Brésil: Que reproche-t-on à Dilma Rousseff?

Le Vif

La présidente de gauche du Brésil Dilma Rousseff, qui pourrait être destituée dès mardi soir par le Sénat, est accusée par l’opposition d’avoir sciemment maquillé les comptes publics et signé des décrets libérant des dépenses sans l’aval du Parlement.

Manoeuvres budgétaires

Concrètement, le gouvernement de Mme Rousseff a fait supporter provisoirement à des banques publiques des dépenses incombant au gouvernement.

Selon l’opposition, Mme Rousseff a également signé trois décrets engageant des dépenses supplémentaires non-inscrites dans la loi de finances sans demander l’autorisation du Parlement, ce qui est interdit par la Constitution.

Contrairement aux principales figures politiques brésiliennes, Mme Rousseff n’est en revanche pas soupçonnée de corruption à titre personnel, délit qui avait déclenché la procédure de destitution de l’ancien président Fernando Collor de Mello en 1992. Ce dernier avait démissionné la veille du vote au Sénat devant le destituer.

Cela tient-il la route ?

– Oui, répondent les opposants de la présidente. Ils estiment que la présidente a commis « un crime de responsabilité » administrative en violant la loi de finances, l’un des motifs de destitution prévus par l’article 85 de la Constitution brésilienne.

– Non, répondent la présidente Dilma Rousseff et son défenseur José Eduardo Cardozo, ancien ministre de la Justice, arguant notamment que les décrets incriminés n’ont représenté que des réaffectations de dépenses dans le cadre du plafond budgétaire voté par le Parlement.

Mme Rousseff nie donc avoir commis un quelconque « crime de responsabilité » sans lequel elle ne peut être destituée. Elle se dit par conséquent victime d’une tentative de « coup d’Etat » parlementaire.

Elle argue que ses prédécesseurs ont eu recours à ces tours de passe-passe budgétaires sans avoir jamais été inquiétés.

« Il se peut que les conditions politiques soient réunies en raison de la faible popularité et du manque de soutien de la présidente au Parlement. Mais dans notre régime présidentiel, l’impeachment ne doit pas se transformer en vote de défiance car cela pourrait devenir une source d’instabilité pour n’importe quel président à l’avenir », met en garde Thomaz Pereira, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas de Rio.

Destitution annoncée

La destitution de Mme Rousseff est donnée comme pratiquement sûre mais Mme Rousseff a lancé un dernier appel lundi aux sénateurs : « Votez contre la destitution, votez pour la démocratie! ».

Selon les décomptes de la presse brésilienne, plus de 54 sénateurs (les deux tiers requis) voteraient pour sa destitution.

Lundi, un sénateur proche de Mme Rousseff, Lindbergh Farias (Parti des travailleurs, gauche) voulait encore croire au miracle : « Nous avons des sondages internes qui nous montrent le succès énorme de la présidente ».

Il s’agit avant tout d’un procès politique dont l’issue dépend surtout d’un rapport de force au Parlement – le plus conservateur des 50 dernières années -, devenu extrêmement défavorable à Mme Rousseff, avec notamment le passage à l’opposition des partis de centre-droit de la coalition parlementaire hétéroclite de Dilma Rousseff.

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