, a-t-il dit, était Shahnaz et elle avait un fils de dix ans.

Le vice-ministre de l’Intérieur Shamsul Haque Tuku a annoncé l’arrestation du propriétaire de l’immeuble, Sohel Rana, un entrepreneur membre du parti au pouvoir, soupçonné d’avoir enfreint le code national de la construction. « Il a été arrêté et il sera jugé », a assuré le responsable.

Le directeur de l’unité d’élite de la police du Bangladesh, Mukhlesur Rahman, a précisé à l’AFP qu’il avait été arrêté à la frontière avec l’Inde.

Trois propriétaires d’ateliers présents dans le Rana Plaza avaient été arrêtés samedi et devront répondre d' »homicides par négligence ». L’un d’eux est Aminul Islam, l’associé d’un Espagnol recherché, David Mayor, considéré comme « l’accusé numéro 4 », selon Kaiser Matubbor, le policier chargé de l’enquête.
David Mayor est le directeur général de Phantom-Tac, une société commune constituée à parts égales par Phantom Apparels (Bangladesh) et Textile Audit Company (Espagne), installée sur plus de 2.000 mètres carrés dans l’immeuble effondré, selon le site internet de la société.

Des rescapés ont raconté que des ouvriers travaillant au sein du bâtiment s’étaient publiquement inquiétés la veille de fissures, mais leurs employeurs les ont forcés à embaucher mercredi, ignorant leurs mises en garde.

L’immeuble abritait cinq ateliers de confection notamment liés aux marques espagnole Mango et britannique Primark, seules enseignes à avoir confirmé leurs relations avec des ateliers du Rana Plaza.

Dimanche, un photographe de l’AFP a pris des clichés de chemises bleues étiquetées « United Colors of Benetton » là où le sous-traitant New Wave Bottoms, qui cite Benetton au nombre de ses clients sur son site internet, avait ses ateliers. Sollicitée par l’AFP, la marque italienne n’a pas dans l’immédiat réagi à ces informations. Benetton avait affirmé après l’accident que « les gens concernés dans (l’affaire de) l’effondrement de l’atelier au Bangladesh n’étaient pas des fournisseurs de Benetton ». L’AFP a par ailleurs trouvé sur le site des étiquettes destinées à la marque américaine de prêt-à-porter féminin Cato.

Le groupe de défense des ouvriers du textile, Clean Clothes Campaign, dont le siège est à Amsterdam, avait déjà affirmé que des étiquettes de la marque européenne C&A avaient été retrouvées. C&A a dit à l’AFP ne plus avoir de liens avec un fabricant du Rana Plaza depuis octobre 2011.

Selon l’ONG, le britannique Bon Marché, l’espagnol Corte Inglès et le canadien Joe Fresh – marque de confection vendue dans les supermarchés Loblaw – ont confirmé leurs liens avec les ateliers du Rana Plaza.

Depuis mercredi, quelque 2.500 personnes ont été sauvées, dont quatre dans la nuit de samedi à dimanche. Autour du site, des proches attendaient nerveusement des nouvelles des disparus. « S’il vous plaît, rendez-nous ma fille, morte ou vivante. Sa fille de deux ans n’arrête pas de pleurer pour la voir », implorait une femme tenant une photo de la disparue.

La plupart des 4.500 usines de textile du Bangladesh étaient déjà à l’arrêt en raison de manifestations d’ouvriers en colère, et les entrepreneurs du secteur avaient décrété fériés les journées de samedi et dimanche. Les syndicats avaient appelé à la grève dimanche pour exiger de meilleures conditions de travail.
Il s’agit du pire accident dans l’histoire industrielle du Bangladesh, pays pauvre d’Asie du Sud qui a fait de la confection le pivot de son économie.

La catastrophe a relancé la polémique sur les conditions de travail dans ce secteur – qui emploie essentiellement des femmes travaillant pour moins de 40 dollars par mois pour des marques occidentales – et a attisé la colère des ouvriers qui ont obligé les usines à fermer.

Vendredi, des ouvriers ont attaqué des usines, renversé des véhicules, brûlé des pneus sur la route et essayé de mettre le feu à des échoppes le long du parcours de la manifestation de masse.

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