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Brexit: Les failles du système électoral de nouveau sous les projecteurs

Le Vif

Certains aspects du système « feraient honte à une république bananière », avait accusé en 2005 le juge britannique Richard Mawrey, après la condamnation de six élus travaillistes dans un cas de fraude massive via des votes par correspondance.

Mercredi, le député conservateur Bernard Jenkin, pro-Brexit, a vivement dénoncé la panne de mardi, survenue peu avant la clôture officielle des inscriptions en ligne sur les listes électorales, qui a conduit le Parlement à prolonger le délai jusque jeudi soir. « Si cela se produisait dans une jeune démocratie issue de l’Union soviétique ou en Afrique, que dirions-nous de cette élection?« , s’est-il emporté. Le quotidien The Guardian a estimé que « le désastre de mardi soir aurait pu et aurait dû être anticipé« .

« Le problème est que le système a été conçu pour l’époque victorienne. Nous avons essayé de le moderniser mais il est imparfait« , explique à l’AFP Stuart Wilks-Heeg, directeur du département de science politique de l’université de Liverpool et spécialiste du système électoral britannique.

Source de bien des problèmes: l’absence de carte d’identité au Royaume-Uni, associée à un recensement de la population peu fiable, empêche la constitution d’un registre électoral national. Ainsi, l’inscription sur les listes électorales n’est pas automatique d’une élection à l’autre, ce qui oblige les Britanniques à s’enregistrer chaque année.

Un système basé sur la confiance

Autre spécificité du système électoral, il est possible d’aller voter sans carte d’électeur ni document d’identité: il suffit de décliner son nom et son adresse pour être autorisé à glisser un bulletin dans l’urne. Or, comme les registres électoraux sont réalisés à l’échelle locale, un électeur possédant plusieurs adresses peut s’inscrire dans différentes circonscriptions.

« Le système est très britannique, en ce sens qu’il repose en grande partie sur la confiance et l’honnêteté » des électeurs, analyse Stuart Wilks-Heeg. Ce n’est pas suffisant, rétorque le Conseil de l’Europe dans un rapport de 2008, affirmant que frauder dans une élection britannique est « une partie de plaisir« . Signe supplémentaire de la pagaille ambiante, en 2014, 7,5 millions de Britanniques n’étaient pas correctement inscrits sur les listes, selon un rapport de la Commission électorale nationale.

La répartition peu claire des compétences entre les organismes, un budget touché par l’austérité budgétaire, une décentralisation très poussée des bureaux de vote et le poids des traditions achèvent de compliquer le système. L’Association britannique des administrateurs électoraux (AEA), dans un rapport publié après les élections générales de mai 2015, a réclamé que le gouvernement crée « une structure (électorale) efficace et cohérente » pour l’ensemble du pays, appelant également à une hausse des financements.

La singularité du système électoral britannique se manifeste également à travers l’annonce des résultats. Alors que les résultats des présidentielles américaine et française tombent dans la foulée de la fermeture des bureaux de vote, au Royaume-Uni il faut attendre le lendemain matin voire le lendemain soir (comme récemment pour l’élection du maire de Londres) pour connaître les résultats.

Face à ces délais, à Sunderland (nord de l’Angleterre), être le plus rapide possible est devenu un jeu. Des sportifs sont recrutés pour sortir les urnes des camions et les porter jusqu’au centre de dépouillement tandis que des banquiers, auréolés de leur réputation d’agilité à manier les billets, sont invités à compter les bulletins de vote. « Tout le monde ne fait pas comme Sunderland. Certains font en douze heures ce que d’autres font en deux. En fait, chacun est autorisé à faire à sa façon ce qui est aussi très britannique« , souligne le professeur Wilks-Heeg.

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