Sebastian Kurz. © AFP

Autriche: l’extrême droite probable au gouvernement

Le Vif

Une nouvelle ère politique s’ouvre en Autriche avec la victoire aux législatives du jeune conservateur Sebastian Kurz, appelé lundi par Bruxelles à défendre l’orientation pro-européenne du pays alors qu’une coalition gouvernementale avec l’extrême droite est vraisemblable.

Le chef du parti conservateur ÖVP, 31 ans, n’a même pas encore endossé le costume de chancelier, qui ferait de lui le plus jeune dirigeant du monde, que les voix se sont multipliées pour souhaiter que le petit pays de 8,7 millions d’habitants reste fidèle à sa ligne europhile.

En creux : la crainte que le futur chef du gouvernement, en quête d’une majorité, s’allie avec le FPÖ eurosceptique et que l’Autriche, qui prendra la présidence tournante de l’UE au deuxième semestre 2018, rejoigne les rang des réfractaires à l’intégration européenne.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a souhaité à M. Kurz du succès dans la formation d’un gouvernement « pro-européen », à l’unisson avec le président du parlement européen Antonio Tajani, qui a dit compter sur un exécutif « fortement pro-européen ».

Même le patronat autrichien, dont de nombreuses figures soutenaient Sebastian Kurz, y est allé de sa mise en garde. La dynamique croissance autrichienne est tirée pour moitié par les exportations et l’ouverture du pays, a-t-il rappelé.

Cherche partenaire

Sebastian Kurz devrait être officiellement chargé en fin de semaine de former le nouveau gouvernement. Sa victoire aux législatives anticipées de dimanche est nette mais avec 31,7% des suffrages, selon les projections, son parti ne peut gouverner seul.

Or les rancoeurs qui se sont accumulées avec les sociaux-démocrates (SPÖ) du chancelier sortant Christian Kern (26,9%) pendant dix années de coalition centriste rendent improbable une reconduction de cette formule.

Une coalition avec le FPÖ, donné à 26% des suffrages, proche de son record historique, est « l’option la plus probable », note le politologue Anton Pelinka. Même si le goût manifesté par M. Kurz pour les « coups » politiques ne permet pas d’exclure les surprises.

Le SPÖ a avisé lundi qu’il discuterait avec les conservateurs d’une nouvelle alliance entre leurs partis mais M. Kern a jugé ce scénario peu vraisemblable. A l’inverse, les programmes de l’ÖVP et du FPÖ sont « quasi identiques », a-t-il relevé.

Ligne dure sur l’immigration, accès réduit aux prestations sociales pour les étrangers, promesse d’allègements fiscaux pour les entreprises et les particuliers : les deux partis affichent de nombreux points de convergence.

La campagne de Sebastian Kurz « a joué avec les peurs et les sentiments anti-européens », a critiqué lundi le chef des eurodéputés sociaux-démocrates Gianni Pittela.

Ministre des Affaires étrangères depuis 2013, Sebastian Kurz se targue d’avoir été le premier dirigeant européen à remettre en cause la politique d’accueil de la chancelière Angela Merkel, au pic de la crise migratoire, à l’automne 2015.

Il se félicite aussi de ses bonnes relations avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban, ouvertement hostile à l’immigration et à l’islam. M. Orban a salué lundi les « valeurs » M. Kurz et dit vouloir « renforcer la coopération » avec Vienne.

Pour le quotidien conservateur allemand Die Welt, « le soi-disant enfant prodige des conservateurs a définitivement rendu la droite dure présentable ».

Normalisation

La chancelière Angela Merkel, tout en félicitant son jeune collègue, a souligné « le sérieux défi » représenté par le score du FPÖ. En France, le Front national a salué dans le résultat de l’extrême droite autrichienne, « une nouvelle défaite pour l’UE ».

Là où les partis politiques allemands ont ostracisé le parti nationaliste AfD et rejeté tout dialogue avec ses dirigeants, l’Autriche a depuis longtemps intégré le FPÖ dans le jeu politique.

En 2000, l’arrivée de ce parti au gouvernement en coalition avec le chancelier conservateur Wolfgang Schüssel avait provoqué un tollé européen. Mais le FPÖ a depuis lissé son image et co-dirige aujourd’hui deux des neuf exécutifs régionaux, en Haute-Autriche avec l’ÖVP et au Burgenland avec le SPÖ.

Pour autant, Heinz-Christian Strache, 48 ans, chef du FPÖ depuis douze ans, ne s’annonce pas comme un interlocuteur commode pour M. Kurz, qui a réorganisé l’ÖVP autour de sa personne, prenant l’habitude d’avoir les coudées franches.

Le FPÖ entend monnayer cher sa participation au gouvernement et vise notamment les ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, des Finances et des Affaires sociales.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire