© REUTERS

Au Venezuela, une élection de Constituante sous haute tension

Le Vif

Solution pour juguler la crise d’un côté, instrument d’un pouvoir sans partage de l’autre: le Venezuela, plus divisé que jamais, élit dimanche les membres d’une Assemblée qui aura pour mission de réécrire la Constitution.

Le scrutin se déroulera dans un climat de tension extrême.

L’opposition vénézuélienne voit dans cette Constituante un moyen pour le président Nicolas Maduro de se cramponner au pouvoir, de contourner le Parlement élu, où elle est majoritaire, et d’éviter la présidentielle de fin 2018.

Le gouvernement assure que la future Assemblée, dont la durée du mandat n’est pas définie, sera un « super pouvoir » qui aura la capacité de dissoudre le Parlement, qu’elle apportera la paix et permettra au pays de se redresser économiquement.

Les 545 membres de l’Assemblée constituante siègeront à partir du 2 août dans l’hémicycle du Parlement, prenant la place des députés élus: 364 constituants représenteront les circonscriptions municipales, 173 seront désignés par des groupes sociaux (travailleurs, retraités, étudiants, paysans, handicapés, chefs d’entreprise…) et 8 par les communautés indigènes.

Selon l’expert électoral Eugenio Martinez, 62% des 19,8 millions de votants pourront voter deux fois –l’une comme habitant d’une municipalité et l’autre comme membre d’une des catégories sociales–.

L’opposition, qui a refusé de participer à ce processus, crie au scandale.

Défi au gouvernement

Quelque 70% des Vénézuéliens sont opposés à la Constituante et 80% rejettent la gestion de Nicolas Maduro, selon l’institut de sondage Datanalisis.

Le Venezuela, autrefois immensément riche, fonctionne au ralenti depuis la victoire de l’opposition aux législatives de fin 2015, mettant un terme à 17 ans d’hégémonie chaviste -du nom d’Hugo Chavez, président de 1999 à son décès en 2013, dont Nicolas Maduro est l’héritier.

Le Venezuela vit aussi l’une des pires crises économiques de son histoire, asphyxié par la chute des cours du brut, source de 96% de ses devises. Son inflation, stimulée par les pénuries d’aliments et de médicaments, est devenue totalement incontrôlable, à 720% cette année selon le FMI.

En outre, une grève générale de 48 heures, organisée par la coalition d’opposition « Table pour l’unité démocratique » (MUD, centre droit) a paralysé en partie le pays mercredi et jeudi.

Une demi-douzaine de personnes ont été tuées en deux jours, portant à plus d’une centaine le total des morts depuis le début de la vague de protestations contre le président Maduro, début avril.

Défiant l’interdiction du gouvernement de manifester, l’opposition a appelé jeudi à défiler de vendredi à dimanche contre le projet de Constituante. Dans un des pays les plus violent au monde, ce climat explosif fait craindre de nouveaux incidents d’ici dimanche.

« Nous invitons le pays à se préparer à prendre les routes principales, les avenues, les rues et nous y maintenir jusqu’à stopper cette fraude constitutionnelle », a déclaré le député d’opposition Jorge Millan.

Nervosité ambiante

Jeudi, le ministre de l’Intérieur, le général Nestor Reverol, a prévenu que les contrevenants risquent de cinq à dix ans de prison.

Signe de la nervosité ambiante, les Etats-Unis ont ordonné jeudi aux familles des diplomates en poste au Venezuela de quitter le pays. Le département d’Etat redoute une « situation politique et sécuritaire imprévisible » et a fait également état de l’arrestation, de la détention de ressortissants américains.

Les Etats-Unis ont également annoncé mercredi des sanctions contre 13 hauts responsables gouvernementaux vénézuéliens actuels et anciens, gelant leurs comptes bancaires et avoirs aux Etats-Unis. Nicolas Maduro a rejeté cette sanction, la qualifiant d' »insolente ».

Par ailleurs, des militaires sont postés devant certains bureaux de vote depuis le début de la semaine.

Le président Maduro a tenté de désamorcer la crise en proposant un dialogue à ses adversaires avant l’élection.

« Je propose à l’opposition politique vénézuélienne qu’elle abandonne le chemin de l’insurrection (…) et que nous instaurions dans les prochaines heures, avant l’élection et l’installation de l’Assemblée constituante, un cadre pour dialoguer », a déclaré le chef de l’Etat socialiste, tout en affirmant que son projet de modifier la Constitution promulguée en 1999 par le défunt Hugo Chavez irait jusqu’au bout.

« L’opposition a intérêt à accepter cette proposition », a prévenu le président devant des milliers de sympathisants réunis dans le centre de Caracas.

En conférence de presse, Freddy Guevara a rétorqué qu’à aucun moment le gouvernement n’a fait de proposition sérieuse de dialogue.

AFP

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire