© Reuters

Cameron lâche une « bombe » politique électorale en écartant un 3e mandat

L’annonce impromptue par le Premier ministre britannique David Cameron qu’il ne briguerait pas un troisième mandat s’il est réélu en mai a pris de court ses amis politiques comme ses opposants, et risque d’ouvrir prématurément une guerre de succession chez les conservateurs.

C’est dans la cuisine de sa résidence de l’Oxfordshire (centre), sa circonscription, que David Cameron, 48 ans, a lancé cette « bombe » politique, dixit The Guardian qui, comme l’immense majorité des médias britanniques, consacrait mardi sa une au sujet. Le dirigeant conservateur était interrogé par un journaliste de la BBC dans le cadre d’une série de portraits consacrés aux candidats au scrutin du 7 mai.

Le ton est détendu, presque informel, M. Cameron est en chemise, manches retroussées à mi-bras. « Pourriez-vous briguer un troisième mandat? », demande le reporter de la BBC, James Landale. « Non », répond immédiatement le dirigeant conservateur. « J’ai dit que je me représenterai pour un second mandat complet », ajoute M. Cameron, élu en 2010 face au travailliste Gordon Brown.

« Le troisième mandat, ce n’est pas quelque chose à laquelle je pense », dit-il, insistant: « Deux (mandats) c’est bien, trois ce serait trop ». Patatras: pour les analystes politiques, cette confidence pourrait « re-paramétrer » la campagne électorale pour les législatives. Et coûter cher aux tories. « M. Cameron a potentiellement ouvert la boîte de Pandore », notait le reporter de la BBC qui a recueilli cette exclusivité.

« Il a invité (la classe politique) et le pays à imaginer le jour où il ne serait plus Premier ministre ». « C’est un pari risqué si près d’une élection », a-t-il ajouté, alors que le parti conservateur est au coude-à-coude dans les sondages avec les travaillistes à moins de sept semaines du scrutin.

Douglas Alexander, le chef de campagne du Labour, a d’ailleurs aussitôt fustigé « l’arrogance typique de David Cameron » consistant à présumer que les conservateurs vont remporter le scrutin « avant même que les Britanniques aient eu la chance de s’exprimer ». Le Premier ministre n’a pas non plus été épargné par ses propres alliés du parti libéral-démocrate (centre), membre de la coalition gouvernementale. « C’est incroyablement présomptueux de la part de David Cameron de se préoccuper d’un éventuel troisième mandat à quelques semaines des élections », a souligné un porte-parole des Lib-Dém.

Réagissant aux critiques, M. Cameron a répliqué qu’il ne tenait « absolument rien pour acquis » et qu’il s’était contenté d’apporter une « réponse très directe » à une « question très directe ». « Je suis entièrement tourné vers les prochains 44 jours en vue de l’élection », a-t-il dit lors d’un déplacement à Londres.

S’il a potentiellement bouleversé la campagne, M. Cameron a également ouvert une course à sa succession à la tête des Tories qui pourrait vampiriser un éventuel deuxième mandat. « Pour les ambitieux collègues du Premier ministre, la course au pouvoir commencera le jour où il retourna au 10 (Downing street) », écrivait le quotidien Daily Mail.

« Parler de départ, c’est miner le terrain devant soi », estimait de son côté The Independent, en rappelant l’exemple du travailliste Tony Blair qui, en 2004, avait indiqué qu’il ne briguerait pas de quatrième mandat avant même d’être reconduit en 2005. Cette annonce avait alors été jugée comme une faute politique majeure, et M. Blair avait quitté le pouvoir en 2007, trois ans avant l’échéance de son mandat.

Avant lui, la « dame de fer » conservatrice Margaret Thatcher avait a contrario exaspéré en annonçant qu’elle se représenterait « encore, et encore, et encore ». Quant à l’identité de son successeur, M. Cameron a lui-même suggéré les noms de trois personnalités soupçonnées de lorgner sur le 10, Downing street: la ministre de l’Intérieur Theresa May, le ministre des Finances George Osborne et le maire de Londres Boris Johnson.

Ce dernier, habituellement connu pour ses déclarations intempestives, s’est bien gardé d’envenimer le débat. « Ce qui est primordial, c’est que David Cameron puisse être là pour les cinq prochaines années », a-t-il dit, ajoutant, avec une pointe d’humour, que le prochain chef des Tories était encore « un bébé dans le ventre de sa mère ».

Contenu partenaire