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Barack Obama happé par l’Irak, probablement pour longtemps

Le Vif

En autorisant des frappes aériennes dans le nord de l’Irak tout en reconnaissant ne pas avoir de « calendrier précis » en tête, le président Barack Obama s’est directement impliqué dans un dossier qui pourrait l’accaparer jusqu’à la fin de son mandat, lui avait l’ambition de mettre fin aux deux guerres – en Afghanistan et en Irak – lancées par son prédécesseur, le républicain George W. Bush.

Pas de troupes de combats au sol, frappes aériennes ciblées contre les jihadistes de l’Etat islamique (EI), livraisons d’armes, envoi de conseillers militaires sur le terrain: le président américain a décliné sa stratégie depuis une semaine.

Mais en affirmant que les Etats-Unis étaient prêts, en fonction de l’évolution du climat politique à Bagdad, à aider un nouveau gouvernement « dans sa lutte contre les forces terroristes », M. Obama se projette sur le moyen terme. « Le président Obama semble avoir adopté une stratégie d’engagement militaire sur la durée en Irak », estime Anthony Cordesman, du Center for Strategic and International Studies (CSIS), saluant une nouvelle approche qui est peut-être « la bonne », mais qui est aussi à « hauts risques ». Certains de ses adversaires républicains n’ont pas tardé à dénoncer la démarche, jugeant impératif de taper plus fort et plus vite face à l’avancée fulgurante des jihadistes ultra-radicaux. Pour les sénateurs John McCain et Lindsey Graham, il faut pourchasser les combattants – et les leaders – de l’EI en Irak comme en Syrie, sans attendre un hypothétique changement politique dans la capitale irakienne. Deux objectifs ont été mis en avant pour l’heure par la Maison Blanche: protéger les Américains stationnés à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, et éviter un génocide dans les montagnes de Sinjar.

Jeudi, M. Obama a affirmé que le siège dans ces montagnes arides où des milliers de Yazidis s’étaient retrouvés coincés avait été brisé et que la situation s’était « beaucoup améliorée ». Cependant, a-t-il ajouté aussitôt, les frappes aériennes pour protéger les Américains se poursuivront et, « à chaque fois que cela sera possible », les Etats-Unis interviendront pour mener à bien des missions semblables à celle des monts Sinjar. Le président a par ailleurs souligné que les livraisons d’aide militaire aux forces irakiennes et kurdes « qui combattent l’EI sur plusieurs fronts » avaient augmenté. Si l’opération américaine s’inscrit dans la durée, elle pourrait aussi évoluer dans sa forme. « Jusqu’ici, nous avons assisté à des frappes très limitées contre quelques cibles très vulnérables », tels que des camions et véhicules blindés stationnés sur des routes, souligne Stephen Biddle, du Council on Foreign Relations. Or la perception de cette campagne pourrait profondément changer « si une frappe aérienne américaine touche par accident une école ou un hôpital ».

M. Obama, qui martèle qu’il n’y a pas de « solution militaire américaine » en Irak, assure que le seul calendrier sur lequel il se concentre aujourd’hui est celui qui permettra l’émergence d’un gouvernement irakien plus tolérant. Le président américain ne cache pas ses regrets sur la façon dont a été gérée la campagne de frappes aériennes de l’Otan en Libye en 2011, qui ont joué un rôle clé dans la chute du régime de Mouammar Kadhafi. S’il pense que l’action militaire était justifiée, il déplore l’absence de véritables efforts politiques en parallèle. « C’est une leçon que j’applique désormais. A chaque fois que je pose la question +Devons-nous intervenir militairement? +, j’ajoute +Avons-nous une réponse pour le jour d’après? + », expliquait-il il y a quelques jours dans le New York Times.

« Notre armée est tellement puissante que si nous y mettons les moyens, nous pouvons mettre le couvercle sur un problème pendant un moment », ajoutait-t-il. « Mais pour qu’une société fonctionne sur le long terme, les gens eux-mêmes doivent décider comment ils vont vivre ensemble ». Cette réflexion explique l’attitude de Washington qui a mis tout son poids derrière le nouveau Premier ministre Haïdar al-Abadi, avec l’espoir que ce chiite forme un gouvernement plus ouvert, en évitant la marginalisation de la minorité sunnite qui a alimenté l’offensive des jihadistes. Mais même si le Premier ministre sortant Nouri al-Maliki finit par céder la place, la composition d’un nouveau gouvernement plus équilibré s’annonce complexe. « Nous n’allons pas régler le problème en quelques semaines. Je pense que cela va prendre un certain temps », a averti le président américain, deux ans et demi après le retrait des soldats américains. Pour M. Biddle, « il est tout à fait possible que la campagne de frappes aériennes que M. Obama a lancé il y a une semaine soit toujours en cours lorsqu’il quittera la Maison Blanche », en janvier 2017.

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