La premier ministre polonaise Beata Szydlo, la chancellière allemande Angela Merkel, les premiers ministres belges et luxembourgeois Charles Michel Xavier Bettel © Reuters

Brexit: les dirigeants de l’UE énoncent leurs lignes rouges face à Londres

Le Vif

Les dirigeants de l’Union européenne, réunis pour la première fois en plus de 40 ans sans le Royaume-Uni, ont édicté mercredi à Bruxelles leurs lignes rouges pour le divorce à venir avec Londres, en particulier sur l’accès au marché unique.

Ils ont en revanche renvoyé la poursuite de leurs discussions sur l’avenir de l’UE à un prochain sommet à 27 mi-septembre à Bratislava, la capitale de la Slovaquie, qui prend vendredi la présidence tournante du bloc.

Six jours après le référendum qui a vu 52% des Britanniques opter pour le Brexit, les Européens ont averti que le Royaume-Uni ne pourrait pas conserver sans contreparties les avantages du marché unique. « Il n’y aura pas de marché unique à la carte », a résumé le président du Conseil européen, Donald Tusk, rejetant toute velléité de Londres de restreindre la libre circulation des personnes.

Pour conserver le droit de commercer sans entraves avec ses voisins, essentiel à l’économie britannique, Londres devra « accepter les quatre libertés » fondamentales du marché unique, « y compris la liberté de mouvement », a-t-il expliqué.

Les Européens ne tolèreront « aucune exception » à cette règle, a martelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Selon le président français François Hollande, Londres devra aussi « contribuer financièrement » en échange d’un accès au marché européen.

Le Premier ministre conservateur britannique David Cameron a laissé à son successeur, qui doit être choisi le 9 septembre, la responsabilité d’engager la procédure formelle de sortie du Royaume Uni de l’UE.

Deux années sont prévues pour la négociation. Mardi soir, M. Cameron avait estimé qu’une « réforme de la libre circulation des personnes » au sein de l’UE constituait « la clé pour rester proche » de l’Union.

Tentant d’expliquer son cuisant échec au référendum du 23 juin, il avait souligné le rôle joué dans la campagne par le thème de l’immigration, notamment d’Europe de l’Est, brandi comme un chiffon rouge par les partisans du Brexit.

Tourmente politique à Londres

Les 27 ont à nouveau pressé Londres mercredi d’activer « aussi vite que possible » la clause de sortie de l’UE, l’article 50 du Traité de Lisbonne. Ils ont réaffirmé qu’ils n’engageront « aucune sorte de négociation » sans ce préalable.

Devant la Chambre des Communes, David Cameron a toutefois estimé que cela n’exclut pas forcément « des discussions qu’un nouveau Premier ministre pourrait avoir avec des partenaires, voire avec les institutions » européennes.

Préoccupés du risque d’une contagion du Brexit à d’autres pays, les Européens entendent limiter la marge de manoeuvre du prochain chef du gouvernement britannique dans les pourparlers.

La campagne pour désigner le successeur de M. Cameron s’est engagée mercredi au sein du Parti conservateur. La bataille a toutes les chances d’opposer l’ex-maire de Londres Boris Johnson, chef de file des pro-Brexit, à l’actuelle ministre de l’Intérieur Theresa May, eurosceptique mais qui avait défendu le maintien du pays dans l’UE.

Le Brexit a plongé le Royaume Uni dans une tourmente politique sans précédent, ravivant notamment l’hypothèse d’une sécession de l’Ecosse, majoritairement pro-européenne. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, venue à Bruxelles mercredi évaluer les chances de l’Ecosse de s’arrimer à l’UE en tant qu’entité indépendante, a été reçue par les présidents de la Commission et du Parlement européens. La dirigeante indépendantiste s’est dite « encouragée » par ses discussions, mais a reconnu qu’il n’y aurait « pas de voie facile » pour parvenir à ses fins.

L’Espagne et la France ont néanmoins quelque peu douché les espoirs d’Edimbourg.

Confronté à la menace indépendantiste de la Catalogne, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, a exclu que l’Ecosse puisse être associée à la moindre négociation post-Brexit avec l’UE. « Les traités (européens) sont contre. Si le Royaume-Uni part, l’Ecosse partira des institutions » de l’UE, a-t-il argumenté. « La négociation se fera avec le Royaume-Uni, pas avec une partie du Royaume-Uni », a abondé François Hollande.

‘Eviter la dislocation’

Les dirigeants des 27 ont aussi fort à faire pour « éviter la dislocation », a constaté le président français.

L’Union, où l’extrême droite et les mouvements populistes ont le vent en poupe, est déjà fragilisée par une succession de crises, notamment migratoire, qui continue de les diviser comme jamais.

Depuis un an, la fracture est particulièrement profonde avec la plupart des pays de l’Est qui refusent de mettre en oeuvre les solutions collectives d’accueil de réfugiés décidées à Bruxelles. Les Européens vont se retrouver le 16 septembre à Bratislava pour tenter de trouver des terrains d’entente. « La situation est très grave, mais nous croyons que les 27 peuvent gérer », a souligné la chancelière allemande Angela Merkel. « Nous sommes décidés et déterminés à rester unis pour répondre aux défis. » « Rien ne serait plus grave que le statu quo (exploité par les) populistes. Rien ne doit empêcher l’Europe d’avancer », a estimé M. Hollande.

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui s’était entretenu lundi avec M. Cameron, a ajouté à la confusion post-Brexit en affirmant « qu’il y a un certain nombre de moyens » pour renverser la décision britannique de sortir de l’UE, sans souhaiter « les exposer aujourd’hui ».

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