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Brisés, les déplacés d’Alep en quête de paix

Le Vif

« J’ai perdu mon fils aîné, mon travail, ma maison ». Fawwaz al-Achaari a enterré sa vie brisée à Alep-Est, quittant comme des dizaines de milliers d’autres civils ce secteur rebelle où les troupes du régime syrien ont largement gagné du terrain.

« Je ne veux plus rien perdre », confie à l’AFP ce père de famille de 56 ans dans un centre d’accueil géré par le pouvoir dans le village de Jibrine, au nord d’Alep, la deuxième ville de Syrie que l’armée tente de reprendre totalement à la faveur d’une vaste offensive.

Fawwaz a fui en début de semaine avec ses quatre enfants Sakhour, un quartier contrôlé par les rebelles tombé comme d’autres districts aux mains des troupes du régime et de leurs alliés.

Dans le centre composé de trois bâtiments en béton abritant des centaines de déplacés, une foule d’hommes mais surtout de femmes et d’enfants attend dans le froid avant d’inscrire leur nom pour pouvoir recevoir vivres, matelas et couvertures.

Assis à même le sol, adossé sur sa valise noire, Fawwaz, veut sauver le reste de sa famille après avoir perdu son épouse, morte « de tristesse » selon lui après que leur aîné a été fauché par un obus.

« Le reste de mes enfants ne demandent qu’à vivre en sécurité, ils ont vu la mort à plusieurs reprises », dit ce quinquagénaire, ancien propriétaire d’un magasin de meubles. « Je veux qu’ils connaissent la vie ».

Militaires russes au centre

La mort a hanté les habitants d’Alep-Est, secteur qui échappe au régime depuis 2012 et contre lequel l’armée, appuyée par son puissant allié russe, a lancé offensive après offensive pour le reprendre.

Contrairement aux opérations précédentes, les avions de la Russie ne participent pas à la dernière offensive lancée le 15 novembre, mais ses soldats sont bien visibles au sol.

Dans le centre d’accueil, trois militaires russes distribuent de la nourriture aux familles qui ont vécu de graves pénuries en raison du siège imposé depuis quatre mois au bastion rebelle.

Une file attend patiemment pour obtenir un plat chaud préparé, selon un responsable sur place, par des cuisiniers syrien, russe et iranien: du riz, de la viande, du pain, des oeufs, des tomates, de la moujaddara (mets traditionnel fait à base de lentilles).

Une soupe est servie d’une grande marmite placée à bord d’un véhicule sur lequel flotte un drapeau russe.

Nawwara, 14 ans, compte le nombre de gens devant elle, impatiente de goûter à ce premier repas.

La veille encore, elle était dans un quartier rebelle avant que sa mère ne décide de fuir. « Elle m’a dit ‘On part' », raconte la fillette se rappelant avoir vu de sa chambre les voisins eux aussi quitter la zone d’un pas pressé.

Outre la nourriture, certains déplacés découvrent des services de base devenus un luxe pour eux.

« Pour la première fois, j’ai pu me réchauffer », confie Abdel Latif, 56 ans, arrivé mercredi au centre de Jibrine avec sa femme et cinq autres membres de sa famille.

– ‘Plus longues heures de ma vie’-

« Cela faisait trois ans qu’on n’avait plus de carburant chez nous », confie-t-il, en se chauffant les mains près d’un feu.

D’autres sont encore éprouvés par leur longue traversée des zones rebelles vers les zones gouvernementales.

Etirant ses jambes, Oum Mounir, 55 ans, se dit épuisée après sa sortie de Massaken Hanano, premier quartier rebelle à tomber. « Le trajet à pied a duré six heures, les heures les plus longues de ma vie ».

« On allait de quartier en quartier jusqu’à notre arrivée aux barrages de l’armée », ajoute-t-elle, tremblant de froid.

Ereintés par cette longue marche, les déplacés arrivent à bord de bus à Jibrine où les attendent des convois du Croissant rouge syrien, des ambulances et des associations caritatives.

On leur dispense les premiers soins et les blessés les plus graves sont évacués.

Pour les rebelles qui ont rendu les armes, le processus est plus compliqué.

Des soldats syriens inscrivent le nom des hommes et conservent leurs papiers pour s’assurer s’ils ont fait leur service militaire ou s’ils sont recherchés.

« Les rebelles doivent d’abord régulariser leur situation et ensuite l’Etat prendra les mesures adéquates » explique l’adjoint du gouverneur d’Alep, Abdel Ghani Kassab, après une tournée dans le centre.

« Au début j’avais peur que l’armée ne m’arrête mais je n’avais pas beaucoup de choix », dit Ahmad, un rebelle de 40 ans sorti de Sakhour et qui attend au centre de Jibrine d’être fixé sur son sort.

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