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Brexit: Bruxelles loupe l’Autorité bancaire et l’Agence du médicament

Amsterdam et Paris ont obtenu lundi les sièges de l’Agence européenne des médicaments et de l’Autorité bancaire européenne. Ce sont « de très belles localisations » pour la Belgique, a réagi le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders. Bruxelles, candidate pour les deux agences, n’a obtenu que cinq voix à chaque fois.

« Amsterdam est au sein du Benelux, on y parle néerlandais, Paris est à à peine plus d’une heure en TGV de Bruxelles, et on y parle français », s’est réjoui le ministre, qui a félicité les lauréats à l’issue des votes.

Amsterdam l’a emporté au tirage au sort face à Milan (Italie), les deux villes ayant obtenu chacune 13 votes au troisième tour dans cette bataille pour obtenir le siège de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Un pays s’est abstenu de voter aux deuxième et troisième tours.

Le même scénario s’est peu ou prou répété lors du second vote, pour l’Autorité bancaire européenne. Paris et Dublin (Irlande) se sont retrouvées face à face avec 13 voix chacune, et il a fallu les départager par tirage au sort.

« On se serait cru à un tirage de la Coupe du monde de football, avec une urne et des boules contenant les noms des villes », s’est amusé Didier Reynders.

La déception de voir les deux Agences échapper à Bruxelles n’était pas trop difficile à digérer. « On savait que c’était compliqué de présenter deux candidatures quand on a déjà plusieurs institutions », a reconnu le ministre des Affaires étrangères. Difficile de savoir qui a voté pour la Belgique, et qui s’est défilé. Bruxelles tablait en effet sur sept points, selon une source proche du dossier.

Tous les regards belges vont maintenant se tourner vers la procédure de sélection du nouveau directeur ou de la nouvelle directrice d’Europol. La commissaire générale Catherine De Bolle est candidate, et les ministres belges ne ménagent pas leurs efforts pour convaincre les derniers indécis de la soutenir. « Ca progresse », s’est contenté de dire Didier Reynders lundi soir. « Il y a tellement de choses à discuter. »

Marchandages

Conséquence logique de la décision du Royaume-Uni de quitter l’UE, ces deux déménagements ont aiguisé l’appétit des 27 pays qui en resteront membres, intéressés par l’accueil de ces agences, de leurs employés et de leurs familles, avec toutes les retombées économiques associées.

Pour éviter que cette concurrence ne compromette l’unité que l’UE s’efforce d’afficher depuis l’annonce du Brexit, les 27 avaient imaginé une procédure de vote très complexe, que des diplomates se sont amusés à comparer à l’imprévisible concours télévisé de l’Eurovision.

En coulisses, « il y a eu des marchandages étonnants », selon une source diplomatique, les différents gouvernements tentant de s’assurer le soutien d’autres pays lors du vote de lundi, organisé à bulletin secret en marge d’une réunion ministérielle à Bruxelles.

Au total, 19 villes étaient proposées au départ pour accueillir l’EMA et ses près de 900 employés, chargés d’évaluer et de superviser les médicaments. Trois villes s’étaient toutefois désistées dans la dernière ligne droite avant le vote.

Tirages au sort

La décision finale en faveur de la capitale des Pays-Bas s’est jouée par un tirage au sort, selon une source diplomatique, Amsterdam et Milan ayant reçu le même nombre de points lors d’un troisième tour final.

Les candidatures de Bonn et Lille n’avaient elles récolté que trois points au premier tour, selon une autre source diplomatique –ce qui correspond au nombre de points que chaque pays pouvait accorder lors de ce tour initial à son premier choix.

En Espagne, les conservateurs du Parti populaire au pouvoir et les indépendantistes catalans se sont renvoyé la responsabilité de l’élimination de Barcelone.

En France, le mauvais résultat lillois a déclenché des critiques contre le président Emmanuel Macron, auquel la maire socialiste de la ville, Martine Aubry, et le président de la région Xavier Bertrand (droite) ont reproché un « soutien tardif ».

Mais la France a remporté l’accueil de l’autre agence en jeu, l’EBA, et de ses quelque 170 employés.

La liste des postulants était moins longue pour cette institution, avec huit candidats, dont Francfort et Dublin. A égalité au troisième tour, Paris et la capitale irlandaise ont dû être départagées par un nouveau tirage au sort, ont indiqué à l’AFP des sources diplomatiques.

La Commission européenne avait livré fin septembre une évaluation des candidatures, basée sur des critères comme l’accessibilité des sites ou les perspectives d’emploi pour les conjoints.

Mais elle s’était bien gardée de formuler des préférences, et les Etats membres étaient libres de voter comme ils l’entendaient.

Personnel inquiet

Les candidats avaient mené d’intenses campagnes de communication pour vanter les mérites de leurs villes postulantes. Peu d’éléments ont en revanche filtré sur les « marchandages » plus discrets entre capitales.

Réagissant à des articles de presse, le gouvernement italien a démenti avoir proposé d’augmenter ses contingents militaires dans les pays baltes comme monnaie d’échange pour favoriser la candidature de Milan.

« Nous pensons qu’au moins une des agences devrait aller dans un Etat membre récent », avait estimé lundi matin le secrétaire d’Etat tchèque aux Affaires européennes Ales Chmelar, reflétant le point de vue des pays d’Europe centrale.

La perspective d’un choix politique inquiétait les personnels des agences en question. L’Agence du médicament avait ainsi prévenu dans un rapport qu’un mauvais choix pourrait se traduire par « un taux de rétention du personnel très en dessous de 30% », qui menacerait son fonctionnement.

Le vote complexe qui avait été prévu, à bulletin secret, rendait les pronostics difficiles.

Certains diplomates l’ont comparé ironiquement au concours de chant télévisé de l’Eurovision, dont le vote final est devenu un rituel annuel à l’issue parfois surprenante et suscitant d’insondables alliances.

« Quel que soit le résultat, le véritable vainqueur du vote est l’UE à 27 », avait estimé avant le vote le président du Conseil européen Donald Tusk, estimant que cette décision démontrerait la bonne préparation des Européens avant l’échéance du Brexit, prévue fin mars 2019.

Le déménagement de ces agences est « le premier résultat visible » du Brexit, a réagi de son côté la Commission européenne après le vote.

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