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Avec ou sans Puigdemont ? La grande question des indépendantistes catalans

Le Vif

L’ajournement du débat en vue de l’investiture de l’indépendantiste Carles Puigdemont par le parlement catalan a fait apparaître les doutes de son camp et les obstacles à son retour au pouvoir.

Voici les scénarios possibles dans les semaines qui viennent pour la Catalogne, qui reste sans gouvernement autonome, sous la tutelle du gouvernement central depuis la tentative de sécession du 27 octobre.

Etat des lieux

Carles Puigdemont, qui a dirigé la région entre janvier 2016 et octobre 2017, reste le seul candidat des indépendantistes, majoritaires au parlement catalan, même s’il se trouve en Belgique, d’où il entendait être investi à distance. Mais cette candidature a été contestée devant la Cour constitutionnelle par le gouvernement.

La Cour a pris en référé des mesures visant à encadrer un tel vote: elle a exigé pour le valider que M. Puigdemont soit présent au parlement, après avoir obtenu l’autorisation de s’y rendre du juge qui l’a inculpé. Elle a aussi menacé de poursuites le président du parlement s’il ne respectait pas ses conditions, et a laissé dix jours ouvrables aux parties pour présenter leur arguments pour ou contre cette investiture.

Dans ce contexte, le président indépendantiste du parlement Roger Torrent a préféré temporiser et repousser la séance, assurant qu’il voulait permettre que la session se tienne avec « toutes les garanties ». Sa décision n’avait pas été annoncée au groupe de M. Puigdemont, qui s’est senti « sacrifié » par les siens, au point d’avoir envisagé de jeter l’éponge selon des messages privés révélés par une chaîne de télévision espagnole. Mais il maintient officiellement sa candidature.

Et si au bout du compte la Cour constitutionnelle suspend de manière plus durable son investiture, « nous serions bloqués », sans gouvernement, admet une source de son groupe parlementaire sous couvert de l’anonymat. La Catalogne resterait sous administration directe de Madrid, sans l’autonomie à laquelle elle tient tant, pendant des mois.

L’avenir avec Puigdemont

La décision de Roger Torrent a exacerbé des tensions pré-existantes entre la formation de M. Puigdemont, un conservateur, et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), celle de son ancien vice-président Oriol Junqueras, actuellement en détention provisoire. Le premier, soutenu par la Candidature d’unité populaire (CUP, extrême gauche indépendantiste), semble dans une logique de choc frontal avec Madrid au nom de la défense de la « dignité du peuple catalan ». Mais ERC, plus pragmatique, veut récupérer son influence dans les institutions catalanes et continuer à gagner du terrain auprès de l’électorat non indépendantiste, toujours majoritaire.

Mercredi, des représentants des différents partis indépendantistes ont assuré qu’ils feraient tout pour parvenir à un accord. « Il faut s’arrêter et voir de quelle manière nous pouvons avoir un vrai gouvernement », expliquait à l’AFP une source au sein d’ERC.

Même si ces discussions arrivent à bon port, les obstacles qui attendent Carles Puigdemont sont nombreux. S’il rentre en Espagne, il risque d’être placé en détention. S’il est investi à distance, la justice invalidera très probablement le vote. Et d’ici quelques mois, une fois l’enquête le visant terminée, si l’inculpation est maintenue, il risque un renvoi devant le tribunal qui lui interdirait d’occuper une fonction publique.

« Sacrifice » de Puigdemont

Les appels se multiplient pour que les indépendantistes renoncent à soutenir leur leader. « M. Torrent doit ouvrir des consultations (avec les partis politiques) pour sauver la situation » et trouver un nouveau candidat, a déclaré la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, qui a imaginé toute la stratégie juridique du gouvernement pour barrer la route à Puigdemont.

Peu dans le camp indépendantiste proposent ouvertement de détrôner le « président », mais d’autres noms commencent à circuler dans la presse. S’ils ne tombent pas d’accord, les indépendantistes pourraient entraîner la Catalogne vers de nouvelles élections, d’ici quelques mois, faute de candidats. Les proches de M. Puigdemont n’y voient pas forcément un problème, estimant qu’il gagnerait encore des voix. Mais la Catalogne n’en resterait pas moins bloquée, sans nouvel exécutif. De source parlementaire, on estime que Roger Torrent dispose d’environ deux semaines pour trouver la porte de sortie de ce labyrinthe politico-juridique.

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