Gilbert Diendéré © Reuters

Burkina Faso : le général Diendéré, de l’ombre à la lumière

Qui est le général Gilbert Diendéré, celui qui a pris jeudi la tête des putschistes qui ont renversé les autorités de transition au Burkina Faso.

Cet homme de l’ombre, agissant depuis trois décennies dans les coulisses du pouvoir, avait été écarté des affaires quelques semaines après la chute de son mentor, renversé par la rue en octobre 2014. Démis fin novembre 2014 de ses fonctions de chef d’état-major particulier du président, il avait été écarté également du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), qu’il dirigeait depuis 1987. Ce sont des soldats de cette unité d’élite de l’armée burkinabè qui ont pris mercredi en otage le président de transition et son gouvernement, avant d’annoncer leur coup d’Etat à la télévision jeudi matin.

Taille athlétique, toujours en treillis et béret rouge, l’ancien saint-cyrien Diendéré affiche le plus souvent un calme olympien. Quinquagénaire, il a longtemps été considéré comme le plus puissant militaire de l’armée du pays. Bien qu’officiellement mis sur la touche, il a d’ailleurs été de chaque négociation chaque fois que le RSP – ancienne « garde prétorienne » du président Compaoré – a provoqué des incidents avec le gouvernement de transition. Le général Diendéré est soupçonné d’être à la tête du commando qui a abattu le capitaine Sankara, « le père de la révolution burkinabè » lors du coup d’Etat d’octobre 1987 qui avait porté Compaoré au pouvoir. A la tête du RSP, il a été souvent l’homme qui éventait les vrais ou faux coups d’Etat dont le régime Compaoré s’est dit victime. Porté jeudi à la tête du nouveau pouvoir, le « Conseil National pour la démocratie », le général de brigade a justifié le putsch par la « grave situation d’insécurité pré-électorale (qui) régnait au Burkina » avant la présidentielle prévue le 11 octobre. Il a assuré que les putschistes ne font pas front commun avec le Congrès pour le progrès et la démocratie (CDP), le parti de Blaise Compaoré, dont son épouse Fatou a été députée. Le parti avait été exclu des élections à venir par les autorités de transition.

Le Burkina de la chute de Compaoré au coup d’Etat militaire

Rappel des événements au Burkina Faso, où des militaires putschistes ont renversé jeudi les autorités de transition, un an après la fin du règne de Blaise Compaoré, chassé par la rue fin octobre 2014 après 27 ans au pouvoir.

2014

– 31 oct: Blaise Compaoré annonce qu’il quitte le pouvoir, chassé par une insurrection populaire qui a duré moins de 48 heures et fait 24 morts. Le chef d’état-major, le général Honoré Traoré, déclare qu’il assumera les « responsabilités de chef de l’Etat ». Mais un groupe de jeunes officiers, mené par le lieutenant-colonel Isaac Zida, n°2 du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), annonce prendre le pouvoir.

– 1er nov: Isaac Zida se déclare « chef de l’Etat ». Les hauts gradés de l’armée tranchent en sa faveur.

– 16 nov: L’armée et les civils signent la charte de la transition, qui doit servir de constitution intérimaire.

– 17 nov: Le Burkina Faso désigne un nouveau chef de l’Etat intérimaire, le diplomate Michel Kafando.

– 19 nov: Le lieutenant-colonel Isaac Zida est nommé nouveau Premier ministre. Le 23, après d’intenses tractations, le gouvernement de transition est annoncé, avec des militaires aux commandes de l’armée et de la police. Isaac Zida cumule le poste de Premier ministre avec celui de ministre de la Défense.

– 27 nov: Michel Kafando démet de ses fonctions le général Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier du président déchu Blaise Compaoré. Le nouveau président a entamé une purge au palais présidentiel et au sein des forces armées et a déjà démis plusieurs hauts cadres. Des arrestations et inculpations de ministres de l’ère Compaoré interviennent les mois suivants.

– 13 déc: Isaac Zida réclame la dissolution « pure et simple » du régiment d’élite RSP dont il est pourtant le n°2, devant une foule réunie pour commémorer la mort du célèbre journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998. En juin 2015, la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a ordonné à l’Etat de « reprendre » l’enquête.

2015

– 22 jan: Le président Kafando annonce la tenue d’élections présidentielles et législatives au 11 octobre 2015.

– 13 mars: Mise en place d’une Commission de réconciliation pour enquêter sur des crimes du régime Compaoré.

– 10 avr: Le chef de l’Etat promulgue un nouveau code électoral controversé, excluant de la présidentielle et des législatives d’octobre les partisans de Blaise Compaoré, qui annoncent entrer en « résistance ». L’ex-majorité annonce que ses députés ne siègeront plus à l’assemblée intérimaire.

– 5 juin: Le Parlement vote une loi obligeant les militaires souhaitant entrer en politique à quitter auparavant l’armée.

– 2 juil: Le gouvernement accuse le RSP d’avoir ourdi un complot contre le Premier ministre Zida. Les compagnons d’armes de Zida nient et demandent en retour sa démission. Mi-juillet, le président Kafando démet Isaac Zida de son portetefeuille de ministre de la Défense pour « régler les questions de dysfonctionnement et surtout de frustrations au niveau de l’Armée ».

– 16 juil: Les députés votent la mise en accusation de Blaise Compaoré devant la Haute Cour de justice pour « haute trahison » et « attentat à la Constitution ».

– 16 sept: Irruption au Palais présidentiel, en plein Conseil des ministres, de militaires du RSP. Ces derniers retiennent depuis en otages le président intérimaire Kafando, le Premier ministre Zida et de nombreux membres du gouvernement.

– 17 sept: Les militaires du RSP annoncent avoir « dissous » les institutions de la transition et promis d’organiser des « élection inclusives ».

Les putschistes placent le général Gilbert Diendéré à la tête d’un Conseil national de la Démocratie.

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