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Brigitte Macron trace sa voie

Le Vif

L’épouse du président veut s' »engager, être à l’écoute des Français », sans pour autant renoncer à sa vie de famille. Récit des premiers pas.

 » Le tee-shirt Brigitte ? Désolé, il ne nous reste que du XL. Tout est parti hier !  » Le modèle fait un tabac. Le magasin parisien du Marais qui a eu l’idée d’imprimer le prénom de la première dame sur un vêtement dit avoir vendu une centaine de pièces en une seule journée, au début de juillet. Depuis, il propose non seulement le tee-shirt, mais aussi… le sac assorti.

Vous ne voulez pas avoir Brigitte sur le dos ? Vous pouvez l’avoir juste à l’épaule. Vous voulez tout savoir d’elle ? Pas une semaine, ou presque, sans qu’un magazine français lui consacre sa Une : Brigitte Macron va à la plage avec ses petits- enfants, Brigitte Macron fait du vélo au Touquet, Brigitte Macron ouvre les portes de  » son Elysée intime « , Brigitte Macron  » impose son style « . L’épouse du président français suscite décidément un incroyable engouement. Elle fait vendre ; elle fait parler, en témoigne le buzz qui a suivi la publication d’un article dans La Parisienne, le 6 juillet, sur ses premiers pas au Palais. Elle fait écrire : son plus proche collaborateur, Pierre-Olivier Costa, confirme que l’épouse du chef de l’Etat reçoit encore, plus de deux mois après son installation rue du Faubourg-Saint-Honoré, environ 140 lettres par jour ; au bout du même laps de temps, indique-t-il à titre de comparaison, Carla Bruni-Sarkozy n’en recevait plus qu’une trentaine.

Ces courriers, précise son cabinet (deux collaborateurs et deux secrétaires), permettent d’abord à Brigitte Macron de mieux cerner ce que les Français attendent d’elle. C’est une période  » pragmatique  » : elle réfléchit à la meilleure manière d’être  » utile aux Français  » et, bien entendu,  » à [s]on mari « . Conserver le recul qu’il n’a pas, être plus à l’écoute du pays qu’il ne peut l’être pour lui faire remonter une parole sans filtre, rester hors du cercle des courtisans, hors du temps gouvernemental, garder sa liberté de ton et sa spécificité : la femme du président de la République semble avoir une idée bien arrêtée de son rôle, même si, pour l’instant, les contours de son statut demeurent flous. Identifiée sur les thèmes de l’éducation et du handicap, elle dit qu’elle veut trouver des solutions, comprendre de quelle manière la société doit se transformer pour accueillir des personnes différentes et mieux intégrer ces différences.

La première dame de France n'a pas renoncé à ses slims moulants. Ici, le couple présidentiel reçoit Arnold Schwarzenegger à l'Elysée, le 23 juin.
La première dame de France n’a pas renoncé à ses slims moulants. Ici, le couple présidentiel reçoit Arnold Schwarzenegger à l’Elysée, le 23 juin.© MUSTAFA YALCIN/ANADOLU AGENCY/AFP

En attendant que sa fonction et ses attributions soient plus clairement définies, sans doute après l’été, Brigitte Macron multiplie les déplacements discrets. Elle a visité l’institut Gustave-Roussy, à Villejuif (au sud-est de Paris), pour évoquer la scolarisation des enfants hospitalisés, discutant notamment avec deux jeunes filles qui passaient leur bac cette année. A Villeurbanne (près de Lyon), elle a rencontré des adolescents et leurs familles chez Constant & Zoé, une start-up qui s’est spécialisée dans la fabrication de vêtements adaptés aux personnes en situation de handicap ; pendant une heure, elle a parlé avec Louna, clouée dans un fauteuil, qui supporte mal le nombre de manipulations nécessaires pour enfiler une chemise vendue dans le commerce, ou encore avec David, infirme moteur cérébral, qui apprécie qu’on lui propose, à lui aussi, des habits  » jolis « . A la fin de la visite, la femme du chef de l’Etat a quitté des familles peu habituées à être ainsi écoutées, donc d’autant plus sensibles à sa disponibilité.

Le chef de l'Etat et son épouse, au Touquet, le 17 juin dernier.
Le chef de l’Etat et son épouse, au Touquet, le 17 juin dernier.© P. WOJAZER/REUTERS

Tout est filtré

Pour ce qui est public, Brigitte Macron gère sa communication comme son mari : tout est contrôlé. Son cabinet diffuse l’information, précise la volonté de ne pas empiéter sur les attributions des différents ministères et l’absence de domaine réservé, souligne que des rendez-vous ont été organisés avec les détenteurs des portefeuilles qui l’intéressent, l’Education, la Santé, le Handicap. Tout est filtré, trié, soigneusement distribué. La plupart des photos de la première dame de France sont diffusées par Bestimage, l’agence people de son amie Michèle Marchand, qui a la quasi exclusivité des clichés de Brigitte Macron : dans le numéro de Gala consacré à la manière dont Brigitte Macron a  » déjà changé le palais présidentiel « , on la voit aussi bien assise à son bureau, un meuble qu’elle a choisi contemporain et signé par la créatrice Matali Crasset, qu’à l’exposition du peintre David Hockney au Centre Pompidou.

En France, à l’étranger, tout le monde veut la voir, la saluer, la prendre en photo, tout le monde veut la rencontrer. Les membres du CIO, par exemple, ont souhaité qu’elle soit présente à Lausanne, le 10 juillet, pour défendre la candidature de Paris à l’accueil des Jeux olympiques de 2024. Brigitte Macron travaille ainsi régulièrement avec la cellule diplomatique de l’Elysée, préparant les sommets de l’Otan, du G7, du G20, ou simplement les déplacements au cours desquels elle accompagne le président. Sur place, comme en France, la moindre de ses tenues fait l’objet d’analyses : la longueur de sa robe, la couleur de son jean, la taille des talons de ses escarpins, la forme de sa veste, chignon ou pas chignon, tout est sujet à discussion.

 » Elle a l’habitude. Elle a connu pire pendant la campagne « , assurent ses collaborateurs. Depuis que Macron s’est déclaré, elle n’a pas été épargnée ; elle continue d’ailleurs de susciter des remarques sexistes, misogynes, voire carrément odieuses sur son âge, sa coiffure, son poids, son allure. Rien ne semble pourtant la toucher : elle n’a pas renoncé à ses slims moulants, aux manches courtes, à la blondeur de sa couleur, au maquillage charbonneux de ses yeux.

Un agenda bientôt public

Elle a conservé sa place auprès de son mari, presque toujours présente mais régulièrement en retrait, comme lorsque le couple reçoit Arnold Schwarzenegger à l’Elysée. Elle semble n’avoir aucune difficulté, à l’inverse de celles qui l’ont précédée, à trouver sa place au Palais : bientôt, pour une question de transparence, une partie de son agenda sera publique et ses déplacements donneront lieu à des comptes rendus officiels. D’ici peu, elle sera presque aussi suivie que lui.

 » Michelle Obama à la française « , entend-on souvent. Non, répond son cabinet : Brigitte Macron compte s’engager au service de plusieurs causes, quand la femme de l’ex-président des Etats-Unis s’est consacrée, toutes ces années, au problème de l’obésité des adolescents.

Grand-mère idéale, épouse parfaite, première dame accomplie, celle qu’on nous raconte et qu’on nous montre aujourd’hui a toutes les qualités. Brigitte Macron n’en est sûrement pas dépourvue, mais, femme de Jupiter ou simple mortelle, un jour ou l’autre, la mise en scène de soi-même s’ouvre sur l’envers du décor. C’est ce jour-là qu’il faut avoir bien préparé.

Par Elise Karlin.

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