Le président catalan Carles Puigdemont © AFP/Lluis Gene

Catalogne: sans dialogue, le président entend déclarer l’indépendance

Le Vif

Le dirigeant sécessionniste de la Catalogne, Carles Puigdemont, a laissé entendre qu’il allait déclarer l’indépendance si Madrid refusait une médiation, à l’approche d’une cruciale séance parlementaire mardi et après un week-end où des centaines de milliers de Catalans ont crié « Basta » dans la rue.

« Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit ‘oui’ à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l’Etat espagnol ne répond pas de manière positive, nous, nous ferons ce que nous sommes venus faire », a dit Carles Puigdemont dans un entretien avec la télévision publique catalane diffusé dimanche soir.

Soufflant le chaud et le froid, il avait déjà auparavant promis d’aller de l’avant si le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy n’acceptait pas de négocier un référendum légal, ce que ce dernier n’envisage dans aucun cas de figure.

Mais cette volonté d’indépendance qui va crescendo depuis plusieurs années, divise l’Espagne et la Catalogne elle-même. « Prou! Recuperem el seny » (Assez! Récupérons la raison), ont clamé dimanche les opposants à cette sécession, qui représentent près de la moitié des quelque 7,5 millions d’habitants de cette région du nord-est de l’Espagne, grande comme la Belgique.

Selon les organisateurs, ils étaient près d’un million et selon la police municipale, 350.000: des Catalans et des Espagnols venus d’ailleurs ont déferlé dimanche dans le centre de Barcelone pour défendre « l’unité de l’Espagne », à l’issue d’une semaine d’émotion et d’angoisse dans tout le pays.

Le 1er octobre, s’est tenu en Catalogne un référendum d’autodétermination interdit, marqué par des violences policières lorsque les forces de l’ordre dépêchées par Madrid ont tenté de l’empêcher dans une centaine de bureaux de vote. Les scènes montrant des policiers matraquant des Catalans pacifiques ont choqué l’opinion.

Les séparatistes catalans estiment avoir remporté ce scrutin boycotté par leurs opposants avec 90% des voix et un taux de participation de 43%. Assez, disent-ils, pour déclarer l’indépendance. Et tous s’attendent à ce que cette déclaration, si elle intervient, se produise lors d’une séance au parlement catalan où le président indépendantiste catalan Carles Puigdemont doit s’exprimer, mardi soir.

Une éventualité qui semble crédible aux yeux d’une quinzaine de grandes sociétés, dont deux grandes banques qui depuis jeudi se sont impliquées dans la bataille en décidant de transférer leur siège social hors de Catalogne.

Et dimanche, Mariano Rajoy, dans un entretien avec le quotidien El Pais, a demandé à ce que « la menace de déclaration d’indépendance soit retirée le plus rapidement possible ».

Et dans le cas contraire? « Je n’écarte rien », a-t-il répondu au journal qui l’interrogeait sur l’application de l’article 155 de la Constitution permettant de retirer son autonomie à la région.

« La ruine de la Catalogne »

« Nous avons peur, nous voyons que ça va être la ruine pour la Catalogne et pour l’Espagne », a déploré dimanche auprès de l’AFP Mercedes Sanz Cortinas, 51 ans, mère au foyer venue manifester avec toute sa famille à Barcelone après une semaine d’incertitude.

De la décision que Carles Puigdemont et les siens prendront dépend le sort de 16% de la population espagnole qui vit dans cette région contribuant à hauteur de 19% au PIB de l’Espagne.

S’il va de l’avant, une suspension de l’autonomie de la Catalogne de la part de l’Etat pourrait à son tour entraîner des troubles dans la région où les manifestations se succèdent depuis des semaines.

« Ne poussez pas le pays vers le précipice », a aussi imploré l’ancien ministre socialiste Josep Borrell, ex-président du Parlement européen, dans un discours de clôture de la grande manifestation de Barcelone.

« Le vivre-ensemble est cassé dans ce pays. Il faut le reconstruire et défendre le pluralisme », a ajouté l’ancien ministre.

« Nous aussi, nous sommes Catalans », lisait-on sur une des pancartes de la manifestation de Barcelone.

En dépit de l’essor de l’indépendantisme dans la région, celui-ci n’a en réalité obtenu que 47,8% des suffrages lors des dernières élections, en 2015, les partis favorables à un maintien en Espagne ayant eu plus de voix.

Mais les indépendantistes sont majoritaires au Parlement avec 72 députés sur 135 en raison d’un système de pondération des voix visant à favoriser les zones rurales.

Et comme pour contre-carrer les pressions pour le ‘non’ à l’indépendance, l’Assemblée nationale catalane, l’une des plus puissantes associations indépendantistes de Catalogne, a affirmé dimanche: « le mardi 10 octobre, déclarons l’indépendance ».

Le film des événements depuis le référendum

Le référendum sur l’autodétermination organisé le 1er octobre par les dirigeants séparatistes en Catalogne a plongé l’Espagne dans sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie en 1977. Retour sur le film des événements.

1er octobre: un référendum émaillé de violences

Après plusieurs jours de tensions croissantes, des milliers de Catalans se massent devant les bureaux de vote pour participer à un référendum sur l’indépendance convoqué le 6 septembre malgré l’interdiction de la Cour constitutionnelle.

La police tente d’empêcher la tenue du scrutin dans une centaine de bureaux. Des forces de l’ordre chargent des manifestants, tirent des balles en caoutchouc et usent de leurs matraques, des images qui font le tour du monde. Au moins 92 blessés.

Dans la soirée, le président catalan Carles Puigdemont affirme que les citoyens de Catalogne ont gagné « le droit d’avoir un État indépendant qui prenne la forme d’une République ».

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, assure qu’il n’y a « pas eu de référendum » et déclare que les forces de l’ordre ont « fait leur devoir ».

2: les violences condamnées à l’international

Le gouvernement séparatiste affirme que le « oui » à l’indépendance l’a emporté avec 90% des voix, selon des résultats partiels.

Les partis opposés à l’indépendance ont boycotté le scrutin.

La Commission européenne a appelé à éviter les violences et à un dialogue entre le gouvernement central et les indépendantistes.

Carles Puigdemont demande une médiation internationale et exige le retrait des forces de l’ordre.

Plusieurs milliers de personnes défilent à Barcelone et dans d’autres villes de la région pour défendre le référendum et dénoncer les violences.

3: grève générale et manifestations, discours du roi

Grève générale à l’appel d’une quarantaine d’organisations syndicales, politiques et sociales .

Une manifestation monstre rassemble 700.000 personnes à Barcelone pour protester contre les violences policières.

Dans la soirée, le roi d’Espagne Felipe VI déclare dans une allocution télévisée, événement rare, que l’Etat doit « assurer l’ordre constitutionnel » et dénonce la « déloyauté inadmissible » des dirigeants catalans.

4: vers une déclaration d’indépendance?

M. Puigdemont assure à la BBC que son gouvernement s’apprête à déclarer l’indépendance de la Catalogne dans les prochains jours.

La Bourse de Madrid accuse le coup, clôturant en forte baisse.

Dans la soirée, le président séparatiste reproche au roi d’avoir « délibérément ignoré des millions de Catalans » scandalisés par les violences policières. Il réitère son appel à une médiation internationale, aussitôt rejetée par Madrid.

5: anxiété des milieux économiques

La Cour constitutionnelle suspend la session du parlement catalan annoncée pour lundi, au cours de laquelle est envisagée la déclaration d’indépendance.

Sur fond de dégringolade boursière, Banco Sabadell, deuxième banque catalane, annonce le transfert de son siège social hors de la région. Plusieurs entreprises, dont la troisième banque d’Espagne CaixaBank ou le groupe gazier Gas Natural, font de même le lendemain.

6: timides gestes d’apaisement

Carles Puigdemont annonce qu’il repousse son intervention devant le Parlement régional. La nouvelle séance est prévue mardi, l’ordre du jour portant simplement sur la « situation politique ».

Les résultats définitifs du référendum sont transmis au parlement régional: 90,18% de « oui » à la sécession avec un taux de participation de 43%.

Le gouvernement espagnol appelle les dirigeants catalans à dissoudre leur parlement et à convoquer de nouvelles élections régionales anticipées.

Le préfet, principal représentant de l’Etat en Catalogne, présente pour la première fois des excuses au nom des forces de l’ordre.

A Madrid, des responsables indépendantistes ressortent libres après avoir été entendus par la justice pour des faits de « sédition » lors de manifestations les 20 et 21 septembre.

7: les Espagnols descendent dans la rue

Des dizaines de milliers de personnes, vêtues de blanc, manifestent dans plusieurs villes d’Espagne ou au Pays Basque, pour réclamer un « dialogue » entre les Catalans et le reste du pays.

Une autre marche, « patriotique », rassemble dans le centre de Madrid quelque 50.000 personnes pour « défendre l’unité de l’Espagne ».

8: Première grande manifestation anti-indépendantisme à Barcelone

Entre 300.000 personnes, selon la police de Barcelone et près d’un million, selon les organisateurs, battent le pavé pour défendre l’unité de l’Espagne.

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