© FRÉDÉRIC RAEVENS

DÉPASSER L’OBAMA BLUES

Entre le Yes we can de 2008 et le Yes we did de 2017, s’est écoulé un long fleuve pas toujours tranquille qui oblige à tempérer l’optimisme du président américain sortant. Sans doute faudra-t-il le recul du temps pour déterminer si la reprise économique, le recul du chômage, le sauvetage de l’industrie automobile, l’extension de la couverture santé à des millions de concitoyens, le rétablissement des relations avec Cuba ou le confinement des prétentions nucléaires iraniennes auront fait de Barack Obama un grand dirigeant. Ou, a contrario, si l’essentiel de son apport à l’histoire du pays se sera résumé à son… élection comme premier président noir des Etats-Unis. D’ores et déjà, une certitude, au moins, s’impose : économiquement et diplomatiquement, il laisse un pays dans une meilleure conjoncture que celle léguée par son prédécesseur.

Dans l’inventaire, il est de surcroît un acquis trop peu mis en évidence. Les deux mandats de Barack Obama n’auront pas été entachés par le moindre scandale, à caractère privé, financier ou autre, alors que l’actualité des démocraties occidentales en fourmille et que l’histoire contemporaine des Etats-Unis, de Richard Nixon à George W. Bush, en passant par Bill Clinton, était loin d’en garantir la réalité. La seule exception à ce constat, comme le veut la règle, a en fait concerné sa secrétaire d’Etat Hillary Clinton, mise en cause pour l’usage imprudent d’une messagerie non sécurisée, ce qui lui a coûté l’élection au poste suprême.

Cette sobriété dans l’action politique comme dans les actes du quotidien reflète somme toute parfaitement l’image qu’auront laissée de leurs huit années passées à la Maison-Blanche Barack Obama, Michelle et leurs enfants : une élégance à toute épreuve, une sincérité non feinte, malgré le souci permanent des communicants de raconter une histoire. Tout cela pourrait n’apparaître précisément que comme du marketing politique. Mais les Européens, qui ont vu le regard porté sur eux diamétralement changer au passage de flambeau entre Bush et Obama, sont bien placés pour évaluer l’importance, sur les relations internationales, d’une présomption de sympathie et de confiance.

Ce n’est pas le sentiment qui prévaut en Europe au moment d’entamer un nouveau chapitre du partenariat transatlantique. Donald Trump inquiète. Sur la forme, par ses déclarations intempestives, sa stratégie du tweet assassin ou ses propos injurieux. Sur le fond, par son intention affichée de rompre l’accord nucléaire sur l’Iran, de se rapprocher de Vladimir Poutine ou de réduire le rôle de l’Otan… Craintes fondées. Mais le nouveau président des Etats-Unis est un pragmatique, pas un idéologue. Et quelques membres de son gouvernement, où pullulent généraux (lire page 62) et hommes d’affaires, apparaissent plus raisonnables et plus raisonnés que leur mentor, n’hésitant pas déjà à le contredire.

A cette aune, c’est davantage dans le mode de gouvernance que le plus destructeur peut être redouté de la part de Donald Trump. Amateurisme, simplisme, cafouillages, contradictions, conflits d’intérêts guettent la nouvelle équipe sans que le Parti républicain et son expérience du pouvoir, dont le nouveau président s’est affranchi, puissent espérer y remédier. Les principales victimes en seraient d’abord les Américains. Mais le discrédit qui frapperait son principal allié ne pourrait qu’affecter la politique de l’Union européenne au profit des autres puissances, Chine et Russie. C’est la raison pour laquelle l’Europe trouvera aussi son intérêt dans la réussite de Donald Trump, malgré les préventions légitimes que sa présidence suscite.

gérald papy

 » Amateurisme, simplisme, cafouillages, contradictions, conflits d’intérêts guettent le nouveau gouvernement américain  »

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