David Cameron. © Belga

Brexit: Cameron fait plier l’UE… mais doit encore convaincre les Britanniques

Le Vif

David Cameron, fort de l’accord obtenu à Bruxelles avec ses 27 homologues européens sur les réformes qu’il réclamait, repart à Londres dans l’espoir de convaincre les Britanniques de rester dans l’Union, lors d’un référendum fixé le 23 juin.

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Avec ce compromis en main, arraché au terme d’une deuxième soirée de sommet, le Premier ministre britannique va désormais plaider pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE, dans la perspective d’un référendum qui se tiendra 23 juin.

« Je pense que cela suffit pour recommander que le Royaume-Uni reste dans l’UE », a-t-il déclaré vendredi soir, évoquant « un moment historique » pour son pays.

David Cameron doit maintenant s’atteler au plus dur: convaincre les Britanniques de voter en faveur du maintien dans l’UE.

« Je ferai campagne avec tout mon coeur et toute mon âme pour persuader le peuple britannique de rester dans l’Union européenne réformée », a martelé M. Cameron, qui joue là sa place dans l’Histoire.

La partie s’annonce très délicate: avec 53%, les Britanniques partisans d’une sortie de l’UE devançaient en janvier ceux d’un maintien (47%), selon un sondage de l’institut Survation.

Le conseil des ministres — le premier à être organisé un samedi depuis la guerre des Malouines — sera l’occasion pour David Cameron de compter ses soutiens et ses opposants alors que plusieurs de ses ministres penchent pour le Brexit.

Son ministre de la Justice, Michael Gove, a d’ores et déjà annoncé sa volonté de faire campagne pour une sortie de l’UE, selon Cameron qui s’est dit « déçu mais pas étonné ».

« Félicitations Michael Gove », a tweeté le magnat des médias Rupert Murdoch, notamment propriétaire du Sun et du Times, saluant un ministre qui fait passer « ses principes avant ses amitiés personnelles ».

« Accord pathétique »

David Cameron doit faire face à un puissant courant eurosceptique dans son propre parti et les noms du ministre du Travail Iain Duncan Smith et de la secrétaire d’Etat à l’Emploi Priti Patel circulent comme d’autres potentiels partisans d’un Brexit.

Du côté des eurosceptiques convaincus, comme le chef du parti europhobe et anti-immigration Ukip, Nigel Farage, la messe est déjà dite. « C’est un accord vraiment pathétique », a jugé ce dernier. « Quittons l’UE, contrôlons nos frontières, dirigeons notre propre pays et arrêtons de donner 55 millions de livres tous les jours à Bruxelles. »

« Je crois en la Grande-Bretagne. Nous sommes assez compétents pour être une nation indépendante et autonome en dehors de l’UE. C’est une chance en or », a-t-il déclaré, reflétant la vision de tous ceux qui pensent que le Royaume-Uni s’en sortirait mieux en dehors du bloc des 28.

« Nous devrions nous méfier de ceux qui prétendent que quitter l’Europe conduit automatiquement au pays de Cocagne », a prévenu vendredi soir David Cameron. « Nous devons prendre du recul et examiner attentivement ce qui est le mieux pour la Grande-Bretagne, et le mieux pour notre avenir ».

Le dirigeant va devoir mener « une lutte acharnée » pour convaincre ses compatriotes, a prévenu le quotidien The Times, affichant son scepticisme face à l’accord obtenu à Bruxelles comme la plupart des titres de la presse britannique — à l’exception du Guardian et du Financial Times.

« Statut spécial »

L’accord, adopté après un premier échange de vues jeudi soir et une journée d’intenses tractations vendredi, « renforce le statut spécial de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne », a dit le président du conseil européen, Donald Tusk.

Mais cela sans « dérogation aux règles » européennes, a souligné François Hollande. « Il n’y a pas de révision prévue des traités et de droit de veto du Royaume uni sur la zone euro, ce qui pour la France était très important », a ajouté le président français.

Il s’agissait d’une « ligne rouge » à ne pas franchir pour la France, mais aussi la Belgique ou le Luxembourg. « Il n’y aura pas de veto et le texte (de l’accord) le dit très clairement », a insisté le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

« C’est un compromis équitable, qui ne nous a pas été facile sur chaque problème », a souligné la chancelière allemande Angela Merkel, en estimant que les partenaires de M. Cameron n’avaient « pas fait trop de concessions ».

Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi s’est contenté d’un commentaire désenchanté, jugeant nécessaire de parler de l’avenir de l’Europe et pas seulement de la place qu’y prennent les Britanniques « parce qu’il y a un risque qu’on perde de vue le rêve européen originel ».

‘Proposition équitable’

« Accord. Soutien unanime pour un nouveau pacte pour #UKinEU », à savoir le Royaume-Uni dans l’Union européenne: le tweet de Donald Tusk est tombé vers 22H30, mettant fin à deux journées de haute tension dramatisée, peut-être surjouée.

C’est « la fin du feuilleton », relevait, avec une pointe d’ironie, la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite, également sur le réseau social.

Les dirigeants des 28, réunis à Bruxelles depuis jeudi, venaient tout juste de se retrouver autour d’une même table avec en mains un nouveau projet de compromis.

Une proposition « très équitable et équilibrée », « proposant une solution à chaque problème », de l’avis d’un responsable européen.

Depuis le 2 février, Donald Tusk d’un côté, David Cameron de l’autre, tentaient de convaincre tous les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE d’accepter les nouveaux termes de l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union, incluant des réformes sur la souveraineté ou l’immigration.

Pugnace

Dans l’après-midi vendredi, « un éventail de problèmes était encore en jeu », d’après un responsable britannique.

La tension était parfois surjouée, entretenue par des dirigeants s’adressant au moins autant à leur opinion publique qu’à leurs pairs européens.

« Je ne conclurai un accord que si nous obtenons ce dont la Grande-Bretagne a besoin », avait martelé David Cameron, qui a cultivé l’image d’un dirigeant pugnace face à ses pairs.

La Grèce avait aussi alimenté le suspense vendredi à la mi-journée en menaçant de bloquer un accord avec M. Cameron si ses partenaires européens venaient à fermer leurs frontières avant la date du prochain sommet UE-Turquie consacré à la crise migratoire, prévu début mars.

L’arrivée de plus d’un million de migrants en Europe en 2015 a fait réagir certains pays d’Europe centrale qui ont imposé des restrictions sur leurs frontières, jugeant Athènes incapable de gérer le flot.

La perspective d’une sortie du Royaume-Uni (un « Brexit ») faisait d’autant plus trembler l’Union européenne, qu’elle est déjà ébranlée par cette crise migratoire sans précédent depuis 1945.

Désormais David Cameron va devoir convaincre du bien fondé de son compromis. La partie s’annonce délicate. Avec 53%, les Britanniques partisans d’une sortie de l’UE devançaient en janvier ceux d’un maintien (47%), selon un sondage de l’institut Survation.

Reprenant les points négociés avec ses partenaires européens, M. Cameron s’est notamment flatté vendredi soir d’avoir obtenu de nouvelles restrictions sur l’accès au système d’aides sociales pour les migrants intra-européens, un sujet qui irritait notamment les pays d’Europe centrale et de l’Est, dont de nombreux ressortissants vivent au Royaume-Uni.

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