Lord-mayor. © Belga

Brexit ou pas, la City résistera, affirme son Lord-mayor

Le vote pour le Brexit a sévèrement secoué la City de Londres mais il ne la fera pas chuter, promet son principal ambassadeur et lobbyiste en chef, le Lord-maire du coeur historique et financier de la capitale britannique.

« Il y a des tempêtes mais nous les surmontons à chaque fois », affirme Andrew Parmley, qui reçoit dans sa résidence officielle de la Mansion House, une grande bâtisse grise située au pied de la station de métro Bank, face à la Banque d’Angleterre.

Si Londres n’a un maire que depuis l’an 2000, le Lord-maire préside depuis huit siècles déjà à la destinée de ce pré-carré où ne résident que quelque 8.000 personnes, mais qui accueille chaque jour plus de 450.000 salariés dans la banque et la finance principalement.

M. Parmley, 60 ans, est le 689ème Lord-maire de la City. Il a pris officiellement ses fonctions le 11 novembre, dans un environnement qui « présente certains défis », euphémise-t-il, en référence au vote des Britanniques pour quitter l’Union européenne.

Car cette décision a sonné comme un coup de tonnerre dans le ciel du « Square Mile », qui n’a qu’une crainte : perdre son statut de principal centre financier mondial avec New York.

Outre l’incertitude qui entoure les négociations, jamais bonne pour les affaires, la principale inquiétude de la City est la perte du « passeport » européen, un dispositif qui permet de vendre un produit financier dans l’ensemble de l’UE après l’approbation d’un seul des 28 régulateurs nationaux.

Ce qui pourrait pousser certains groupes à déménager ou relocaliser une partie au moins de leurs activités sur le continent, pour conserver ce « passeport ».

Après le passeport européen, le visa londonien?

« Certaines entreprises projettent de déménager des activités, indubitablement », dit M. Parmley. Mais « jusqu’ici personne n’a annoncé qu’il allait quitter Londres. La plupart des gens sont dans l’expectative », se rassure-t-il.

Cinq mois après le référendum du 23 juin, le gouvernement se refuse en effet à donner le moindre indice sur comment il entrevoit la future relation du Royaume-Uni avec l’UE. La Première ministre conservatrice Theresa May a promis que les négociations de sortie démarreraient avant la fin mars 2017. D’ici là, il faudra patienter.

« Nous aimerions que les choses s’accélèrent un peu, avoir une plus grande clarté, une plus grande certitude sur ce que le gouvernement nous offre », explique M. Parmley.

En attendant de voir « la fumée blanche » sortir de Whitehall, ses services « travaillent très étroitement avec le gouvernement pour évaluer la situation ». Et faire valoir les intérêts des 17.000 entreprises de la City et des autres hubs financiers du pays, qu’il représente aussi.

Jugeant « très peu probable » la possibilité de conserver le passeport européen dans sa forme actuelle, M. Parmley espère « que le gouvernement pourra nous offrir quelque chose qui y ressemble ou trouve un moyen de faciliter les affaires avec nos collègues européens ».

Le maire de Londres Sadiq Khan « a évoqué un visa londonien, nous discutons d’une série de visas régionaux », souligne-t-il.

La City est également « très inquiète » de perdre les activités de compensation en euros – soit le rôle d’intermédiaire entre le vendeur et l’acheteur de produits financiers libellés dans la monnaie de la zone euro – dont dépendent 83.000 emplois au Royaume-Uni selon le Financial Times.

Face aux appétits affichés entre autres par Francfort, Paris ou Amsterdam, qui comptent bien récupérer une partie du gâteau, M. Parmley estime que ces villes ne peuvent pas rivaliser en termes d’infrastructures notamment.

« Nous avons les bâtiments, nous avons les gens », sans compter l’argument de l’anglais, la langue des affaires, énumère-t-il.

L’offre culturel et éducative fait aussi partie de l’attrait de Londres, souligne-t-il. « Les gens qui viennent vivre et travailler ici savent que lorsqu’ils ne sont pas au bureau, il y a plein d’autres choses à faire, que leurs enfants seront bien éduqués. »

Intronisé lors d’une cérémonie grandiose qui a traversé les âges et constitue chaque année l’une des attractions touristiques majeures de Londres, M. Parmley veut aussi croire en l’immuabilité d’une City qui saura rebondir une nouvelle fois. Pourquoi pas en tournant ses regards ailleurs, « vers les pays émergents que nous avons peut-être négligés ».

Le Lord-maire de la City de Londres, un Etat dans la ville

Depuis plus de 800 ans, le Lord-maire de la City de Londres règne sur ce territoire d’un peu moins de trois kilomètres carrés, coeur historique et économique de la capitale britannique.

La fonction -différente de celle du maire de Londres, le travailliste Sadiq Khan- remonte à 1189, sous le règne de Richard Coeur de Lion.

Le Lord-mayor est élu chaque année par les 25 échevins de la City, eux-mêmes désignés pour six ans, à raison d’un par quartier de la City (ou Ward).

Comme ses prédécesseurs depuis la Grande Charte du Roi Jean de 1215, Andrew Parmley, 60 ans, 689ème Lord-maire de la City, a dû se rendre le deuxième samedi de novembre devant les Cours de Justice Royales, à la frontière entre le quartier de Westminster et la City, pour prononcer son serment devant des représentants de la Reine.

Cette parade à bord d’une barque puis d’un carrosse doré tiré par six chevaux -qui trône le reste de l’année au Musée de Londres- et précédé d’un défilé de plusieurs milliers de figurants, a culminé avec un feu d’artifice.

Pour l’occasion, Andrew Parmley a revêtu le traditionnel manteau rouge doublé d’hermine, le chapeau à plume noire et un collier d’or avec camée et diamants.

Un rite somptueux et immuable, retransmis en direct par la BBC, qui contraste avec la modernité et le dynamisme de la place financière londonienne.

« Ce dont les gens se rappellent, c’est le carrosse doré et les vêtements un peu bizarres. Mais il s’agit de business, pas de déguisement », s’amuse Andrew Parmley, qui a mis entre parenthèses son poste de directeur d’une école privée de Londres pour prendre ses fonctions.

Son travail, pendant un an, va être de promouvoir les services financiers de la City et du reste du Royaume-Uni, dans le pays -et en particulier auprès du gouvernement et des parlementaires- et à travers le monde. Pendant son office, il devra prononcer pas moins de 800 discours, visiter 30 pays et recevoir les figures de la finance dans sa résidence officielle de la Mansion House.

Le Lord-maire et son conseil ont également autorité sur la police, les écoles, les marchés, la voirie, le port et les ponts de la City. A la tête d’un immense patrimoine immobilier et culturel, quatrième sponsor culturel du pays derrière la BBC notamment, il gère aussi de nombreux espaces verts hors de la City, comme l’immense parc de Hampstead Heath dans le nord de la ville.

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