La candidature de François Fillon est désormais sous haute pression. © Reuters

Autrefois résignés, les Français se montrent désormais intransigeants face aux affaires de leurs politiques

Le Vif

Longtemps résignés face aux affaires qui ont émaillé la vie politique du pays, les Français ont changé. En témoigne leur indignation devant le « Penelopegate » et le durcissement de la lutte contre la corruption ces dernières années.

Depuis dix jours, le candidat de la droite à la présidentielle François Fillon est miné par un scandale retentissant. Il est soupçonné d’avoir salarié pendant près de dix ans sa femme Penelope pour un travail d’assistante parlementaire dont la réalité est contestée. Et d’avoir aussi rémunéré deux de ses enfants pour des missions controversées.

Cette affaire – qui fait l’objet d’une enquête – en rappelle beaucoup d’autres en France, où nombre de partis ou personnalités politiques ont été éclaboussés par des scandales.

Parmi les plus récents, l’ex-président de droite Jacques Chirac (1995-2007) a été condamné en 2011 pour « détournement de fonds publics » en lien avec des emplois fictifs à son cabinet de maire de Paris au début des années 90. L’ancien président Nicolas Sarkozy (2007-2012) est, lui, actuellement inculpé de financement illégal de campagne électorale.

La candidate d’extrême droite à la présidentielle, Marine Le Pen, est quant à elle soupçonnée d’avoir utilisé des fonds européens pour rémunérer des collaborateurs de son parti.

« Tout cela relève d’une culture de caste, de privilège (…) où l’on considère que l’accession à une fonction publique permet d’user de l’argent public en toute impunité et omnipotence », épingle Jean Garrigues, professeur d’histoire politique et auteur de Elysée Circus. « Et cette culture a été tolérée par l’opinion publique, la société et même les médias pendant très longtemps », relève-t-il.

En matière de transparence de la vie publique, la France pointait en avant-dernière position sur 27 pays européens – juste devant la Slovénie, dans une étude publiée en 2010 par l’organisation de lutte contre la corruption Transparency international.

Mais « les choses ont changé. Il y a eu un électrochoc salutaire avec l’affaire Jérôme Cahuzac » en 2013, souligne Daniel Lebègue, président de Transparency France. Ministre socialiste du Budget, M. Cahuzac a été condamné en décembre 2016 à trois ans de prison pour avoir dissimulé au fisc un compte en Suisse, provoquant le plus gros scandale du mandat de François Hollande.

Les Français « ne laissent plus passer les choses, ils n’acceptent plus. C’est un effet de la crise financière, des efforts qu’on a demandés à tout le monde », juge-t-il.

Jerome Cahuzac, ministre du Budget condamné en décembre 2016 à trois ans de prison pour avoir dissimulé au fisc un compte en Suisse.
Jerome Cahuzac, ministre du Budget condamné en décembre 2016 à trois ans de prison pour avoir dissimulé au fisc un compte en Suisse.© REUTERS

Invitation à la fraude

Deux grandes lois ont suivi ce scandale. Dès le printemps 2013, la transparence a été renforcée avec notamment l’obligation pour les parlementaires de déclarer leur patrimoine, ainsi que l’identité de leurs collaborateurs. Et un parquet national financier a été créé en 2014, avec quinze magistrats spécialisés dans la lutte contre la fraude et la corruption.

En novembre 2016, la France s’est enfin dotée d’une agence anti-corruption. »Mais entre le moment où l’on change les règles du jeu et les institutions, et le moment où cela trouve sa traduction dans les comportements et les pratiques des acteurs, il faut un peu de temps. On est dans cette zone intermédiaire », juge Daniel Lebègue. « Il y a un décalage entre l’exigence éthique de la société et le réflexe d’impunité des politiques qui explique pourquoi François Fillon ne comprend peut-être même pas ce qui lui arrive », ajoute Jean Garrigues.

Depuis dix jours, François Fillon, qui a fait de la probité un thème clé de sa campagne, tente de contre-attaquer en dénonçant l’oeuvre d' »officines » voire même du pouvoir socialiste.

Si elle est légale en France, sous certaines conditions, l’embauche par les parlementaires de membres de leur famille, proscrite au Parlement européen ou au Bundestag allemand, stupéfie l’opinion dans plusieurs pays étrangers. « Le fait d’être autorisé à employer des proches, en l’absence quasi-totale de contrôle, est une invitation à la fraude », estime ainsi Bjorn Willum, correspondant à Paris des radio et télévision danoises.

Depuis l’affaire Fillon, cette pratique (qui concerne 15% des parlementaires) est aussi condamnée par 76% des Français, qui veulent désormais l’interdire, selon un récent sondage.

En dépit des progrès sur la transparence en politique, des zones d’ombre demeurent. Les députés gèrent ainsi par exemple l’enveloppe destinée à la rémunération de leurs assistants (quelque 9.500 euros mensuels), sans aucun compte à rendre.

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