Face à face, Michel Telmer, Dilma Rousseff © Reuters

Brésil: Michel Temer succède à Dilma Rousseff et compose le nouveau gouvernement

Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir au Brésil pour faire face à une procédure de destitution, un séisme politique qui a plongé le géant d’Amérique du sud dans l’inconnu à l’approche de ses jeux Olympiques. Son vice-président et rival Michel Temer lui a succédé à l’issue d’un vote historique du sénat ayant mis fin à 13 ans de pouvoir consécutif de la gauche.

L’ex-guérillera de 68 ans, emprisonnée et torturée sous la dictature, a rapidement appelé les Brésiliens à « se mobiliser » contre le « coup d’Etat » dont elle se dit victime. « Aux Brésiliens qui s’opposent au coup d’Etat, qu’ils soient de n’importe quel parti, je lance un appel: maintenez-vous mobilisés, unis et dans la paix. La lutte pour la démocratie n’a pas de date finale », a-t-elle lancé, soulignant qu’elle n’aurait « jamais imaginé devoir lutter une nouvelle fois contre un coup d’Etat ».

« Dilma, guerrière, de la patrie brésilienne! », ont scandé ses ministres et ses parlementaires proches rassemblés dans la salle de presse quand elle est apparue. Ce même slogan a été repris par quelque 500 partisans – dont l’ex-président Lula apparemment très ému – lors d’un autre discours, devant le palais présidentiel, entrecoupé des cris « Dehors Temer! ». « Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement mon mandat, c’est le respect des urnes, de la souveraineté du peuple brésilien et de la Constitution », a insisté la chef de l’Etat suspendue pour 180 jours maximum dans l’attente de son jugement final par le Sénat.

Au bout de 20 heures de débats, les sénateurs ont voté tôt jeudi à une large majorité (55 voix sur 81) l’ouverture formelle d’un procès en destitution de l’impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics.

Le nouveau gouvernement

M. Temer, devenu président en exercice jeudi à la faveur de la mise à l’écart de la chef de l’Etat, dans le cadre d’une procédure en destitution pour maquillage des comptes publics, a confirmé une liste de 21 ministres, tous des hommes, mais qui pourrait encore s’allonger.

M. Meirelles, qui remplace Nelson Barbosa, avait été le président de la Banque centrale pendant toute la période de la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

La nomination de cet ingénieur et gestionnaire de 70 ans, adepte des politiques monétaires orthodoxes, est perçue comme un geste envers les marchés, alors que le Brésil travers une crise économique aiguë avec une récession depuis deux ans. Sa désignation à la tête de la Banque centrale par Lula en 2003 avait calmé les marchés inquiets par la prise de pouvoir de l’icône de la gauche latino-américaine.

Longtemps membre du PSDB, le principal parti de droite, il l’a ensuite quitté pour intégrer le grand parti centriste PMDB de Michel Temer. Après le départ de Lula, M. Meirelles avait gardé une certaine proximité avec l’ex-président-ouvrier, qui l’aurait bien vu comme vice-président de Mme Rousseff. Mais elle avait préféré composer un ticket avec Michel Temer. José Serra (74 ans), ex-gouverneur de l’Etat de Sao Paulo nommé à la tête de la diplomatie brésilienne, avait été le ministre de la Santé ayant oeuvré à la lutte contre le sida et pour la popularisation des médicaments génériques.

Membre du PSDB, il a été battu deux fois au deuxième tour de l’élection présidentielle, en 2002 par Lula puis en 2010 par Mme Rousseff. M. Serra remplace Mauro Vieira.

Ainsi, en pleine tourmente, le géant émergent d’Amérique latine tourne la page des gouvernements du Parti des travailleurs (PT), ouverte en 2003 par Luiz Inacio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique des années 2000 au Brésil, pays aujourd’hui en récession.

‘Traître’

L’opposition de droite accuse la présidente d’avoir dissimulé l’ampleur des déficits publics en 2014, pour se faire réélire, ainsi qu’en 2015, via des tours de passe-passe budgétaires. Elle lui reproche aussi d’avoir décrété des dizaines de milliards de dollars de dépenses sans l’aval du Parlement.

Mme Rousseff allègue que tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans avoir jamais été inquiétés.

Elle se dit également victime du « traître » Michel Temer, qui a précipité sa chute en poussant fin mars sa formation, le grand parti centriste du PMDB, à claquer la porte de sa majorité. « La destitution est un remède amer mais nécessaire », a jugé le sénateur José Serra (PSDB, centre-droit) promu jeudi chef de la diplomatie.

Mme Rousseff pourrait revenir en septembre, après les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août), mais ses chances d’être réintégrée par le Sénat sont quasiment nulles.

Pour Aecio Neves, un des leaders de l’opposition et candidat malheureux au second tour de la présidentielle en 2014, le vote des deux tiers déjà atteint, requis pour la destitution définitive, représente « un signal positif pour le nouveau gouvernement, qui prend ses fonctions avec la perspective qu’il ne sera pas seulement un gouvernement temporaire mais qu’il devra conclure le mandat de la présidente » qui prend fin en 2018.

Cocktail explosif

Dilma Rousseff devrait rejoindre sa résidence officielle de l’Alvorada, où elle continuera de vivre avec sa mère.

Son remplaçant, homme d’appareil sans charisme, est tout aussi impopulaire. Environ 61% de Brésiliens souhaitent son départ et des élections anticipées, non prévues par la Constitution, selon un récent sondage.

Il va hériter du cocktail explosif qui a conduit droit dans le mur Mme Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l’énorme scandale de corruption Petrobras, aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau.

M. Temer prépare un paquet de mesures libérales qui pourraient en outre jeter les syndicats dans la rue : ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail.

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