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Calais : la « Jungle » vit ses dernières heures

Le Vif

La « jungle » de Calais, immense bidonville où s’entassent des milliers de migrants près des côtes françaises face à l’Angleterre, vit ses dernières heures avec l’accélération des préparatifs de son démantèlement par les autorités.

Alors que des premiers groupes sont déjà partis au compte-goutte pour des centres d’accueil répartis sur tout le territoire, les quelque 6.500 habitants de la « jungle » (dernière estimation officielle) attendent l’arrivée des bulldozers avec résignation, partagés entre leur rêve d’Angleterre et la promesse d’un vrai lit et d’un toit sur leur tête.

Le démantèlement doit intervenir « dans les prochains jours », ont averti jeudi les ministres de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et du Logement Emmanuelle Cosse.

En prévision, la Belgique a renforcé les effectifs policiers dans la zone frontalière. Le ministre de l’Intérieur Jan Jambon « fera tout pour qu’un camp de tentes ne s’installe pas en Belgique », a indiqué son cabinet.

Défi humanitaire

« Nous réussirons ce défi humanitaire », ont promis M. Cazeneuve (socialiste) et Mme Cosse (écologiste) dans une tribune au Monde, alors que des ONG présentes sur le terrain ont mis en garde contre les risques de « catastrophe » d’une opération précipitée.

D’autres ONG ont insisté en revanche sur l’urgence de l’évacuation du camp avant l’hiver, « compte tenu des conditions de vie indignes des milliers de personnes qui survivent dans la jungle de Calais ».

Mewagul Daulatzai, un Afghan de 22 ans, confie à l’AFP sa hâte de partir du campement où il a vécu par intermittence depuis 2013. « Avant j’aimais bien la jungle. J’y avais mes amis et on y travaillait » dans les échoppes informelles qu’ils avaient ouvertes. « Mais maintenant c’est trop dangereux. Toutes les nuits il y a des tentatives de vol ».

Certains occupants de la « jungle » ont déjà été relogés dans des centres d’accueil de petite dimension répartis à travers la France, où ils pourront demander l’asile.

Une quarantaine a été accueillie dans la Meuse (nord-est). Quatorze autres, essentiellement des Afghans, sont arrivés jeudi à Pierrefeu-du-Var, un village du sud dont les habitants avaient manifesté le 8 octobre contre l’ouverture du centre prévu pour une trentaine de personnes. De telles manifestations d’hostilité ont eu lieu dans quelques localités avant même l’arrivée des premiers occupants.

Le cas des mineurs isolés

L’un des volets du démantèlement concerne la prise en charge des quelque 1.290 mineurs isolés, dont beaucoup veulent gagner le Royaume-Uni où ils disent avoir de la famille.

Lors d’un sommet franco-britannique en mars, le président François Hollande avait réclamé qu’ils puissent « vite » les rejoindre si tel était le cas. Leurs départs se sont multipliés depuis quelques jours (52 en quatre jours contre 83 entre mars et septembre) grâce à la présence sur place de fonctionnaires britanniques pour traiter les demandes en direct.

Le Royaume-Uni « a commencé » à « assumer toutes ses responsabilités », se sont félicités les deux ministres français, « les négociations menées progressent bien, et le mouvement va s’accélérer ».

L’arrivée de ces jeunes migrants divise l’opinion publique britannique, avec une controverse sur leur âge réel. « Ils ne ressemblent pas à des enfants », a déclaré le député conservateur David Davies, qui a réclamé des vérifications par examen dentaire. En revanche un groupe de jeunes arrivés à Croydon (sud) en provenance de Calais a été chaleureusement accueilli mercredi par des manifestants, ont rapporté des médias.

Les autorités du Royaume-Uni ont aussi été interpellées par l’ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, favori à la primaire de la droite à l’élection présidentielle: « on ne peut pas accepter de faire sur le territoire français la sélection des personnes dont la Grande-Bretagne ne veut pas. C’est à elle de faire ce travail », a-t-il déclaré dans un entretien à six journaux européens (dont The Guardian, Le Soir de Bruxelles, El Pais).

La renégociation des accords du Touquet signés en 2003 entre Paris et Londres, qui place la frontière entre les deux pays à Calais, est demandée par toute la classe politique française, avec plus d’insistance encore depuis le vote du Brexit.

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