Jacques De Decker

Brexit: un divorce en solitaire

On nous parle du Brexit comme d’un divorce. Il n’est rien de plus faux. D’abord parce qu’un seul intervenant s’est déclaré en l’occurrence. Ensuite parce que les partenaires, de toute manière, ne sont pas, comme dans un couple, de statut égal.

Ici, les parties en présence sont d’une part un membre, de l’autre l’organisation dont il décide se retirer. En aucun lieu il ne s’agit d’un conflit égal, comme dans le cas de la dissolution d’un mariage. La Grande Bretagne n’est pas mariée avec l’Europe, elle a seulement provisoirement (et très singulièrement dans la manière) opté pour une adhésion à sa structure, et est à présent enjointe d’en sortir selon l’avis de la majorité de ses citoyens.

Ce mécanisme ne laisse pas de frapper par son amateurisme. Une décision de ce genre peut-elle se prendre à la majorité simple, d’abord? Ne devrait-on pas admettre qu’en l’occurrence la compétence de ses votants est largement variable? Un électeur qui n’a jamais ouvert les pages d’information internationale d’un journal est sensé en savoir autant sur la question qu’un expert en droit public comparé. Il va de soi que ce simple rapprochement illustre le grotesque de la procédure.

Brexit: Ne devrait-on pas admettre que la compétence de ses votants est largement variable?

L’illustration de cette aberration est démontrée par la diversité des motivations des vainqueurs du scrutin de ce funeste jeudi, dont il y a gros à parier qu’il pèsera lourdement sur l’avenir non seulement des Britanniques, mais de tous les citoyens du monde. Il serait oiseux de tenter d’énumérer ce que ce score, obtenu en période de compétition sportive continentale, et moins autorisé, contrôlé et vérifié que la plus dérisoire rencontre footballistique, aura pour conséquence sur les conditions de vie de chacun d’entre nous.

Comment une idée aussi sotte a-t-elle pu être conçue par un homme politique dont le rôle devrait démontrer qu’il a été investi de sa fonction en raison de ses évidentes capacités d’homme d’état? Est-ce un signe de maturité politique que de jouer sa propre survie professionnelle sur un coup de poker d’une telle ampleur, qui va modifier, à l’intérieur et à l’extérieur du pays où il a été risqué, le sort de millions de citoyens? Nous assistons, dans le chef du locataire du 10 Downing Street, à un geste d’une irresponsabilité dont l’Histoire n’a guère d’équivalent, du moins dans le cadre d’un mécanisme réputé démocratique.

« Le sommeil de la raison engendre des monstres », a illustré Goya. Attendons-nous à les voir déferler de partout En lançant ce défi où la raison n’a pris aucun part, des monstres ont été libérés, dont nous ne savons pas encore l’ampleur de la faculté de nuire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire