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Au Brésil, une vague écolo nommée Marina Silva

Une star est née. Même éliminée du second tour, la candidate écologiste est la grande gagnante du scrutin présidentiel de ce dimanche. Un Brésilien sur cinq a voté en faveur de cette ex-ministre de l’Environnement née en Amazonie, jadis analphabète, et dont l’avenir paraît très prometteur.

Contrairement aux prévisions des sondages pour le premier tour, le raz de marée en faveur de Dilma Rousseff, « la dauphine de Lula », n’a pas eu lieu. C’est une importante déception pour le camp de la candidate du Parti des travailleurs (PT), qui recueillle néanmoins près de 47% des suffrages. Son adversaire social-démocrate José Serra (PSDB) en totalise 32,6%. C’est mieux que les 26% à 30% prévus pas les différents instituts. D’autant que son parti, au niveau local, a conqui dès le premier tour les deux Etats les plus important du Brésil: São Paulo et le Minas Gerais. En chiffres absolus, 14,5 millions de voix (sur un total de 111 millions de suffrages exprimés) séparent Dilma Rousseff et José Serra, qui s’affronteront lors du second tour, le 31 octobre.

Avec près d’un électeur sur cinq en faveur de Marina Silva (Parti Vert, PV), le mouvement écologiste remporte un considérable succès. Leur candidate recueille 19,3% des suffrages, soit 19,6 millions de voix, c’est à dire presque le double des prévisions des instituts de sondages. Il s’agit d’une lame de fond: l’ex-ministre de l’Environnement de Lula (démissionnaire du gouvernement Lula en 2008) arrive d’ailleurs en tête dans la capitale Brasilia et en seconde position dans quatre des 27 Etats brésiliens: celui de Rio de Janeiro, celui de Pernambouc (région natale de Lula) ainsi que dans deux Etats amazoniens (Amazonas et Amapa, limitrophe de la Guyane française).

Qui sont ses électeurs ?

Le succès de « Marina », dont le candidat à la vice-présence n’est autre que le PDG de Natura Guilherme Leal, l’une des 500 plus grandes fortunes du monde, témoigne d’une nette progression de la conscience écologiste dans un pays qui abrite la plus grande forêt primaire du monde. Et cela, en dépit du faible temps d’antenne (calculé en fonction de la représentation des partis au Congrès) dont disposait le Parti Vert à la télévision pour défendre ses positions sur le changement climatique et sur la déforestation de l’Amazonie.

Le score de « Marina » traduit, aussi, la déception des électeurs vis à vis de la campagne sans relief et terriblement ennuyeuse menée par les deux principaux candidats, tous deux dépourvus également de charisme. Par contraste, la candidate au look de jeune fille modèle, dégageait une force et un rayonnement palpable malgré son allure frêle et sa voix d’adolescente.

Si les jeunes citadins constituent la base de son électorat, la candidate écologiste profite également d’un phénomène d’identification de la part de l’électorat populaire. Car à l’instar de Lula, Marina Silva est une enfant du peuple dont la trajectoire force l’admiration: issue d’une famille pauvre qui comptait onze enfants dans l’Etat amazonien de l’Acre, elle a travaillé en forêt comme récolteuse de latex bien avant d’avoir de devenir adulte. Et elle fut analphabète jusqu’à l’âge de 14 ans avant de réussir des études supérieures à force de volonté.

Un avenir prometteur

Le surgissement de Marina Silva dans le paysage présidentiel rappelle d’ailleurs celui de Lula en 1989. Comme l’actuel chef de l’Etat à l’époque, Marina fait aujourd’hui figure d’outsider et de candidat éthique. Mais il y existe une différence: pour sa première candidature présidentielle, Marina fait encore mieux que Lula qui, à l’époque, avait recueillis 17% des votes. Ce qui laisse augurer d’un avenir électoral prometteur.

Une certitude: Marina Silva, 50 ans, s’est installée dans le paysage politique pour durer. Dans deux ans, la conférence mondiale RIO +20 sur le réchauffement climatique lui offrira d’ailleurs une belle tribune internationale. Dans l’immédiat, ses presque 20 millions d’électeurs font l’objet d’une âpre convoitise de la part de Dilma Rousseff et José Serra. Le Parti Vert va rapidement réunir une assemblée plénière pour définir sa position officielle avant le second tour.

On imagine difficilement la candidate écolo, qui a fait l’essentiel de sa carrière politique au sein du PT de Lula (avant sa démission du gouvernement et du parti en 2008) appeler à voter pour José Serra, l’ex-gouverneur de São Paulo qui passe pour le représentant du camp conservateur. Mais un soutien déclaré à Dilma Rousseff serait également surprenant. Lorsqu’elles appartenaient au même gouvernement, les différends entre la ministre de l’Environnement, Marina, et celle de la Maison Civile (équivalent de Premier ministre), Dilma avaient fini par déboucher sur la démission de la première.

La stratégie pour les Verts brésiliens et leur championne paraît claire: continuer à creuser le sillon de la « troisième voie », en vue d’une récolte encore meilleure à la prochaine élection.

Par Axel Gyldén

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