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« Avec notre modèle économique actuel, il est impossible d’éradiquer la pauvreté »

Stagiaire Le Vif

Un économiste américain démontre qu’en continuant à suivre notre modèle économique actuel, basé sur le PIB, il sera tout bonnement impossible d’éradiquer la pauvreté dans le monde.

Éradiquer complètement la pauvreté dans le monde d’ici 2030 : tel était l’un des objectifs avancés au terme de Rio+20, la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, en juin 2012. « C’est louable, mais impossible à réaliser », assure toutefois l’économiste américain David Woodward dans un article repris par The Guardian. En cause, selon lui : notre modèle économique actuel, entièrement basé sur le Produit Intérieur Brut (PIB). Une affirmation qu’il argumente de manière précise, chiffres à l’appui.

« Basons-nous sur le taux de croissance des salaires le plus élevé jamais enregistré. C’était entre 1993 et ??2008. Pendant cette période, les revenus des plus pauvres ont augmenté de 1,29 % chaqueannée. » En suivant cette croissance « optimiste », il faudraitpatienter jusqu’à 100 ans avant que leurs salaires atteignent 1,25 dollar (1,15 euro) par jour, soit le seuil « officiel » de pauvreté.

En plus de n’offrir des perspectives qu’à très long terme, ce scénario s’avère utopiste, à en croire David Woodward. D’abord parce qu’il néglige plusieurs variables importantes, comme le ralentissement de la croissance dû au crash financier de 2008, ou le fait que « le pic des prix des denrées alimentaires, qui ont réduit à néant les revenus des pauvres au cours des dernières années », expose-t-il. « Sans oublier qu’en un siècle, d’autres crises économiques ou écologiques sont encore possibles. »

Par ailleurs, « un nombre croissant de chercheurs commencent à souligner que 1,25 dollar par jour, ce n’est pas suffisant pour vivre. En réalité, pour que les gens puissent répondre à leurs besoins les plus fondamentaux, ils devraient gagner 5 dollars par jour. » Dans ce cas, ce n’est plus 100 ans qu’il serait nécessaire d’attendre, mais 207.

L’augmentation du PIB ne profite pas aux plus pauvres

Qu’est-ce qui cloche, concrètement, dans notre système ? David Woodward a sa petite idée. « Notre seule « stratégie » de réduction de la pauvreté est l’augmentation du PIB des pays. Mais il se trouve que l’augmentation du PIB ne profite pas vraiment aux pauvres. Ainsi, de tous les revenus générés par la croissance du PIB mondial entre 1999 et 2008, les plus démunis n’ont reçu que 5 % de ces richesses. Les plus riches, en revanche, à profiter du reste, c’est-à-dire 95 % », détaille l’économiste. « Si nous voulons éradiquer la pauvreté avec notre modèle actuel de développement économique, nous devons extraire, produire et consommer 175 fois plus de produits que ce que nous faisons actuellement… » Difficilement envisageable, donc.

Remplacer le PIB

Afin d’éradiquer la pauvreté de la Terre, nous devons, d’après lui, non seulement abolir les dettes dues par les pays en développement, fermer les paradis fiscaux, installer un salaire minimum mondial, imposer un moratoire sur l’accaparement des terres et mettre fin aux programmes d’ajustement structurel qui permettent aux pays riches de contrôler les destins des pays pauvres. Mais aussi « détrôner le PIB et le remplacer par quelque chose de plus rationnel – comme le Genuine Progress Indicator (un indicateur de l’évolution du bien-être réel dans un pays, NDLR) ou l’indice Happy Planet (calculé à partir de l’empreinte écologique, de l’espérance de vie et le degré de bien-être des populations, NDLR). »

« Mais, bien sûr, les gouvernements et entreprises n’y sont pas trop favorables, parce que cela menacerait les intérêts des plus riches », conclut-il. (A.V.)

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