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Brexit: la frontière irlandaise, un casse-tête hasardeux

Le Vif

Le casse-tête de la frontière irlandaise peut-il être résolu? Londres et Bruxelles ont affiché mercredi des divergences profondes, menaçant de faire dérailler un projet d’accord sur le Brexit et d’ébranler l’Accord de paix de Belfast.

Le Royaume-Uni comme l’Union européenne affirment vouloir éviter le rétablissement d’une frontière « dure » entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande voisine, membre de l’UE, après la sortie britannique du giron européen fin mars 2019. Il s’agit de préserver, après le Brexit, l’accord du Vendredi saint de 1998 ayant mis fin il y a vingt ans à trois décennies d’affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes nord-irlandais en renforçant les liens entre les deux territoires.

Mais la convergence de points de vue s’arrête là sur ce qui constituera à l’avenir la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’UE. « Il semble que nous nous dirigions vers une situation ridicule où nous arriverons au moment du retrait sans solution », a résumé Paul Breen, maître de conférence à l’université de Westminster, interrogé par l’AFP.

Ligne rouge

Pour la Commission européenne, la solution pourrait passer in fine par le maintien de l’Irlande du Nord dans une union douanière avec l’UE, selon un projet de traité scellant le Brexit publié mercredi et traduisant en langage juridique un compromis conclu en décembre 2017. En clair, l’Irlande du Nord resterait en « alignement complet » avec la République d’Irlande, membre du marché unique européen et de l’union douanière, si aucune autre option ne se concrétisait, notamment celles avancées par Londres d’un nouveau partenariat commercial ou d’un recours à la « technologie » pour réduire les contrôles frontaliers.

Une ligne rouge infranchissable pour le gouvernement britannique, qui y voit une atteinte à son intégrité territoriale alors qu’il compte quitter l’union douanière et le marché unique pour pouvoir négocier ses propres accords commerciaux. « Le projet d’accord publié par la Commission, s’il est mis en oeuvre, nuirait au marché commun britannique et menacerait l’intégrité constitutionnelle du Royaume-Uni en créant une frontière douanière et réglementaire en mer d’Irlande et aucun Premier ministre britannique ne l’acceptera », a déclaré la Première ministre conservatrice Theresa May devant le Parlement.

En décembre, Londres avait accepté le principe d’un « alignement complet » avec les règles européennes en l’absence d’accord final sur l’Irlande mais il s’agissait d’une obligation de résultat et pas de moyens, a rétorqué un porte-parole de Theresa May. « Cela ne nécessite pas d’harmonisation réglementaire », a-t-il affirmé.

« Responsabilité britannique »

Pour Magdalena Frennhoff Larsen, maître de conférence à l’université de Westminster, le gouvernement britannique était surtout pressé de pouvoir passer à la prochaine phase de négociations avec Bruxelles. « Le Royaume-Uni voulait vraiment que le Conseil européen constate que des progrès suffisants avaient été réalisés » dans les discussions « afin de passer aux négociations commerciales », a-t-elle dit à l’AFP.

Son collègue Paul Breen estime que la position britannique pourrait mener le pays droit au mur et raviver les divisions sur l’île d’Irlande. « Personne du côté britannique n’a présenté de solution pratique, tout est très vague », constate-t-il. Il l’explique par une méconnaissance de la réalité irlandaise à Londres, mais aussi la volonté de Theresa May de ne pas froisser le parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP, de qui dépend sa majorité parlementaire et qui a jugé le projet de traité « constitutionnellement inacceptable ». « Le DUP (…) et le Parti conservateur semblent déterminés à se retrouver avec une frontière dure (…). Cela met tout simplement en danger tout l’accord du Vendredi saint », a-t-il estimé.

D’autant plus que le chef de la diplomatie Boris Johnson, partisan d’un Brexit sans concession, a jeté le doute sur la position britannique. « Il est faux de considérer que la tâche consiste à ne maintenir aucune frontière« , a-t-il écrit dans un document de travail adressé à Theresa May et dont la chaîne Sky News a obtenu copie, minorant l’éventuel impact sur les relations commerciales.

L’ancien Premier ministre conservateur John Major a estimé mercredi qu’il revenait au Royaume-Uni de présenter « urgemment » une solution. « C’est notre responsabilité britannique d’en trouver une; nous avons créé le problème, pas l’Union européenne ».

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