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Au Canada, 1200 femmes ont été assassinées ou ont disparu dans l’indifférence

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Un rapport de la police canadienne publié en 2014 montre clairement que les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les victimes d’homicide et de disparition. De nombreuses voix réclament une enquête publique que le gouvernement fédéral s’obstine à refuser. En cette année d’élections, l’affaire est devenue un enjeu électoral.

En mai 2014, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) publie un rapport interpelant. Entre 1980 et 2012, 1181 femmes autochtones (Amérindiennes) ont disparu. 1017 femmes ont été assassinées et 164 n’ont jamais été retrouvées.

De ces chiffres apparait un constat : alors que parmi les Canadiennes, 4 % sont des autochtones, elles représentent 16 % des victimes d’homicides de femmes et 11.3 % des disparitions recensées entre 1980 et 2012.

En 2012, les femmes autochtones représentaient même 23 % des femmes victimes d’homicides, comme le souligne le journal canadien La Presse. De plus, alors que le nombre de meurtres de femmes diminue au Canada, ce n’est pas le cas pour les femmes autochtones.

« Nous savions intuitivement que les femmes autochtones étaient surreprésentées, mais j’ai été surprise du nombre et du taux de résolution », avait alors commenté Janice Armstrong, la sous-commissaire de la GRC aux services de police autochtones, à Radio-Canada.

Un relent d’histoire de l’histoire coloniale

Dans son livre « Soeurs volées, histoire d’un féminicide au Canada », publié récemment, la journaliste française Emannuelle Walter (qui vit à Montréal) dénonce le « deux poids deux mesures » qui a été pratiqué dans le pays depuis 30 ans. « C’est un moindre investissement policier et une plus grande apathie médiatique spectaculaire, mais vraiment très impressionnante, quand on compare des cas de jeunes filles autochtones à de jeunes filles blanches » s’indigne-t-elle.

Selon elle, cette « apathie » viendrait d’un passé colonial qui n’a pas été bien digéré : « S’il y a cette incapacité à prendre le problème à bras le corps, cette difficulté à adapter les systèmes de protection sociale aux femmes autochtones, c’est parce qu’il y a le refus de la part du Canada politique à regarder le problème en face, à regarder son histoire coloniale en face et même de la part des acteurs institutionnels et médiatiques – la police, les travailleurs sociaux, les journalistes – il y a une forme d’inconscient colonial, puissant, qui fait qu’on n’arrive pas à reconnaître ces manquements, cette apathie, donc il y a vraiment ici quelque chose à combler », explique-t-elle.

Une demande d’enquête publique depuis 2010

Depuis 2010 déjà, l’Association des femmes autochtones réclame une enquête publique pour 582 cas d’homicides et de disparitions de femmes autochtones. En 2012, de nombreuses voix se sont également élevées pour réclamer cette enquête : des organisations autochtones, certains ministres régionaux et provinciaux, Human Right Watch et un rapporteur spécial de l’ONU.

Il faudrait « une commission au mandat vaste et indéfini, mais qui surtout, permettrait aux familles des victimes et à leurs communautés de témoigner de la perte d’un être cher, de la discrimination dont elles se disent victimes de la part des forces de l’ordre, ou des problèmes sociaux qui les affligent », explique Radio-Canada.

Pourtant, après le rapport accablant de CGR publié en 2014, la réponse du gouvernement fédéral du Premier ministre Stephen Harper, est toujours la même: c’est non. En contrepartie, il préfère appuyer son projet de loi qui viserait à subventionner, à hauteur de 25 millions sur 5 ans, la lutte contre la violence faite aux femmes autochtones.

Un enjeu électoral

Ce vendredi 13, c’est tout le Canada qui se mobilise : manifestations et blocage des routes sont au programme. Le but aujourd’hui est de bloquer le pays pour réclamer la tenue de l’enquête publique. Ils sont 30.000 Canadiens à avoir signé une pétition en ce sens, rapporte TV5 Monde.

Le sujet est également devenu en enjeux électoral. Justin Trudeau, chef du Parti libéral, a affirmé qu’il lancera une enquête publique sur les femmes disparues s’il est élu Premier ministre. Les élections fédérales canadiennes auront lieu en octobre 2015.

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