© Reuters

Cambodge: « Nous espérons une transition pacifique à la birmane »

Le Vif

Le leader de l’opposition Sam Rainsy appelle à un compromis avec le gouvernement de Hun Sen. Confronté à des protestations populaires politiques et sociales, celui-ci a interdit tout rassemblement.

Un vent de fronde souffle sur le Cambodge, porté par l’opposition qui, depuis les élections législatives de juillet continue de contester les résultats et refuse de siéger à l’Assemblée nationale. Sous la houlette de son populaire chef de file Sam Rainsy, elle a mené une série de manifestations de rue sans précédent, lesquelles n’ont connu ni incident ni entraves des forces de l’ordre.

Une situation inédite dans un pays où, pour la première fois en près de trente ans, la légitimité du parti au pouvoir, le PPC, est remise en cause par une vague de protestations populaires où revendications politiques et sociales font front commun. Mais depuis jeudi, le gouvernement a donné un tour de vis, avec des opérations de répression brutale de tout rassemblement, qui ont fait au moins 4 morts et des dizaines de blessés, et l’interdiction de toute manifestation jusqu’à un retour au calme. La donne est modifiée, pourtant, Sam Rainsy s’affiche serein sur l’avenir.

Pendant cinq mois, votre parti a été celui qui a occupé l’espace. En matant toute contestation et en vous interdisant dorénavant la rue, le PPC ne semble-t-il pas avoir repris la main?

Le vrai rapport de force, c’est dans la tête. Et on l’a déjà montré avec un défilé de 200 000 personnes, contre 20 000 que le PPC a réunies ce mardi matin pour la célébration du 7 janvier (35e anniversaire du renversement du régime khmer rouge par l’armée vietnamienne et de l’installation au pouvoir de l’équipe en place). Vous voyez de quel côté penche le rapport de force populaire ! Nous assistons à l’éclosion du  » people power « . Mais ceux qui utilisent la violence font preuve de faiblesse. Ce n’est pas un signe de force que d’utiliser des armes contre la population civile.

Comment vous positionnez-vous aujourd’hui?

Notre stratégie, c’est d’éviter la violence et de faire triompher la volonté populaire sous toutes les formes pacifiques. Nous ne voulons pas nous laisser entraîner dans les pièges de la violence, le terrain de prédilection du PPC. Nous ne voulons ni résister ni défier. Nous préférons un repli tactique au lieu d’envoyer nos forces à la boucherie. On préfère les redéployer pour les aligner dans une autre bataille. Nous allons agir de manière responsable. Immédiatement après la restauration des libertés, nous n’irons pas lancer une autre manifestation monstre. On a déjà fait une démonstration de force, ça suffit. Nous sommes prêts à aller de l’avant.

Qu’exigez-vous pour retourner à la table des négociations?

Pour nous, elles doivent être engagées hors de toutes contraintes : il faut que la violence cesse, qu’une commission d’enquête indépendante soit établie pour faire la lumière sur ces actes, il faut que ceux qui sont toujours détenus soient libérés, que la pression judiciaire à l’encontre des chefs syndicalistes et des chefs de l’opposition cesse. Il ne faut pas qu’une épée de Damoclès pèse sur nos têtes, on ne peut pas négocier dans ces conditions. Donc nous demandons au PPC, car la balle est maintenant dans son camp, de créer les conditions propices à une véritable négociation.
Vous l’avez dit, la menace d’une arrestation pèse sur vous. Y croyez-vous?

Quand il y aura une solution politique, les procédures judiciaires disparaîtront comme par enchantement ! Pour nous attirer, le PPC nous fait miroiter beaucoup de choses. Ils veulent vraiment négocier. Donc je n’ai aucune inquiétude. Ils ne peuvent pas me mettre en prison et continuer dans le même temps à négocier. Ils nous forcent juste la main pour reprendre les négociations.

La situation est-elle bloquée?

Il y a deux forces : celle du soutien populaire et celle de l’armée. Chaque côté a fait la démonstration de sa force. Maintenant, on se jauge. On connaît les limites des uns et des autres, c’est propice à la négociation. Le jeu est plus clair. Et il y aurait un compromis en perspective. Par l’intermédiaire de contacts en commun, on se sonde mutuellement avec le PPC. Il y aurait l’idée, pour résoudre la crise post-électorale actuelle, d’une élection anticipée, à mi-mandat, dans 2-3 ans, mais sans faire référence aux dernières élections, sans dire qu’elles ont été truquées. Or un scrutin avancé n’est pas prévu dans la Constitution, il faut donc la modifier. Celui qui suggérerait une révision de la Constitution ce serait alors le roi, pour concilier tout le monde et résoudre ce conflit majeur. S’il y a l’engagement du roi, solennel, on peut faire confiance. Et cela s’accompagnerait, au préalable, d’une réforme du système électoral. C’est là un scénario que nous étudions sérieusement. Nous espérons une transition pacifique à la birmane.

Propos recueillis par Stéphanie Gée

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire